Inclusion: passer de la parole aux actes

Catherine Martellini Collaboration spéciale
L’UQAT organise un cercle de partage une fois par semaine, où les étudiants autochtones peuvent se retrouver et échanger.
Mathieu Dupuis L’UQAT organise un cercle de partage une fois par semaine, où les étudiants autochtones peuvent se retrouver et échanger.

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur

La mort de Joyce Echaquan et la prise de conscience de l’existence du racisme systémique ont trouvé un écho dans les universités, dont plusieurs avaient déjà mis en place des politiques d’équité, d’inclusion et de diversité. Pour bon nombre d’entre elles, l’heure est toutefois au passage à l’action.

Les universités au Québec ne sont pas toutes rendues au même point dans leur gestion de la diversité et de l’inclusion, notamment en ce qui concerne les Premières Nations, les minorités visibles et les minorités ethniques. Cela s’explique en partie par le fait qu’elles vivent des réalités différentes, ne serait-ce que par leur situation géographique.

C’est le cas de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue(UQAT) et de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), qui cohabitent depuis longtemps avec diverses communautés autochtones, mais accueillent moins d’étudiants appartenant à une minorité visible. Ces deux universités ont respectivement accueilli 200 et 400 étudiants issus des Premiers Peuples en 2019.

Difficile toutefois d’avoir des statistiques exactes comme il s’agit dans bien des universités de déclaration volontaire, certains préférant ne pas s’identifier.

En raison de cette proximité avec les Premiers Peuples, les deux universités ont donc déployé des processus d’intégration avant même que ceux-ci soient systématisés dans des politiques écrites. Elles offrent notamment un lieu de rassemblement aux étudiants autochtones.

« Pour que tous se sentent inclus, ils doivent se sentir en confiance, soutient Nicole Bouchard, rectrice à l’UQAC. On a la chance d’avoir le Centre Nikanite et son Pavillon de la culture des peuples autochtones, qui permet aux étudiants de se retrouver entre eux et de se sentir en sécurité. Ce n’est pas un ghetto, mais un lieu d’échange pertinent et nécessaire. »

L’UQAT organise pour sa part un cercle de partage une soirée par semaine dans son salon Premiers Peuples pour les étudiantes autochtones, qui viennent notamment y faire de l’artisanat. « Notre agente de relations humaines peut prendre le pouls de leur cheminement, savoir si leur intégration se passe bien, autant aux études qu’à la maison, comme elles déménagent souvent avec leur famille pour venir étudier », souligne Manon Champagne, vice-rectrice à l’enseignement, à la recherche et à la création.

Travailler sur les imaginaires

 

L’UQAT offre aussi une semaine d’accueil à son campus de Val-d’Or durant laquelle les étudiants autochtones peuvent se familiariser avec les différentes ressources dans la ville et les outils mis à leur disposition. Ils peuvent également participer à des ateliers hebdomadaires de soutien pédagogique.

L’UQAC a quant à elle nommé en janvier 2020 l’Innu Francis Verreault-Paul chef des relations avec les Premières Nations. « Cette notion de chef est importante pour ces communautés et c’est une façon de reconnaître leur histoire, note la rectrice. On est souvent dans la théorie avec les politiques, mais on trouve essentiel d’avancer aussi dans le concret, de travailler sur les imaginaires. »

Même si l’Université de Québec à Montréal (UQAM) ne vit pas du tout la même réalité que l’UQAT ou l’UQAC en matière de diversité autochtone, elle a pris plusieurs mesures pour faciliter leur intégration. Elle offre aussi un local à ces étudiants, et depuis deux ans, elle a mis en place un projet pilote qui a conduit à l’embauche d’une personne qui se consacre à leur intégration, à leur accueil et à leur progression.

Le recrutement de professeurs [autochtones] demeure un défi sur lequel on se penche. Mais au-delà de ça, on offre des formations aux professeurs pour qu’ils se sensibilisent aux réalités autochtones.

 

De plus, après de nombreuses consultations et analyses réalisées dans les dernières années, l’UQAM lancera prochainement son comité d’actions sur les Premiers Peuples.

« Ce comité sera important, car jusqu’à maintenant, il y a eu beaucoup d’études et de recommandations, mais peu d’actions, souligne sa rectrice, Magda Fusaro. Le comité sera coprésidé par une personne des Premières Nations et la participation des étudiants et des employés autochtones devra être majoritaire. »

Les trois universités offrent aussi des services d’intégration personnalisés aux étudiants internationaux pour les soutenir, dont certains appartiennent à des minorités visibles.

Révision des contenus et représentativité

 

Le débat médiatisé entourant le mot en n aura permis de soulever d’autres enjeux, dans la manière dont les contenus universitaires font l’objet de révision et sur la façon d’articuler un concept en prenant en considération les étudiants qui peuvent se sentir visés.

« À l’UQAT, on fait appel à divers intervenants et organisations autochtones lorsqu’on crée, évalue et révise les programmes en études autochtones, précise Manon Champagne. Le chantier doit être entrepris pour revoir certains programmes en collaboration avec les communautés noires. »

Les professeurs de ce programme ne sont toutefois pas tous autochtones. « Le recrutement de professeurs demeure un défi sur lequel on se penche, ajoute-t-elle. Mais au-delà de ça, on offre des formations aux professeurs pour qu’ils se sensibilisent aux réalités autochtones. »

Dans le cadre de sa politique d’équité, de diversité et d’inclusion, l’UQAC tente aussi de recruter chez ces personnes en envisageant des mesures de discrimination positive et en ouvrant le dialogue avec elles sur la réception d’un tel concept.

Selon le dernier exercice d’auto-identification effectué par l’UQAM en mai dernier, les professeurs autochtones représentaient 0,1 % (cible de 0,5 %) du corps professoral, les membres de minorités visibles, 8 % (cible de 26 %), et les membres de minorités ethniques, 7 % (cible de 16 %). La révision en cours de son programme d’accès à l’égalité en emploi vise à améliorer la situation.

L’UQAM consulte également divers groupes dans la création de certains cours. « Cela dépend lesquels, bien sûr, comme nous avons 300 programmes, dont chacun comprend énormément de cours, note Magda Fusaro. L’important pour nous, c’est d’écouter ce que ces groupes ont à dire et aussi de les inviter à nous faire part de leurs préoccupations dans un environnement respectueux. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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