Québec envisage une réouverture à temps partiel des écoles

L'entrée de l'école Saint-Maxime, à Laval
Photo: Renaud Philippe Le Devoir L'entrée de l'école Saint-Maxime, à Laval

« Ce sera l’école comme on ne l’aura jamais connue auparavant. » Les directions d’école et le gouvernement envisagent un retour en classe à temps partiel, avec environ la moitié des élèves et une offre réduite dans les services de garde, pour respecter les règles de distanciation sociale dans des locaux autrement surpeuplés.

Les parents, les élèves et le personnel scolaire devront s’y faire : la période de transition risque de s’échelonner sur 12 à 18 mois, voire deux ans, le temps qu’un vaccin soit mis au point et que la pandémie soit maîtrisée, estiment plusieurs sources dans le milieu de l’éducation.

Le premier ministre, François Legault, a pris le réseau scolaire par surprise, encore une fois mercredi, en annonçant qu’il dévoilera la semaine prochaine son plan de « réouverture graduelle des écoles ».

Le plan établira une date pour la reprise des classes aux niveaux primaire et secondaire, qui sont suspendues depuis le 13 mars à cause de la crise de santé publique. En aucun cas les parents ne seront obligés d’envoyer leurs enfants en classe. « Ça, je veux que ça soit très clair », a insisté le premier ministre.

Ses équipes se disent aussi conscientes du fait que certains enseignants choisiront de rester à la maison pour se protéger ou pour le bien-être de leurs proches. En coulisses, l’entourage de François Legault dit s’attendre à ce que la moitié des élèves se présentent en classe — et ce n’est pas vu comme une mauvaise nouvelle, puisque cela pourrait aider à réduire la propagation du virus.

La réouverture des écoles se fera « par région », en commençant par celles où la « situation est très stable », a aussi affirmé le premier ministre. Il a écarté la possibilité que les écoles de Laval et de Montréal recommencent à accueillir des élèves, puisque la COVID-19 y fait encore davantage de victimes.

Est-ce que ce sera des journées entières pour tous les élèves ? On ne le sait pas, puisqu’on ne connaît pas le plan du gouvernement.

Cette forme de rentrée scolaire marquera une nouvelle ère dans les écoles, puisque la distanciation sociale devra être respectée et le port du masque, envisagé. « Ce ne sera pas comme l’école d’avant », a averti le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda.

Même s’il semble que les écoles de la grande région de Montréal seront parmi les dernières à ouvrir, elles se préparent à une éventuelle reprise des classes, indique Hélène Bourdages, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES).

Elle prévient les parents qu’ils continueront d’être sollicités pour l’éducation de leurs enfants au cours des prochains mois. Étant donné qu’il faudra limiter le nombre d’élèves qui se présentent en même temps à l’école, on peut imaginer qu’une partie de l’enseignement se fera à distance, selon elle.

Il est aussi possible que certains services de garde scolaires proposent un horaire réduit à cause du manque de personnel — malade ou réquisitionné par le réseau de la santé. Et il faudra peut-être limiter le nombre d’enfants, estime aussi Hélène Bourdages.

Transport scolaire

 

Le transport scolaire risque aussi d’être perturbé, parce qu’une portion importante des chauffeurs d’autobus jaunes sont des retraités qui travaillent pour arrondir leurs fins de mois, souligne le syndicat des Teamsters.

« Les risques qu’ils puissent contracter le virus et être gravement malades est une perspective qui ne leur plaît évidemment pas. Par conséquent, plusieurs d’entre eux pourraient être tentés de ne pas reprendre le travail », indique Stéphane Lacroix, directeur des communications du syndicat.

Il se demande comment le principe de distanciation pourra être appliqué dans ces autobus habituellement bondés, où les écoliers s’assoient à deux par siège.

« La priorité sera la santé des élèves et du personnel. Pour ça, il faudra limiter autant que possible le temps de présence à l’école et le nombre d’élèves en classe », affirme de son côté Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE).

Un des défis sera de gérer les déplacements à l’intérieur de l’école, dansdes corridors étroits, ainsi que les périodes de dîner et de récréation. Nicolas Prévost peut même imaginer un horaire atypique où les élèves ne dîneraient pas en classe pour des raisons de santé publique.

« Est-ce que ce sera des journées entières pour tous les élèves ? On ne le sait pas, puisqu’on ne connaît pas le plan du gouvernement », dit-il.

« Pas des rats de laboratoire »

Les syndicats d’enseignants ont été surpris, et même choqués, par l’annonce d’un plan prêt dès la semaine prochaine. Ils siègent à une série de comités regroupant tous les partenaires du réseau de l’éducation et n’avaient pas entendu parler du scénario évoqué par François Legault.

« Je suis sans voix d’apprendre cette nouvelle dans une conférence de presse du premier ministre. Cette décision doit se prendre en consultation avec les profs. Quand ils vont appeler leurs élèves et les parents pour faire le suivi pédagogique aujourd’hui, tout le monde va leur demander comment se passera le retour à l’école. Mais on ne pourra pas donner de réponse, parce qu’on ne le sait pas », dit Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

Il rappelle qu’un élève qui a la varicellene peut se présenter en classe, mais il est plausible qu’un enfant atteint de la COVID-19 se retrouve sur les bancs d’école. « Les profs et les élèves ne serviront pas de rats de laboratoire », dit-il.

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), réclame une fois de plus un plan clair de la Santé publique pour « rassurer la population ». « Ça s’organise, une rentrée scolaire, après une si longue absence. Les profs ont besoin des scénarios pour se préparer, mais à l’heure actuelle, on est plus dans les questions que dans les réponses. »

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