Retour à l'école progressif: les avis divergent

Alors que le premier ministre Legault évoque une possible réouverture des établissements scolaires, nombre de parents sont réticents à voir leurs enfants retourner à l’école prochainement. Les experts rappellent toutefois que les enfants sont très peu atteints par la COVID-19, mais qu’ils sont d’importants vecteurs de transmission du virus et que, par conséquent, ce sont encore les personnes vulnérables qui seront les plus menacées par un retour des élèves à l’école. Certains voient néanmoins certains avantages à amorcer une réouverture des écoles primaires et des garderies d’ici fin juin.

À l’hôpital Sainte-Justine, la plupart des enfants infectés par le coronavirus qui sont hospitalisés ne le sont pas pour y être traités pour la COVID-19, mais pour autre chose. « C’est une indication que l’infection n’est généralement pas grave chez les enfants », souligne la Dre Marie-France Raynault, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « Cela dit, les enfants sont d’excellents vecteurs pour propager les microbes dans leur environnement, et donc aux enseignants, à leurs parents et aux personnes âgées avec lesquelles ils seront en contact », ajoute la Dre Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue au CHUM.

L’idée de rouvrir le primaire d’abord nous permettrait de surveiller de près comment cela se passe sans être débordé. Je crains davantage une réouverture tous azimuts en septembre.

 

« Si les jeunes enfants retournent à l’école, le virus recommencera à circuler. Il y aura donc le risque que des personnes vulnérables y soient exposées. Il faudra donc identifier les professeurs qui pourraient être vulnérables, ainsi que les parents et les enfants qui auraient des maladies chroniques, pour qu’ils attendent quelques semaines de plus avant de réintégrer l’école. Il faudrait aussi s’assurer que le virus ne pénètre pas dans des endroits de grande vulnérabilité, comme les CHSLD et les résidences privées pour aînés (RPA) », affirme le Dr Marc Dionne, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

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Au Danemark où les écoles primaires rouvriront cette semaine, on fait valoir que les parents des élèves sont ordinairement plutôt jeunes et donc appartiennent à une classe d’âge moins à risque de souffrir d’une forme sévère de la COVID-19. On précise aussi qu’on poursuivra l’enseignement à distance pour les enfants dont les parents sont malades ou qui ont une caractéristique qui les rend plus à risque. Des mesures de dépistage seront mises en place pour retourner immédiatement à la maison les enseignants et les élèves présentant des symptômes. Les Danois croient qu’il est préférable de commencer doucement en rouvrant d’abord les écoles primaires maintenant, au lieu d’attendre une rentrée générale de toutes les écoles en septembre, soit au moment d’une possible seconde vague.

La Dre Raynault et le Dr Dionne voient certains avantages à l’approche danoise, d’autant que nous pourrons observer comment cela se passe au Danemark avant de passer à l’action ici. « Si on ne teste pas la capacité [de notre système] de retourner les enfants à l’école ce printemps, on arrivera à l’automne sans savoir comment cela va se passer. Ce sera plus facile de reculer un peu maintenant qu’à l’automne », croit le Dr Dionne.

« L’idée de rouvrir le primaire d’abord, notamment pour des raisons pédagogiques parce qu’il est plus difficile pour un enfant de 1re année d’apprendre à lire à l’ordinateur, nous permettrait de surveiller de près comment cela se passe sans être débordé. Je crains davantage une réouverture tous azimuts en septembre », ajoute la Dre Raynault.

Diverses stratégies sont proposées pour ce retour progressif : le nombre d’élèves par classe pourrait être divisé par deux afin de maintenir une certaine distanciation et, pour ce faire, on pourrait avoir recours aux écoles secondaires. On pourrait aussi faire venir les élèves une journée sur deux.

Les experts conviennent toutefois qu’avant d’envisager un retour, même progressif, il faudra voir une décroissance soutenue du nombre de nouvelles infections et de nouvelles hospitalisations, et que « la situation des résidences (CHSLD et RPA) pour personnes âgées soit sous contrôle, martèle la Dre Tremblay. Ouvrir les écoles, c’est accepter qu’il y ait un peu de transmission dans la communauté, mais il faut pouvoir identifier ces transmissions, les isoler et faire le suivi des contacts. Or, pour que la Santé publique ait les moyens de faire ça, il faut qu’on ait une diminution considérable du nombre de cas. Mais on n’en est pas là, on n’est pas encore en décroissance », dit-elle.

Le premier ministre faisait valoir qu’une réouverture des écoles contribuerait à l’immunité collective, car les enfants s’immuniseront et, s’ils contaminent leurs parents, ceux-ci s’immuniseront aussi. Selon la Dre Tremblay, il faudrait toutefois que 85 % de la population soit immunisée pour que l’épidémie finisse par s’éteindre. Or, seule la vaccination permettra d’immuniser une telle proportion de la population. La Dre Raynault ajoute, quant à elle, qu’on ne sait toujours pas si les anticorps produits pour combattre l’infection protégeront contre une réinfection.

Chose certaine, si un retour à l’école a lieu en mai, « le milieu scolaire aura toute une préparation à faire. Les écoles doivent être prêtes à dépister tout élève ou professeur présentant des symptômes », affirme la Dre Raynault.



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