Quand le numérique s’impose à l’école

Ce texte fait partie du cahier spécial Rentrée scolaire
Du jour au lendemain, au printemps, le numérique a pris une place essentielle dans la vie des enseignants, de nos jeunes et de tout le système d’éducation. Étions-nous prêts ? Stéphane Villeneuve, professeur au Département de didactique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et chercheur associé au Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), croit profondément que non.
Comment s’est faite l’adaptation du système d’éducation du Québec au confinement ?
Il n’était pas prêt, si l’on compare à d’autres provinces où la formation à distance est un peu plus développée. Ici, le ministère a fini par développer l’école ouverte, mais au final, ça a été pour moi seulement un site parmi tant d’autres où on trouve des applications et des liens. Le site du Service national du récit, qui est spécialisé dans la formation des enseignants au numérique, avec des activités et tout, aurait pu être mis en avant, au lieu de présenter une plateforme sur laquelle on ne trouvait que des applications avec quelques consignes sur la planification des horaires. Pour moi, ça n’a pas été un grand succès. Ça a pu aider certains parents qui n’avaient aucune compétence technologique, mais pour des parents un peu plus habitués, cette plateforme n’était pas la plus efficace. J’espère qu’avec le temps, celle-ci s’améliorera. On va avoir besoin d’un outil performant parce qu’on ne sait pas combien de temps on sera pris avec ce virus, ni s’il y en aura d’autres.
Comment les enseignants ont-ils réagi ?
Pas de manière uniforme. Nombre d’entre eux ne savaient pas comment fonctionne l’enseignement à distance, comment gérer une classe à distance devant une vingtaine d’élèves. Ça leur a permis de se mettre un petit peu plus à jour dans leurs compétences numériques. Il y a encore beaucoup de travail à faire là-dessus, car il ne suffit pas de maîtriser la technologie, il faut aussi être capable de bien l’intégrer à la pédagogie. Je suis curieux de voir dans un an « l’effet COVID ». Les compétences se seront peut-être améliorées.
Quelle formation peut les aider à développer leurs compétences numériques ?
J’ai conçu avec des collègues un programme court de deuxième cycle qui porte sur la formation continue des enseignants au numérique. C’est pour les enseignants du primaire et du secondaire, ainsi que les conseillers pédagogiques. Nous aurons une première cohorte cet automne. Ça va permettre aux enseignants de se former et de voir plus en profondeur ce qu’est la technologie. Il ne s’agit pas seulement d’utiliser les outils. On parle de pédagogie. Comment se servir de la technologie, quand et comment ? Et ce qu’elle apporte. Ils deviendront ainsi beaucoup plus critiques vis-à-vis de l’intégration de la technologie à l’enseignement. Il existe des formations similaires dans quelques universités. Ce qui fait qu’on se démarque, c’est que nous allons nous déplacer pour enseigner dans le milieu directement, s’il y a des cohortes d’un même centre de services scolaire.
Quel effet a eu la pandémie sur notre perception du numérique ?
Ça nous a permis de constater que la technologie ne sert pas uniquement au divertissement, mais qu’elle peut nous aider à apprendre et à garder le contact avec les autres. Là où ça devient un peu problématique, c’est dans la fréquence et dans la durée. Lorsqu’il y a une grande utilisation de la technologie par les enfants, il faut s’assurer qu’ils développent de bonnes compétences numériques, que leurs comportements soient sains. Je travaille actuellement sur un projet de recherche sur la formation à la cyberintimidation. Je veux voir de quelle façon nous pouvons former efficacement les enfants avant qu’ils soient actifs dans les réseaux sociaux. Parce que la cyberintimidation peut causer beaucoup de dommages. Il peut y en avoir même dans les cours à distance. Elle est partout.
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