Le Québec mis sur pause pour contrer la propagation du coronavirus

Le gouvernement Legault a changé son fusil d’épaule. Toutes les écoles, les cégeps, les universités et les garderies du Québec seront fermés dès lundi, et ce, pour une durée de deux semaines. Des services de garde demeureront disponibles pour le personnel du réseau de la santé et d’autres services essentiels comme ceux offerts par les policiers.
Le premier ministre, François Legault, en a fait l’annonce vendredi en conférence de presse, entouré de la ministre de la Santé, Danielle McCann, du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, du ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, et du directeur national de santé publique, Horacio Arruda.
« Je veux dire à tous les parents que je comprends que l’annonce d’aujourd’hui va avoir des impacts importants, a déclaré M. Legault. Ça va amener des perturbations, ça va amener de gros casse-têtes pour beaucoup de parents, mais c’est une mesure qu’on doit prendre parce qu’on a la responsabilité de le faire, puis on a un défi en cours, entre autres, des deux prochaines semaines : s’assurer qu’il y ait le moins de progression possible des cas de personnes qui sont infectées. Donc, je fais appel à la solidarité des Québécois, mais aussi des employeurs. »
Les employés du secteur public touchés par la fermeture de leur service continueront d’être payés, et un nouveau programme de compensation financière sera dévoilé « très rapidement » pour ceux du secteur privé. « On ne veut pas que des personnes se forcent à aller au travail [...] si elles ont des symptômes [et] prendre le risque de contaminer d’autres personnes », a-t-il dit. Les parents n’auront pas à payer pour leur service de garde, qui sera fermé au cours des deux prochaines semaines. Leur contribution sera assumée par le gouvernement qui dédommagera aussi les garderies non subventionnées.
Cette fermeture exceptionnelle s’ajoute aux mesures déployées la veille dans l’espoir de limiter la propagation du coronavirus. Le gouvernement avait, entre autres, décrété l’annulation de tous les événements intérieurs de plus de 250 personnes pour les 30 prochains jours, mais ne jugeait pas nécessaire de fermer les établissements scolaires. La situation a évolué depuis jeudi, selon le directeur national de santé publique. « C’est que les cas qu’on a eus récemment, ce sont des gens qui ont voyagé dans certains pays, particulièrement pendant la semaine de relâche », a expliqué M. Arruda.
Je fais appel à la solidarité des Québécois, mais aussi des employeurs
Pourquoi alors avoir attendu une semaine après la fin de ce congé scolaire pour fermer les écoles si le risque de transmission existait déjà dès le retour en classe lundi dernier ? « On n’était pas à ce stade-ci quand notre semaine de relâche a eu lieu », a répondu M. Arruda en précisant que la situation peut basculer en une journée. Selon les données transmises par la santé publique vendredi après-midi, il y a 17 cas confirmés de la maladie COVID-19 sur le territoire québécois, 646 personnes sont à l’étude et 1079 ont obtenu un résultat de test négatif.
« C’est possible qu’il y ait eu déjà un phénomène [de transmission], a admis M. Arruda. On n’a pas encore vu les signaux. Par contre, on a vu des gens qui sont allés à l’extérieur durant la semaine de relâche et qui ont développé des symptômes, mais ils ont été pris en charge. »
Ces deux semaines de congé forcé devraient corriger la situation si un phénomène de transmission non détecté s’est installé depuis le retour de la semaine de relâche, a-t-il ajouté en précisant que la situation sera réévaluée par la suite.
Pneumologue infecté
Les autorités ne signalaient toujours pas de « transmission locale », même si un pneumologue du Centre hospitalier de l’Université de Montréal aurait contracté le virus après avoir soigné des patients. « Une transmission soutenue, c’est qu’on n’est même plus capable de savoir où la personne l’a attrapé », a affirmé M. Arruda en faisant la différence entre une transmission locale du virus aux proches d’une personne infectée et au grand public.
