À Laval, l'«école de demain» existe déjà

La proverbiale « école de demain » existe déjà. Elle vient d’ouvrir ses portes dans le quartier Chomedey, à Laval. Le bâtiment a fière allure avec ses immenses fenêtres, ses larges corridors et son gymnase double. On peut même écrire sur les murs des classes. C’est surtout le premier établissement public du Québec qui peut devenir tant une école primaire que secondaire grâce à ses locaux « transformables, flexibles et modulaires ».
En quoi consistent des locaux « transformables, flexibles et modulaires » ? Ça veut dire qu’on peut déplacer les murs de 50 % des espaces dans le bâtiment. On peut agrandir ou rapetisser les locaux grâce à des panneaux coulissants. La vocation de certains espaces peut aussi changer en fonction des besoins.
« C’est la plus belle école du Québec ! » lance Alain Fournier, directeur de l’école internationale des Aventuriers, en nous accueillant dans le bâtiment tout neuf.
L’école a ouvert ses portes il y a moins d’un mois à ses 480 élèves de la maternelle à la sixième année. Ce bâtiment unique est relié par une passerelle à l’école secondaire Saint-Martin, située sur le même terrain. Pour le moment, l’école des Aventuriers est une école primaire, mais elle est équipée pour se transformer en école secondaire en cas de besoin.
« On doit se préparer, car la plus grande partie de notre croissance se fera au niveau secondaire dans les prochaines années », explique Daniel Quirion, directeur des ressources matérielles au Centre de services scolaire de Laval (CSSDL). Il prévoit d’accueillir près de 3000 élèves supplémentaires dans la prochaine décennie.

Nécessité et invention
Les écoles débordent à Laval, comme ailleurs dans la grande région de Montréal. Le problème, c’est qu’il manque cruellement de terrains pour construire des écoles dans les quartiers centraux densément peuplés de l’île et de ses banlieues. Les gestionnaires scolaires doivent rivaliser d’ingéniosité pour trouver des espaces où loger les élèves.
Le Centre de services scolaire de Laval a ainsi acheté récemment un supermarché et un bâtiment de l’industrie pharmaceutique pour les convertir en écoles. Et ce n’est pas pour rien que la nouvelle école des Aventuriers est adjacente à l’école secondaire du quartier : le centre de services était déjà propriétaire du terrain, un des rares disponibles dans ce secteur en pleine croissance démographique.
Plus important encore, la décision de bâtir une école « transformable, flexible et modulaire » fait suite à une vaste réflexion sur « l’école lavalloise de demain », menée en 2018. La pénurie de locaux et de terrains a forcé le CSSDL à inventer ce concept de bâtiment pouvant être transformé en école primaire ou en école secondaire, en fonction des besoins du moment.
Dans l’ancien temps, on pouvait se permettre le luxe de construire des écoles primaires et des écoles secondaires, selon le type de « clientèle » en croissance. Mais l’extrême rareté des terrains, surtout dans les quartiers centraux, a obligé le CSSDL à se montrer « créatif », explique Daniel Quirion.
Le centre de services lavallois a aussi inventé le concept de « maison classe » il y a quatre ans. Ces maisons temporaires semblables à des chalets, avec leurs poutres de bois et leurs grandes fenêtres, sont plus attrayantes que les traditionnelles classes modulaires — autrefois appelées « roulottes » — qu’on installe dans la cour de récréation des écoles surpeuplées.
Des « oh ! » et des « ah ! »
Les classes modulaires se sont aussi améliorées au fil du temps. Ce n’est pas étonnant, car elles se multiplient, notamment dans la grande région de Montréal. Les élèves et le personnel de l’école des Aventuriers ont ainsi commencé leur année scolaire dans les trente locaux modulaires installés sur le terrain de l’établissement.
Les élèves et les membres du personnel sont enchantés depuis qu’ils ont emménagé dans leur école toute neuve. On a entendu des « oh ! » et des « ah ! » en visitant l’école. « C’est stimulant d’arriver ici. Je rêve déjà à la prochaine année scolaire ! » dit Valérie Viau, enseignante de cinquième année.

Elle adore les panneaux coulissants qui permettent de retirer les murs entre deux classes. Cette formule ouvre la voie au travail en équipe avec les collègues du même niveau. Elle apprécie aussi le fait qu’elle et ses élèves peuvent écrire au crayon feutre sur ces panneaux. « C’est motivant pour les élèves d’écrire sur les murs », dit-elle.
Valérie Viau montre les grandes fenêtres qui laissent entrer la lumière du jour — et l’air frais de l’extérieur, ce qui n’est pas rien, en pleine pandémie. Un système de ventilation mécanique fait aussi circuler l’air et rafraîchira les classes lors des jours de canicule, en plus de diminuer les risques de propagation de la COVID-19.
Éric Valiquette, professeur de musique, nous accueille dans son local insonorisé. « C’est vraiment agréable d’enseigner la musique sans déranger les gens dans les locaux d’à côté », dit-il. Le simple fait d’avoir un local de musique est déjà une exception : l’année dernière, il devait enseigner dans la bibliothèque de l’école où il travaillait, et transporter ses instruments de musique sur un chariot. C’est devenu la norme dans les écoles surpeuplées : les locaux d’enseignement des arts sont parmi les premiers à être sacrifiés…
Bienvenue à tout le monde
Les sourires se multiplient partout dans l’école des Aventuriers : à la superbe bibliothèque munie d’étalages-banquettes en forme de lettres géantes L-I-V-R-E-S ; au bout du couloir vitré, où une petite serre a été aménagée ; dans l’immense local baigné de lumière qui peut servir de cafétéria, de service de garde et de lieu de rencontre ; dans le gymnase double ; dans les locaux de l’administration ; et même à l’extérieur, où les modules de jeu et les paniers de basketball attendent les joueurs sous la pluie du jour.
Tout est plus grand que la normale dans cette école primaire, parce qu’elle est conçue pour accueillir des élèves du secondaire. Élèves et membres du personnel sont encore ébahis par les larges corridors qui pourraient un jour abriter des casiers de « grands » du secondaire.

Une aile du bâtiment est même dotée d’un toit à dalle de béton pour pouvoir accueillir rapidement un étage supplémentaire. Les fondations de l’immeuble sont aussi solidifiées en conséquence. C’est cela, une école« transformable, flexible et modulaire ». Les écoles gagnent en hauteur, faute d’espace.
Quatre futures écoles de Laval seront bâties de cette façon et comporteront des notions de « flexibilité », explique Daniel Quirion, directeur des ressources matérielles du CSSDL. Certaines écoles auront même des scènes amovibles, où l’on pourra tenir des spectacles ou d’autres événements, dans les gymnases.
Les gymnases et les autres locaux polyvalents ont même des entrées indépendantes pour ouvrir leurs portes à l’ensemble de la communauté. C’est la beauté de la chose : les écoles sont désormais conçues pour tous les citoyens du quartier, et non seulement pour les enfants.