Pas encore la «MOOC-manie» au Québec

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur
Devant la forte popularité des cours en ligne ouverts à tous aux États-Unis — communément appelés en anglais les MOOC (massive open online courses), de plus en plus d’universités québécoises se lancent dans la bataille, sans connaître toutefois le même engouement. L’Université du Québec à Trois-Rivières démarre ainsi lundi son troisième cours du genre.
Voilà près d’une décennie que les MOOC sont offerts par les universités américaines, dont de prestigieux établissements comme Preston et Duke, mais aussi par des entreprises telles que Google. Au Québec, l’adoption du modèle s’est faite plus timidement. « Peut-être en partie parce qu’aux États-Unis, les cours en ligne prenaient une dimension différente compte tenu des coûts des études qui y sont bien supérieurs à ceux du Québec », souligne Nicolas Boivin, professeur titulaire au Département des sciences comptables à l’UQTR.
Ainsi, le premier cours en ligne ouvert massivement (CLOM) québécois a été lancé en 2012 à HEC Montréal, avec la plateforme EDUlib. À l’hiver 2015, 9 des 18 universités québécoises avaient créé, ou étaient en voie de créer, des MOOC, selon un article publié en novembre 2016 dans la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire. Près de quatre ans plus tard, l’offre s’est agrandie, EDUlib comprend maintenant des CLOM de sept établissements, et HEC Montréal et McGill déploient leurs activités sur edX.org, la plateforme d’apprentissage fondée par l’Université Harvard et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui compte plus 20 millions d’utilisateurs dans le monde.
Même si les CLOM sont plus connus qu’il y a cinq ans dans la population en général, Nicolas Boivin estime que leur notoriété n’égale toujours pas celle qui prévaut aux États-Unis.
Démocratiser l’enseignement
Avant même le phénomène des CLOM, Nicolas Boivin rendait déjà disponible en ligne il y a dix ans tout le matériel pédagogique qu’il produisait dans le cadre de ses cours. Il estime que ce matériel était en quelque sorte un bien public, comme les universités sont financées en grande partie par l’État, et donc, par les contribuables. « Même si ça semble très vertueux de le dire, cela avait aussi ses limites parce que c’était du matériel pédagogique qui était rédigé et pensé pour les universitaires, et non pour le grand public », souligne-t-il.
En s’inspirant de ce qui se faisait aux États-Unis, lui et son collègue Marc Bachand ont alors approché la direction de l’université pour proposer l’idée d’adapter le contenu au grand public. C’est finalement en 2015 qu’est né le premier projet-pilote de MOOC sur la littératie financière, un cours offert pendant cinq semaines, qui s’est révélé un franc succès, avec ses 23 000 participants.
« C’était aussi un bon moment pour parler de finances personnelles comme cela coïncidait avec l’actualité », soutient Nicolas Boivin, faisant allusion à l’endettement grandissant des Québécois
Ce ne sont pas tous les programmes universitaires qui ont le potentiel de se transformer en CLOM. « Même si l’UQTR compte plus de 250 programmes et que les possibilités sont nombreuses, il faut que les sujets s’adressent à des populations assez larges et que les professeurs souhaitent y participer », précise Jean-François Hinse, conseiller en communication et en relations avec les médias à l’UQTR.
À titre d’exemple, le deuxième CLOM lancé par l’UQTR, aussi en 2015, Jouer pour apprendre en petite enfance, s’adresse à la fois aux professionnels de la petite enfance et parents, et a attiré 15 000 participants. Le nouveau CLOM sur l’éducation des élèves doués, qui débute lundi, vise tous les acteurs scolaires et compte déjà 2200 inscriptions.
« On n’a pas encore de critères établis pour lancer les prochains CLOM, mais on se penche actuellement sur une vision à plus long terme », ajoute-t-il.
La question de la pertinence d’un CLOM dans le temps se pose également. Nicolas Boivin et son collègue ont animé pendant quatre ans le CLOM sur la littératie financière, se rendant disponibles pour répondre à toutes les questions des participants.
« Chaque année, on comptait de 4000 à 5000 nouvelles inscriptions, mais à la cinquième année, on a senti qu’elles s’essoufflaient un peu, explique-t-il. C’était pour nous le signal que ceux qui avaient à suivre le cours l’avaient généralement fait. Le cours est toujours offert en ligne et mis à jour chaque année, mais on ne l’anime plus. »
Selon lui, cette présence des professeurs pour répondre aux questions a été un grand facteur de succès.
Une carte de visite
La plupart des CLOM sont gratuits, quoique certains offrent des versions payantes, comme c’est le cas des cours donnés par HEC Montréal via la plateforme edX.org.
« Les coûts sont minimes : le matériel conçu est réalisé certes par les professeurs et les technopédagogues en interne, mais il peut être repris en formation continue ou dans les cours, souligne Jean-François Hinse. C’est aussi un excellent banc d’essai pour les technopédagogues pour développer de nouveaux outils et se perfectionner. »
Outre cette mission des universités de transmettre les connaissances aux collectivités, les CLOM se révèlent également un outil efficace de promotion et de notoriété.
« Le CLOM sur le jeu en petite enfance a été suivi dans 64 pays, mentionne-t-il. Si 1 % des 15 000 personnes qui l’ont suivi ont fini par s’inscrire à l’UQTR, ce sera déjà un succès, comme son développement n’aura pratiquement rien coûté à l’établissement. » Celui-ci ne possède cependant pas les données de conversion pour le moment.
De plus, le taux d’attestation des CLOM de l’UQTR — c’est-à-dire de participants qui ont achevé la formation — s’établit à 30 %, alors que la moyenne pour les CLOM aux États-Unis est de 6 %, selon une récente étude.
Toutefois, ce n’est pas parce qu’un participant ne termine pas un CLOM qu’il s’agit d’un échec pour autant.
« Si on prend l’exemple du CLOM sur la littératie financière, il peut arriver qu’un apprenant soit intéressé seulement par le chapitre sur la fiscalité et qu’une fois cette partie terminée, il ne voie pas l’intérêt de poursuivre l’intégralité du cours », soutient-il.
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