Les centres de services scolaires exclus des négociations avec les enseignants

Des tensions viennent d’éclater au sein de la partie patronale à la table de négociation avec les enseignants du Québec. Selon ce que Le Devoir a appris, le Conseil du trésor a exclu de la table de négociation les gestionnaires des centres de services scolaires, qui sont « sans mots » devant ce rejet, en tant qu’employeurs du personnel enseignant.

Cette crise du côté patronal survient tandis que le gouvernement Legault souhaite accélérer les négociations en vue d’arriver à une entente avec les enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire. Nos sources confirment que la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a invité il y a deux jours les représentants syndicaux des enseignants à une table de négociation « rehaussée ».

Cette nouvelle formule de négociation exclut les gestionnaires des centres de services, qui digèrent mal d’être mis de côté. « Nous connaissons mieux que le Secrétariat du Conseil du trésor les problèmes vécus sur le terrain par les enseignants et les difficultés d’application des conventions collectives rencontrées par les directions d’établissement », affirme une source du réseau scolaire anglophone.

« Les conditions de travail des enseignants et la réussite des élèves sont étroitement liées et ne peuvent être discutées sans la présence du réseau scolaire », ajoute-t-on. Des sources craignent que les prochaines négociations soient centralisées au gouvernement, sans l’apport des centres de services, ce qui serait « désastreux pour le réseau scolaire, les organisations syndicales et l’école publique en général ».

Caroline Dupré, présidente-directrice générale de la Fédération des centres de services scolaires (FCSSQ), confirme être « sans mots » devant l’exclusion de son équipe à la table patronale de négociation. « On est au 40e kilomètre d’un marathon et on nous dit : “On arrête et on ne passe pas le fil d’arrivée” », affirme-t-elle.

Les centres de services francophones et les commissions scolaires anglophones ont alerté au cours des derniers jours la ministre Sonia LeBel, présidente du Secrétariat du Conseil du trésor, ainsi que le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. Leurs démarches sont restées sans réponse. Le cabinet du ministre Roberge a refusé de faire des commentaires. Et au moment où ces lignes étaient écrites, le bureau de la ministre LeBel avait indiqué au Devoir souhaiter une entente le plus rapidement possible, sans autre précision.

On est au 40e kilomètre d’un marathon et on nous dit : “On arrête et on ne passe pas le fil d’arrivée”.

L’exclusion des représentants scolaires va à l’encontre de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, soulignent l’ACSAQ et la FCSSQ.

Droits de la minorité anglophone

 

Les commissions scolaires anglophones, dont les relations avec le gouvernement Legault sont déjà tendues, font valoir un autre argument : elles affirment que leur présence à la table de négociation est justifiée par leurs droits constitutionnels à gérer leurs écoles en tant que minorité linguistique.

Les négociations portent notamment sur le recrutement d’enseignants. Or, « le recrutement et l’affection de personnel, notamment des professeurs, sont parmi les pouvoirs exclusifs d’une commission scolaire minoritaire, tels que reconnus par la Cour suprême [dans l’affaire Mahé] », écrit Dan Lamoureux, président de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ), dans une lettre à la ministre Sonia LeBel datée du 2 février 2021, dont Le Devoir a obtenue copie.

Le représentant des commissions scolaires anglophones rappelle que de nombreux besoins de la communauté (liés à la petite taille de sa population, à la très grande taille des territoires de ses commissions scolaires et à ses priorités pédagogiques particulières) sont directement liés aux conditions de travail des professeurs.

« Exclure la participation d’un représentant de l’ACSAQ dans les négociations relatives aux conventions collectives du personnel enseignant, sans prévoir d’autre mécanisme efficace pour tenir compte des besoins particuliers de la communauté anglophone et du pouvoir de gestion et de contrôle de ses représentants, ne serait pas conforme à l’article 23 de la Charte et aux enseignements de la Cour suprême », écrit Dan Lamoureux.

Selon nos informations, le Conseil du trésor a offert aux centres de services francophones et aux commissions scolaires anglophones un rôle de conseillers en marge des négociations. Ceux-ci ont rejeté l’offre : « Ce n’est pas comme être assis autour de la table de négociation », dit Caroline Dupré, de la FCSSQ.

Éviter la grève

 

Ce schisme au sein du comité de négociation patronal survient au moment où le gouvernement tente d’accélérer les discussions. La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ, qui représente 73 000 professeurs) indique avoir accepté la formule de négociation proposée par le gouvernement. Au moment où ces lignes étaient écrites, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE, 49 000 membres) se penchait sur l’invitation du gouvernement.

La FSE a obtenu de ses membres le mandat de tenir cinq jours de grève, tandis que la FAE débat dans ses instances du recours éventuel à tous les moyens à sa disposition, y compris la grève générale illimitée. Les chefs syndicaux ont fait savoir qu’ils excluent pour l’instant de recourir à la grève. Ils cherchent d’abord à inciter le gouvernement Legault à bonifier ses offres.

Nos sources indiquent que les pourparlers porteront notamment sur la tâche enseignante ainsi que sur le nombre d’élèves par classe, l’insertion professionnelle, les services aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et certaines échelles de traitement.

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