Resserrer l’accès au PEQ est vain, selon les cégeps et les universités

Le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, aura fort à faire pour convaincre le réseau collégial et universitaire de se rallier à son idée de resserrer l’accès au Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Les cégeps et les universités plaideront pour l’inscription de tous les programmes menant à un diplôme d’études collégiales (DEC), de baccalauréat, de maîtrise ou encore de doctorat à la nouvelle liste des domaines de formation admissibles au PEQ, à laquelle l’élu caquiste tient mordicus.
« À première vue, on ne voit pas du tout la nécessité d’avoir une liste pour les détenteurs de DEC », a affirmé le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, dans un entretien téléphonique avec Le Devoir mardi. Il dit n’avoir jamais été avisé qu’un participant du PEQ s’est avéré incapable de trouver un emploi après avoir terminé un programme d’études techniques dans un collège québécois.
« [Les étudiants internationaux] s’intègrent au marché du travail », a-t-il assuré au Devoir, avant de répéter : « On ne voit pas la pertinence d’avoir une liste. »
Il en est de même pour les détenteurs d’un baccalauréat, a poursuivi la présidente de l’Université du Québec (UQ), Johanne Jean. La vaste majorité d’entre eux — au moins neuf sur dix — obtiennent un emploi ou encore poursuivent leurs études deux ans après avoir décroché leur diplôme, a-t-elle fait remarquer, preuves à l’appui.
À ses yeux, « tous les programmes de grade — bac, maîtrise, doctorat — devraient être admissibles au Programme de l’expérience québécoise ».
Mme Jean tente de dissiper l’idée reçue selon laquelle les diplômés de programmes comme l’anthropologie, l’histoire et la philosophie vivront dans l’indigence.
« On a besoin de ce monde-là… de plus en plus ! » a-t-elle fait valoir à l’autre bout du fil. Plus d’un diplômé d’un programme de sciences humaines occupe un emploi bien rémunéré dans le monde de l’intelligence artificielle, a-t-elle illustré. « Tu acquières toute une série de compétences qui te permettent d’évoluer avec le marché du travail. Tu es presque assuré d’avoir un travail avec une bonne rémunération et avec lequel tu vas être capable d’évoluer, avec un minimum de formation continue », a-t-elle souligné.
En attente des invitations
Bernard Tremblay (Fédération des cégeps) et Johanne Jean (Université du Québec) n’ont toujours pas été invités aux consultations promises il y a plus d’une semaine par M. Jolin-Barrette en vue de la publication d’un nouveau règlement resserrant l’accès au PEQ — grâce auquel quelque 4000 étudiants étrangers obtiennent bon an mal an leur Certificat de sélection du Québec (CSQ).
« J’imagine qu’il y a un certain bilan à faire de l’opération précédente avant d’être capable de relancer les travaux », a suggéré M. Tremblay.
« On va travailler de bonne foi », a précisé quant à elle Johanne Jean, qui est également présidente du bureau de la coopération interuniversitaire (BCI).
Les acteurs du milieu des affaires signifieront, eux aussi, leurs fortes réticences à limiter l’accès au PEQ aux étudiants étrangers qui suivent une formation inscrite sur une liste établie par le gouvernement.
« Toute liste, aussi bien faite soit-elle, a ses limites », a dit le vice-président aux politiques développement de la main-d’oeuvre au Conseil du patronat, Denis Hamel. Le regroupement d’employeurs propose déjà au ministre Jolin-Barrette de prévoir d’« autres voies d’entrée au PEQ », dont l’obtention d’un emploi.
« Ça serait le fun d’être consultés, d’être invités, mais on n’a pas d’information encore », a dit M. Hamel. Il profitera aussi des consultations pour inciter M. Jolin-Barrette à redémarrer le programme des immigrants investisseurs, qui est « très, très important » pour le CPQ, a-t-il averti.