La capacité du gouvernement à diagnostiquer la COVID-19 augmentera considérablement au cours des prochains jours, a indiqué la ministre de la Santé, Danielle McCann. Douze nouvelles cliniques pour effectuer les prélèvements pour le dépistage s’ajouteront aux trois mises en place plus tôt cette semaine. Elles seront situées dans plusieurs régions du Québec, soit au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Mauricie—Centre-du-Québec, en Estrie, en Outaouais, à Laval, dans Lanaudière, les Laurentides, en Montérégie-Centre et en Montérégie-Ouest.
Les échantillons sont ensuite analysés au Laboratoire de santé publique du Québec dont la capacité est présentement de 400 par jour. Les Centres hospitaliers universitaires seront également mis à contribution, ce qui portera la capacité maximale à environ 6400 tests par jour. Des mesures supplémentaires pourraient être prises au besoin. Certains médecins pourront également offrir des services de téléconsultation pour leurs patients dès la semaine prochaine dans les hôpitaux et les cliniques médicales.
En raison de l’engorgement sur la ligne Info-Santé 811, le gouvernement recommande désormais aux gens d’utiliser la ligne 1 877 644-4545 s’ils ont des symptômes ou des questions. Ils peuvent également trouver des réponses en ligne (quebec.ca/coronavirus).
Appel au calme
Le premier ministre François Legault a tenu à rassurer les Québécois qui ont pris d’assaut les épiceries par crainte d’une pénurie. L’isolement volontaire ne s’applique pas aux camionneurs et au personnel navigant des bateaux et des avions, contrairement aux autres voyageurs. « Donc, il n’y a pas d’inquiétude à y avoir de ce côté-là », a-t-il dit.
Par ailleurs, M. Legault a souligné l’incohérence entre les mesures draconiennes prises au Québec et l’absence de contrôle à la frontière canadienne. « On demande à nos citoyens de prendre des mesures, de s’isoler pour 14 jours, mais on ne demande rien aux visiteurs qui étrangers », a-t-il affirmé. Lors d’un entretien téléphonique avec M. Trudeau en après-midi, il lui a demandé de limiter rapidement l’entrée des visiteurs au pays.
Pour l’heure, le gouvernement du Québec ne prévoit pas de suspendre les travaux parlementaires à l’Assemblée nationale comme c’est le cas pour la Chambre des communes à Ottawa, mais il n’est pas exclu de le faire « si c’est nécessaire », a indiqué M. Legault.
La Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec ont annoncé qu’elles suspendaient toutes leurs activités habituelles jusqu’à nouvel ordre. Elles traiteront seulement les demandes urgentes. Toutes les élections partielles qui devaient se tenir dans 29 municipalités d’ici le 26 avril ont été annulées.
Avec Isabelle Porter
Un acte délégué aux infirmières
Au sujet coronavirus, le Collège des médecins du Québec autorise les infirmières à signer un arrêt de travail aux patients qui sont atteints par la COVID-19. Cet acte est normalement réservé aux médecins. Les infirmières pourront signer un arrêt de travail d’une durée de 14 jours aux patients qui se sont présentés pour un test de dépistage à l’une des cliniques désignées COVID-19 — et dont le test a révélé qu’ils ont été contaminés. Pour l’instant, il y a une clinique à Québec et deux à Montréal: une pour les adultes et l’autre pour les enfants. D’autres doivent ouvrir au cours de la semaine prochaine.
C’est le CIUSSS de la Capitale-Nationale qui a pris l’initiative de rédiger cette «ordonnance collective», indique le Collège. Elle est en vigueur depuis jeudi. Chaque CIUSSS peut adopter une ordonnance similaire.
La mesure permet de limiter les déplacements des personnes infectées, qui n’ont pas à aller voir un médecin pour obtenir une note indiquant qu’ils sont en arrêt de travail. L’infirmière qui la signe peut la transmettre au patient par voie électronique, a indiqué la porte-parole du Collège des médecins, Leslie Labranche.
Dans l’ordonnance collective qui a été rédigée, il est indiqué que les infirmières «possèdent la compétence professionnelle requise, c’est-à-dire les connaissances scientifiques, les habilités et le jugement clinique inhérent à l’activité exercée».
La Presse canadienne