Lorsque les tout-petits sont anxieux

Martine Letarte Collaboration spéciale
«La distanciation est difficile pour les tout-petits puisque c’est par le jeu et la proximité qu’ils apprennent à socialiser», souligne Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.
Photo: iStock «La distanciation est difficile pour les tout-petits puisque c’est par le jeu et la proximité qu’ils apprennent à socialiser», souligne Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Ce texte fait partie du cahier spécial Rentrée scolaire

Près de 1800 enfants de 1 à 5 ans (0,4 %) avaient reçu un diagnostic de trouble anxieux ou de symptômes dépressifs en 2015-2016, d’après l’Observatoire des tout-petits. En ces temps de pandémie particulièrement anxiogènes, à quoi peut-on s’attendre et, surtout, que faire pour que les tout-petits s’en sortent bien ?

« D’abord, il faut comprendre qu’un diagnostic de trouble anxieux ne signifie pas qu’il n’est pas normal d’avoir une réaction anxieuse par rapport à une situation, mais plutôt que l’enfant se retrouve en détresse ou à court de moyens face à cette situation », nuance Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, qui collabore avec l’Observatoire des tout-petits en matière de santé mentale.

Alors que les enfants vont à la garderie ou prendront le chemin de la maternelle à la rentrée, plusieurs peuvent être très anxieux alors qu’on leur enseigne depuis des mois qu’être près des amis est dangereux parce qu’ils risquent d’attraper le virus et de le transmettre à des gens plus vulnérables, comme leurs grands-parents.

« Une des plus grandes sources d’anxiété pour les jeunes enfants est de perdre leurs proches, ajoute la psychologue. De plus, la distanciation est difficile pour les tout-petits puisque c’est par le jeu et la proximité qu’ils apprennent à socialiser. »

Écouter et valider

 

Chez un tout-petit, l’anxiété aura souvent différentes manifestations, comme des maux de ventre, ou des crises de colère, alors il faut creuser pour comprendre ce qui se passe.

« Il faut écouter son enfant raconter sa journée, et cela peut être suffisant pour diminuer la tension, affirme la Dre Grou. L’enfant peut aussi vivre une difficulté qui peut avoir l’airbanale pour un adulte, mais êtretrès grave lorsqu’on a cinq ans et qu’on n’a pas encore développé des moyens pour y faire face. Surtout, il faut éviter de dire à son enfant qu’il s’en fait pour rien, parce que ça invalide ce qu’il ressent. Il a besoin qu’on reconnaisse que la situation est souffrante pour lui avant de l’aider à la traverser. »

Il arrive aussi que l’enfant ait un problème de perception. « Le parent doit lui demander ce qu’il comprend de la situation, ajoute la Dre Grou. Un enfant peut s’imaginer toutes sortes de choses et pour l’apaiser,il faut lui donner la bonne information, adaptée à sa capacité à la comprendre. »

Être présent et avoir des attentes réalistes

 

Pour être à l’écoute de son enfant, il faut bien sûr être présent. Dans plusieurs cas, ralentir le rythme est souhaitable, croit Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue clinicienne et professeure associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Les parents et les enfants ont dû faire face à tellement de défis dans les derniers mois qu’ils doivent maintenant pouvoir souffler un peu, affirme-t-elle. Il faut établir des priorités pour créer un climat plus doux à la maison. »

Celle qui a rédigé un guide pour expliquer la COVID-19 aux enfants suggère aux parents de faire des choses simples avec eux, comme répondre à leurs questions, se coller, jouer ou cuisiner ensemble en étant complètement présents, donc loin de leur téléphone.

Il faut aussi avoir des attentes réalistes. « Tout est source de culpabilité avec la pandémie et il faut être indulgent envers soi-même, ajoute la Dre Beaulieu-Pelletier. Il faut aussi avoir des attentes réalistes pour ses enfants. C’est possible que tout ne soit pas parfait à l’école, ou que l’enfant recommence à faire pipi au lit. Ce n’est pas le temps de se choquer, parce que lui aussi est en train de s’ajuster à sa nouvelle réalité. »

La routine, avec un sommeil régulier, une saine alimentation et du temps pour jouer à l’extérieur, aidera aussi sur le plan psychologique. « La routine vient rendre le chaos actuel plus prévisible et donner un sentiment de contrôle au quotidien, ce qui est très précieux pour les enfants, affirme Geneviève Beaulieu-Pelletier. Il est aussi important de pratiquer la nouvelle routine avant qu’elle commence, donc lorsqu’on n’est pas stressé, pour que la transition se fasse en douceur. »

Rassurer et aider la recherche de solutions

 

Pour que l’enfant soit en mesure de bien gérer son anxiété, il doit aussi sentir qu’il n’est pas seul devant l’adversité et qu’il a les moyens d’y faire face. « Le parent doit s’assurer qu’il montre à son enfant qu’il est présent pour régler le problème et, plus l’enfant vieillit, pour lui apprendre comment régler le problème, explique Christine Grou. Par exemple, on peut discuter avec l’enfant de ce qu’il peut faire lorsqu’il ne se sent pas bien, comme parler, se faire raconter une histoire, jouer. L’enfant doit apprendre à aller vers des comportements qui lui font du bien. »

Lorsque rien ne va plus

 

Si les tentatives de rassurer l’enfant ne fonctionnent pas, il ne faut pas hésiter à consulter un professionnel. « Certains enfants sont plus vulnérables à l’anxiété, affirme Christine Grou. On ne se lance pas dans une thérapie avec un enfant en bas âge, mais on lui donne de l’aide et on fait du coaching avec le parent. Il n’y a pas de vertu à laisser son enfant souffrir. »

Les parents n’ont pas non plus été frappés équitablement par la pandémie. Certains ont vécu une perte d’emploi ou une baisse significative de leurs revenus, traversent une séparation ou vivent un deuil, alors que d’autres sont littéralement épuisés. « Pour toutes sortes de raisons, des parents sont plus irritables, ont de la difficulté à réguler leurs émotions, ont des problèmes de consommation ou desanté mentale, observe Christine Grou. Il y a des familles qui auront besoin d’aide et il faut s’assurer qu’elles la reçoivent. »


Pour consulter le guide Parler de la COVID-19 aux enfants : gérer les impacts psychologiques, réalisé par Geneviève Beaulieu-Pelletier et Frédérick L. Philippe, professeur-chercheur en psychologie à l’UQAM.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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