L’enseignement au temps de la distance

Catherine Martellini Collaboration spéciale
En raison de la pandémie de COVID-19, tous les établissements scolaires du Québec sont fermés jusqu'au 1er mai.
Photo: Getty Images En raison de la pandémie de COVID-19, tous les établissements scolaires du Québec sont fermés jusqu'au 1er mai.

Ce texte fait partie du cahier spécial La parole aux syndicats

Après l’annonce de la fermeture des écoles primaires et secondaires, ainsi que des cégeps et des universités jusqu’au 1er mai en raison de la crise sanitaire qui secoue le Québec, le flou persiste quant à la faisabilité de certaines mesures décrétées pour atténuer la situation, notamment autour de l’offre de cours à distance.

D'abord, le gouvernement a ordonné de fermer tous les établissements scolaires jusqu’au 30 mars. La fermeture a ensuite été prolongée jusqu’au 1er mai. Le 20 mars 2020, le premier ministre François Legault a suspendu le remboursement des prêts étudiants pour une période de six mois.

Il a par ailleurs également assuré qu’à compter du 30 mars, les parents et les élèves auront progressivement accès à des activités pédagogiques en ligne ou autrement, précisant au passage que les élèves du préscolaire, du primaire, du secondaire, de la formation professionnelle et de la formation des adultes n’auront pas à reprendre l’année scolaire actuelle. Les étudiants des cégeps et des universités se verront offrir quant à eux la possibilité de terminer leur session d’hiver en ligne. Et c’est sans compter toutes les mesures ponctuelles qui pourraient être prises après la rédaction de ces lignes.

Comme la population québécoise en général, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui représente 35 000 enseignants de tous les ordres d’enseignement, n’a d’autre choix que de réagir du mieux qu’elle le peut aux directives du gouvernement qui arrivent au compte-gouttes.

Des enjeux d’iniquité

« Si nous sommes bien conscients que le sujet le plus important demeure actuellement la santé de la société québécoise en général, de nos membres et de leur famille, nous sommes néanmoins préoccupés par la faisabilité des mesures annoncées », soutient Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ-CSN.

Des problèmes d’iniquité se dessinent en effet en ce qui a trait aux conditions de travail et à la capacité d’exécuter les ordres du gouvernement, que ce soit pour les étudiants, les enseignants ou les établissements.

« En ce qui concerne l’accessibilité technique et au réseau Internet, certains étudiants sont branchés à la maison tandis que d’autres non, et il en va de même d’un cégep à l’autre, dit-elle. Cette disparité subsiste également entre les cours : on peut penser à la capacité d’un professeur de physique dans un laboratoire à offrir la matière autrement qu’en sa présence. » L’iniquité touche donc autant le contenu des cours que la forme que ceux-ci prendront.

Au-delà du système scolaire, toute la question de la capacité personnelle des enseignants se pose aussi. « Entre une mère célibataire qui reste à la maison avec ses deux ou trois enfants et qui sera appelée à enseigner et d’autres qui n’ont pas ces mêmes contraintes, un écart existe aussi, explique Caroline Quesnel. Nous sommes soucieux du respect de nos membres dans les circonstances. »

Dans cette perspective, la FNEEQ-CSN doit aussi se pencher sur le bien-être psychologique de ses membres en pareil contexte exceptionnel et sur la précarité de certains emplois dans le réseau scolaire, comme les chargés de cours qui sont employés de façon contractuelle et dont les conditions n’ont toujours pas été discutées avec les décideurs.

L’impossibilité d’appliquer des mesures universelles

Devant toutes ces réalités particulières, la FNEEQ-CSN s’oppose à toute application de mesures qui se voudraient générales et unilatérales, par exemple l’enseignement à distance pour tous ou encore le début de celui-ci à une date fixe.

« Même si on ne croit pas que le gouvernement prendra cette orientation, on tient à réitérer l’importance que l’évaluation de la situation soit laissée aux enseignants, qui ont l’expertise requise », souligne la présidente.

Comme l’a annoncé le premier ministre le 22 mars en annulant les examens ministériels pour les élèves du primaire et du secondaire — mais en précisant qu’il comptait sur l’expertise des enseignants et sur leur jugement professionnel pour déterminer ceux qui passeront ou non leur année —, la FNEEQ-CSN estime que cette approche nationale devrait s’étendre aussi au réseau d’enseignement supérieur.

« Cela est d’autant plus vrai pour les cégeps, qui donnent une épreuve uniforme de français et dont l’annulation n’a pas été confirmée, précise-t-elle. Puis, contrairement aux universités qui décernent leurs propres diplômes, les cégeps octroient des diplômes nationaux, c’est-à-dire régis notamment par des compétences et une cote R qui transcendent les établissements. »

Impossible donc de mettre les cégeps et les universités dans le même panier. De l’avis de la FNEEQ, il manque actuellement un pan important dans la faisabilité des mesures gouvernementales.

« Ce ne sont là qu’une partie de tous les détails importants qui restent à régler, dit-elle. Bien qu’on n’ait pas toutes les réponses ni beaucoup de temps pour planifier, il demeure essentiel de réitérer que toutes les activités pédagogiques ne pourront reprendre totalement le 30 mars. Il faudra s’assurer que les enseignants se sentent à l’aise et capables de le faire. »

La FNEEQ demande donc aux syndicats des cégeps d’évaluer localement ce qui peut être fait.

Coordination avec tous les acteurs du système scolaire

 

Les universités, elles, ne vivent pas exactement la même situation, puisque la session d’hiver achevait. « Certaines ont décidé d’interrompre la session complètement et de prendre les notes qui avaient été cumulées jusqu’à l’avis de fermeture du gouvernement, alors que d’autres sont très bien équipées en formation à distance et poursuivent les programmes là où cela est possible, mentionne la FNEEQ. Certaines adoptent également des formules hybrides. »

Dans tous les cas, la FNEEQ-CSN recommande une coordination avec tous les acteurs du système scolaire, un peu comme l’avait fait le gouvernement lors de la reprise des cours à la suite du Printemps érable en 2012.

Des entretiens étaient prévus, au moment où ces lignes étaient écrites, pour apporter certaines réponses à toutes ces questions encore en suspens, mais la FNEEQ souhaite organiser très prochainement une rencontre exclusivement sur les cégeps avec le gouvernement pour répondre à toutes les préoccupations soulevées.

« Nous croyons qu’à la suite de celle-ci, il nous sera beaucoup plus facile de donner des balises claires à nos enseignants », affirme Caroline Quesnel.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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