Des bulletins pandémiques peu reluisants pour les élèves du secondaire
La pandémie a fait bondir le taux d’échec au secondaire, notamment en mathématiques, où le quart des élèves n’ont pas eu la note de passage durant la première moitié de l’année scolaire, révèlent des directions d’école jointes par Le Devoir.
La secousse pandémique a toutefois épargné les écoles primaires, qui signalent des taux de réussite relativement stables par rapport aux années précédentes, rapportent nos sources dans toutes les régions du Québec.
Le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB), dans l’ouest de Montréal, semble une heureuse exception dans ce tableau en demi-teinte : les 50 000 élèves du primaire et du secondaire ont généralement mieux réussi que l’an dernier dans ce secteur de la métropole, a appris Le Devoir.
Ailleurs au Québec, le nombre d’échecs a doublé, et même plus, dans certaines matières au secondaire. Les directions d’école font ce constat à la lumière du premier bulletin de cette année scolaire hors de l’ordinaire, qui a été remis aux parents la semaine dernière.
« On sait maintenant hors de tout doute qu’à la fin de l’année scolaire, les élèves du secondaire ne seront pas au niveau où ils devraient être en temps normal », prévient Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE).
« Après ce premier bulletin, on peut identifier les élèves qui ont besoin du programme de tutorat annoncé par le ministère de l’Éducation. Est-ce qu’il y aura assez de tuteurs ? J’ai l’impression qu’il faudra faire des choix [pour attribuer les tuteurs aux élèves ayant les plus grandes difficultés] », explique-t-il.
La FQDE a sondé ses 2200 membres (directions d’école et directions adjointes), qui œuvrent dans une vingtaine de centres de services scolaires partout au Québec. Des représentants de plus d’une trentaine d’écoles secondaires ont répondu. Ils signalent un taux d’échec en mathématiques variant entre 20 % (en 5e secondaire) et 31 % (en 3e secondaire). Un élève du secondaire sur quatre (25,6 %) a échoué en mathématiques.
En français, entre 17 % (en 4e secondaire) et 20 % des élèves (en 1re et en 2e secondaire) n’ont pas obtenu la note de passage, toujours selon la FQDE.
Nicolas Prévost estime à 10 % le taux d’échec habituel des élèves du primaire et du secondaire, toutes matières confondues. Nos sources indiquent que le taux d’échec s’est maintenu à ce seuil d’environ 10 %, et parfois jusqu’à 14 %, au primaire, malgré les perturbations causées par le coronavirus.
La pandémie a chambardé le réseau de l’éducation : le plus récent bilan du ministère de l’Éducation faisait état de 1142 classes fermées en raison d’éclosions. Toutes ces classes basculent pour deux semaines en enseignement à distance, ce qui alourdit considérablement la tâche des enseignants. Plus de la moitié des écoles du Québec ont signalé des cas de COVID-19 depuis le retour du congé des Fêtes. L’enseignement se fait aussi en alternance, une journée sur deux à distance, en 3e, 4e et 5e secondaire.
Ce qui est préoccupant, c’est que les notes ont baissé non seulement pour les élèves en difficulté, mais aussi pour les élèves habituellement forts ou moyennement forts
Baisse des notes
L’effet de la pandémie semble moindre que prévu pour l’automne. Nicolas Prévost anticipait l’échec d’environ le tiers des élèves au secondaire. Le choc est quand même brutal : Carl Ouellet, président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles, constate lui aussi des taux d’échec qui oscillent entre 20 % et 25 % dans certaines matières au secondaire — notamment en mathématiques et en sciences.
« Ce qui est préoccupant, c’est que les notes ont baissé non seulement pour les élèves en difficulté, mais aussi pour les élèves habituellement forts ou moyennement forts. Ça va prendre plus qu’une année de rattrapage dans certains cas », dit le représentant du personnel de direction d’environ 400 écoles.
La bonne nouvelle, contrairement à la surprise du printemps dernier, c’est que le ministère de l’Éducation a le temps d’organiser les prochains mois et même la prochaine année scolaire, souligne Carl Ouellet. Un consensus semble ainsi émerger dans le réseau en faveur de la tenue de camps pédagogiques au cours de l’été.
Les directeurs et directrices d’école suggèrent un partenariat avec les villes pour que les camps de jour municipaux puissent donner lieu à une certaine forme de rattrapage ludique.
« Il y a plein de solutions possibles, mais il faut que ça bouge rapidement », dit Carl Ouellet. Personne ne veut revivre le douloureux souvenir des camps pédagogiques annoncés à trois semaines de la fin de l’année scolaire, en juin 2020. Il faut du temps pour implanter les bonnes idées, indique-t-on.
Hausse de la réussite au CSSMB
Malgré les difficultés causées par la pandémie, le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB) de Montréal a vu son taux d’échec diminuer, tant au primaire qu’au secondaire. Le taux de réussite des élèves a grimpé de trois points de pourcentage en français (à 88,8 %) et de deux points en mathématiques (à 86,4 %) par rapport à la même date l’an dernier.
Seule ombre au tableau, le taux de réussite des élèves de 4e secondaire en mathématiques enrichies a baissé de huit points de pourcentage, de 88 % à 80 %.
Dominic Bertrand, directeur du CSSMB, explique ces résultats étonnants par une série de décisions prises au cours des dernières années qui ont propulsé le taux de diplomation à 88,8 %, le plus élevé au Québec : le centre de services « établit ses politiques en fonction des résultats de la recherche ».
Les meilleures pratiques de 2700 écoles américaines dites « efficaces » guident le CSSMB. Le centre de services a aussi créé un bureau de la statistique, qui lui permet de suivre à la trace tous les élèves susceptibles d’abandonner l’école. Ceux qui quittent les classes sont systématiquement relancés, pour les ramener sur les bancs d’école.
Résultat : à peine une dizaine d’élèves du CSSMB, sur 7500 âgés de 15 ans et plus, ont décroché depuis le début de la pandémie, explique Dominic Bertrand.
« Malgré nos bons résultats, ce n’est pas facile, ajoute-t-il. On perçoit bien que nos troupes sont fatiguées. Et la pénurie de personnel met de la pression sur tous nos services. »