Parrainage: Québec prié de faire une exception pour les étudiants réfugiés

Le dépôt de dossiers par des organismes est mis sur pause le temps d’une enquête.
Photo: iStock Le dépôt de dossiers par des organismes est mis sur pause le temps d’une enquête.

La suspension récente d’une partie du programme de parrainage collectif compromet la venue de réfugiés qui sont attendus en août dans des cégeps et des universités du Québec. Consterné par l’incidence de cette récente décision du ministère de l’Immigration, le milieu de l’éducation postsecondaire, appuyé par de nombreux syndicats d’enseignants, presse le gouvernement Legault de maintenir ce programme « unique au monde » qui, depuis 40 ans, a permis d’accueillir plus de 2000 étudiants partout au Canada.

Dans une lettre adressée à la ministre de l’Immigration, Nadine Girault, la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec (FNEEQ-CSN) loue les bienfaits du programme de Parrainage des étudiants réfugiés (PER) et invite le gouvernement à « éviter toute interruption de ses activités. » « Malgré le contexte difficile lié à la pandémie, les jeunes engagés au sein des comités locaux ont fait preuve d’une détermination impressionnante pour permettre l’accueil de [vingt] jeunes visés par […] des demandes de parrainage pour l’année 2021-2022. »

Des directions d’établissements collégiaux, qui s’apprêtent à accueillir encore cette année des étudiants réfugiés francophones par l’entremise du PER, ont aussi écrit à la ministre pour la prier de maintenir ce programme, qui relève d’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC).

Allégations de fraude

 

En octobre dernier, pour se donner le temps d’enquêter sur des cas allégués de fraude, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Inclusion (MIFI) avait annoncé que, jusqu’au 1er novembre 2021, il n’accepterait plus de dossiers de parrainage en provenance d’organismes, mais privilégierait plutôt ceux déposés par des groupes de particuliers (2 à 5 personnes). Cette décision avait exacerbé le mécontentement de certains organismes expérimentés, qui déploraient avoir été pénalisés alors qu’ils n’avaient rien à se reprocher.

C’est aussi parce qu’ils se sont sentis injustement pénalisés que des étudiants et des enseignants exhortent maintenant la ministre Girault à faire une exception pour le PER, qui fonctionne en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). « Ça fait 40 ans qu’on a la confiance du HCR », a déclaré au Devoir Rafaëlle Sinave, une enseignante de travail social au cégep du Vieux Montréal qui s’implique dans le PER. « Quand c’est rendu que le gouvernement utilise des allégations de fraudes pour mettre un frein à l’engagement du Québec dans ses responsabilités humanitaires… On préfère se fier à son gros bon sens pour qu’il comprenne la spécificité de notre programme et comprenne qu’admettre 20 personnes de plus au Québec ne changera pas grand-chose, mais fera toute la différence pour ces jeunes réfugiés-là. »

Changer des vies

 

Originaire de la République démocratique du Congo, Séraphin Mukawa a vécu quatre ans dans un camp de réfugiés en Ouganda avant d’arriver en 2019 au collège Montmorency, à Laval, grâce au PER. Un comité formé de jeunes du cégep avait travaillé sans relâche pour trouver les quelque 25 000 $ pour que le Congolais puisse subvenir à ses besoins la première année. « Ce programme change des vies », affirme le jeune homme qui étudie maintenant à HEC Montréal. « Je connais bien les conditions instables qui sévissent dans les pays en crise. Je n’ai qu’un souhait, c’est que d’autres aussi aient cette chance ! »

Pour Ève-Marie Lupien, étudiante de 3e année en Technique de travail social au cégep du Vieux Montréal, suspendre le programme c’est enlever la possibilité à des jeunes comme elle de pouvoir s’impliquer et de faire « des actions concrètes » qui auront un effet sur leur vie professionnelle. « C’est dommage de perdre cette possibilité de créer des liens avec d’autres au sein du comité et de sentir qu’on peut faire une différence à l’international », dit-elle.

Au collège d’Alma, le comité du PER du cégep s’inquiète de ne pas pouvoir accueillir un autre étudiant réfugié au mois d’août — leur deuxième en quatre ans. « Si on en avait les moyens, on en accueillerait chaque année. C’est bénéfique pour tout le monde », croit Richard Renaud, un enseignant de français au secondaire qui s’implique dans le comité avec ses anciens étudiants.

Le programme, qui exige notamment que le réfugié parrainé parle français et ait un diplôme d’études secondaires, est l’une des meilleures manières d’intégrer de nouveaux arrivants. Wato, le premier étudiant congolais qui a été parrainé, a pu terminer ses études et travaille aujourd’hui dans une résidence privée pour aînés. « C’est déjà un Almatois ! »

Interrogé sur ses intentions dans le dossier, le ministère de l’Immigration n’a pas été en mesure de répondre aux questions du Devoir dans les délais impartis.

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