Les étudiants étrangers se tournent surtout vers les collèges anglophones

L’explosion du nombre d’étudiants internationaux dans les collèges du Québec — une augmentation de 369 % au cours des dix dernières années — a surtout profité aux établissements d’enseignement de langue anglaise, a constaté l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC). En effet, de 25,5 % en 2011, la proportion d’étudiants étrangers inscrits dans des collèges anglophones — qu’ils soient publics ou privés, subventionnés ou pas — est passée à 54,6 %, selon les données préliminaires de 2019.
Chercheur principal de cette étude intitulée Les étudiants internationaux au collégial : portrait, tendances et enjeux, Éric N. Duhaime explique ce phénomène en partie par la forte croissance du nombre d’étudiants étrangers dans les collèges privés non subventionnés situés surtout à Montréal. « Mais pas seulement eux. Les collèges privés non subventionnés ont lancé le bal et les collèges publics et privés subventionnés de tout le Québec ont embarqué dans la course », a-t-il précisé.
Historiquement, il y a dix ans, voire vingt ans, les étudiants recrutés provenaient majoritairement des bassins francophones, a indiqué le chercheur. « C’est depuis 2017 qu’on a vu un basculement s’opérer. »
Les étudiants indiens dominent
Selon lui, le facteur déterminant derrière cette tendance est lié aux pratiques de recrutement, lequel est surtout fait par des agences privées qui recrutent notamment en Inde, où l’anglais est davantage parlé. Les chiffres sont sans équivoque : de tous les étudiants internationaux dans le réseau collégial, près de la moitié proviennent de l’Inde (7687), dépassant les effectifs de la France (4072), selon les données préliminaires de 2019. Les données de 2020, année marquée par la pandémie, ne font pas partie du rapport.
Je pense que ce serait quand même problématique que le Québec devienne un pôle d’enseignement collégial principalement anglophone
Cet engouement pour accueillir des étudiants venus de l’Inde dans le réseau collégial se reflète également dans le nombre de certificats d’acceptation du Québec (CAQ) délivrés par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), soit le titre qui permet aux étudiants étrangers voulant venir étudier dans la province de demander un visa au gouvernement fédéral. Selon des données du MIFI, en 2019, 64 % de tous les CAQ délivrés sont allés à des étudiants indiens. Cette proportion a crû à 69 % en 2020 (en chiffres absolus, c’est 24 202 sur un total de 35 215 CAQ qui sont allés aux Indiens, suivis de très loin par les Français, qui en ont obtenu 2402).
« On peut célébrer le fait qu’il y a plus de diversité [de provenance], mais en même temps, on voit qu’on cible uniquement des étudiants de l’Inde et de la Chine », remarque le chercheur. « Derrière ça, il y a des intérêts économiques. À partir du moment où tu as ton réseau établi dans un pays et qu’il y a une demande pour venir étudier au Canada […], c’est plus rentable de cibler un même endroit pour recruter. Il faudrait diversifier les horizons. »
Recommandations
Parmi les sept recommandations de son rapport, il y a celle plaidant pour que le gouvernement mette en place des mesures incitatives afin que la réalité culturelle et linguistique du Québec soit reflétée dans le choix d’établissement des étudiants étrangers. « Je pense que ce serait quand même problématique que le Québec devienne un pôle d’enseignement collégial principalement anglophone », croit Éric N. Duhaime.
En outre, il recommande également que le Québec retire la charge du recrutement à la Fédération des cégeps, un groupe qui « représente les intérêts des cégeps mais qui ne rend pas de comptes à la population », estime M. Duhaime. « Pour plus de transparence, il y aurait avantage à ce que la question des étudiants étrangers soit gérée par un organisme gouvernemental, qui s’occuperait de jouer ce rôle de coordination et de mutualisation des ressources et dépenses pour les missions de recrutement à l’étranger. »