Incohésion dans les écoles à quelques jours de la rentrée

La Santé publique est en train de réviser toutes les mesures sanitaires qui existaient lors de la dernière année scolaire à cause de l’évolution de la situation épidémiologique.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne La Santé publique est en train de réviser toutes les mesures sanitaires qui existaient lors de la dernière année scolaire à cause de l’évolution de la situation épidémiologique.

La confusion prend de l’ampleur dans le réseau de l’éducation à quelques jours de la rentrée scolaire. À défaut de lignes directrices nationales, des centres de services scolaires et des directions régionales de santé publique préparent leurs propres mesures sanitaires, y compris le port du masque en classe ou la mise en place de bulles-classes au primaire, a appris Le Devoir.

Selon nos sources, la Santé publique de Montréal se prépare à recommander le port du masque dans les écoles primaires et secondaires, y compris en classe. Une annonce est imminente, indique-t-on.

À Laval, considéré comme l’épicentre de la quatrième vague de COVID-19, on considère aussi aller plus loin que les recommandations de Québec : des discussions entre la Santé publique régionale et le Centre de services scolaire de Laval (CSSDL) prévoient la mise en place de bulles-classes au primaire. La décision n’est pas arrêtée, mais le CSSDL est prêt à aller de l’avant avec cette mesure si la Santé publique le recommande, confirment nos sources.

Les bulles-classes seraient créées uniquement au primaire, où cette mesure serait relativement simple à appliquer. Dans le réseau scolaire, on juge irréaliste de mettre en place des bulles-classes au secondaire à quelques jours de la rentrée à cause des cours à option et des programmes particuliers qui entraînent de multiples changements de groupe.

Une réunion houleuse a eu lieu vendredi matin entre quatre sous-ministres de l’Éducation et des « partenaires » du réseau scolaire. Ces derniers ont déploré qu’une série de questions restent toujours sans réponse à moins d’une semaine du retour en classe. Les représentants du ministère de l’Éducation se sont engagés à faire parvenir dès lundi des lignes directrices mises à jour, qui doivent répondre en bonne partie aux inquiétudes soulevées dans le réseau.

Sans lignes directrices de la Santé publique nationale, nos membres ne savent plus trop comment gouverner

 

Des participants à la rencontre virtuelle de vendredi matin indiquent que le ministère gardait le cap sur sa décision de ne pas imposer de bulles-classes ou le port du masque dans les salles de cours. Mais dans certaines régions, les autorités locales ont pris les devants.

« On s’est rendu compte que dans les centres de services scolaires, il y a des consignes qui arrivent des santés publiques régionales. Elles peuvent faire des annonces plus ciblées en fonction de leur réalité, mais sans lignes directrices de la Santé publique nationale, nos membres ne savent plus trop comment gouverner », explique Caroline Dupré, présidente-directrice générale de la Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ).

Elle est encouragée par l’engagement de Québec à préciser lundi certaines mesures à mettre en place en vue de la rentrée scolaire. L’absence de protocole de la Santé publique pour gérer les infections en milieu scolaire a donné lieu à de la confusion dans un centre de formation professionnelle de la Montérégie, au cours des derniers jours. Un cas d’infection a été signalé dans une classe.

« La consigne était de ne pas systématiquement fermer la classe. Les élèves doublement vaccinés pouvaient continuer de fréquenter leur groupe. Il y avait de la confusion cette semaine, il faut préciser ça », dit Caroline Dupré.

La Santé publique est en train de réviser toutes les mesures sanitaires qui existaient lors de la dernière année scolaire à cause de l’évolution de la situation épidémiologique : le variant Delta, plus contagieux, change la donne, tandis que la vaccination amoindrit les risques de contagion. Les experts doivent trouver un équilibre délicat pour protéger les gens tout en accueillant les élèves dans les écoles. Cet exercice prend du temps, a expliqué cette semaine le ministère de la Santé et des Services sociaux.

À quelques jours du retour en classe, les directions d’école trouvent qu’il est « minuit moins une » pour préciser les consignes de santé publique dans les écoles. « On déplore qu’à la veille de la rentrée, on a encore beaucoup de questions sans réponse », dit Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES).

« Les profs rentrent en classe lundi. Ils vont nous demander : “Est-ce que je peux faire ma rencontre de parents ? ” On ne pourra pas leur répondre, imaginez ! » ajoute la représentante des directions d’école de Montréal.

Depuis plusieurs jours, les parents appellent les écoles pour savoir si les programmes sport-études de leurs enfants pourront se mettre en marche. Les élèves sont déjà acceptés dans ces programmes. Tous les horaires sont faits.

Le passeport vaccinal sera requis pour prendre part à certaines activités à « haut risque », a annoncé le ministère de l’Éducation. Quelles sont ces activités ? Sans réponse de la Santé publique, les directions d’école peuvent difficilement rassurer les parents, explique Kathleen Legault.

Défendre l’éducation

En privé, des acteurs influents du réseau scolaire déplorent ce qu’ils considèrent comme l’attentisme du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, face à la Santé publique. Ils ont l’impression que les médecins de la Santé publique en prennent trop large en dictant les règles de fonctionnement des écoles en temps de pandémie.

Les experts de la santé connaissent mal le fonctionnement du système d’éducation, déplore une personne impliquée dans le réseau ayant requis l’anonymat par crainte de représailles. Ils évaluent l’épidémie de jour en jour, d’heure en heure, tandis que le réseau a besoin de stabilité. C’est pourquoi les profs, les directions d’école et les gestionnaires scolaires doivent s’ajuster aux décrets de la santé publique depuis un an et demi.

« Comment ça se fait que le réseau de l’éducation est “barouetté” comme ça ? On ne peut pas constamment se virer de bord en 24 heures ! Le ministre Roberge devrait se battre pour être à la table des décisions et porter la voix du réseau », fait valoir cette personne.

Au cabinet du ministre Roberge, on rappelle que le réseau d’éducation, comme tous les autres secteurs de la société, doit travailler avec les experts de la santé publique. Il en va de la santé des centaines de milliers d’élèves et de membres du personnel.



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