Ugo Cavenaghi, directeur innovant

Anne-Sophie Poiré Collaboration spéciale
Ugo Cavenaghi
Photo: Charles Briand Ugo Cavenaghi

Ce texte fait partie du cahier spécial École privée

Dans les corridors du collège Sainte-Anne, à Lachine, le président-directeur général Ugo Cavenaghi se déplace sur sa planche à roulettes. Une table de ping-pong, installée dans une pièce sans portes ni murs, lui sert de bureau. Il est l’instigateur de l’« école du futur », celle qui décloisonne les espaces et le modèle pédagogique.

Le p.-d.g. croit à la pédagogie active, au leadership horizontal, collaboratif, à un programme scolaire rigoureux, mais pas rigide. En s’appuyant sur les recherches scientifiques et les données probantes en pédagogie et en architecture, le collège Sainte-Anne souhaite être l’école modèle qui implantera sa vision partout au Québec.

« Déjà, quand j’étais jeune, je voyais que le système scolaire ne fonctionnait pas, raconte M. Cavenaghi. Les gamins s’ennuient, les gamins bougent, les gamins dérangent. On constate une large augmentation de la consommation de Ritalin. On règle les problèmes en investissant dans les professionnels, c’est bien, mais on met des pansements sur un système qui est malade. »

Arrivé en 2001 au poste de directeur des services éducatifs du collège Sainte-Anne, il réfléchit déjà à cette école du futur. « Le collège était un diamant qui nécessitait un dépoussiérage, estime M. Cavenaghi. On a lancé des projets particuliers, des programmes de danse, de musique. On a changé l’offre de services et fait entrer la technologie. L’école possède son portail éducatif depuis 2001. »

En 2006, il prend les rênes de l’établissement d’enseignement. Le secteur collégial accueille ses premiers étudiants en 2011, puis, l’automne 2015 marque la première rentrée des élèves du préscolaire et du primaire de l’Académie Sainte-Anne, à Dorval cette fois. Une maternelle 4 ans y sera inaugurée en septembre 2020. Le collège a acheté, en 2014, une école secondaire semi-privée anglophone pour filles en faillite, la Queen of Angels Academy, et a conservé son permis d’enseignement subventionné. Il s’agit du seul établissement d’enseignement privé au Québec regroupant trois ordres d’enseignement : 2700 élèves et plus de 330 employés sont répartis dans les deux campus.

Changer les paradigmes

 

La vision pédagogique du collège Sainte-Anne valorise le questionnement, l’engagement social et l’innovation. « Il faut donner du sens à l’apprentissage », fait valoir M. Cavenaghi. L’inauguration des sections collégiale et primaire de l’établissement d’enseignement, puis de l’école du futur à l’automne 2021, témoigne de l’intention de déployer cette vision pédagogique à plus grande échelle. « On remet en question tous les paradigmes », poursuit-il.

Son équipe proposait en 2015 le Cours de demain, orienté vers les « compétences du XXIe siècle » comme la créativité, la pensée critique, la résolution de problèmes et la collaboration, en accord avec le rapport sur le futur de l’éducation de l’OCDE. Ugo Cavenaghi est membre fondateur de la Factry, l’école des sciences de la créativité établie en 2016, à Montréal, ainsi que de la Commission de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire du Conseil supérieur de l’éducation. « Avec le projet de Lab-École, le gouvernement semble vouloir faire des efforts en termes d’architecture, mais peu en pédagogie », dit-il.

En 2017, il publiait avec Isabelle Senécal l’essai Osons l’école. Des idées créatives pour ranimer notre système éducatif. Puis, le 23 septembre prochain, le duo lancera Osons l’IA à l’école. Préparons nos jeunes à la révolution de l’intelligence artificielle. « Tout le monde reconnaît qu’on doit enseigner différemment, mais personne ne se bouge », laisse-t-il tomber.

L’école nouvelle

Avec Pierre Thibault, architecte du Lab-École et du futur collège Sainte-Anne, et Isabelle Senécal, directrice de l’innovation pédagogique, le p.-d.g. a parcouru les écoles de Copenhague. Dans une école entièrement à aire ouverte visitée l’an dernier, le trio est surpris par la quiétude des lieux malgré les 1000 élèves qui y grouillent. Des espaces informels pour échanger ou collaborer, des endroits pouvant être cloisonnés au besoin, beaucoup de lumière naturelle et de la verdure : « Il faut absolument faire une école dans l’esprit scandinave », songent-ils, une école dans laquelle l’espace sera au service de la pédagogie.

Depuis 2009, le collège Sainte-Anne collabore avec l’équipe de Taktik design pour repenser l’espace des écoles primaire, secondaire et du collégial. La relation entre aménagement et pédagogie flotte depuis un moment, donc, dans l’établissement d’enseignement. Et le nouveau collège Sainte-Anne n’a rien à voir avec les sept écoles primaires du Lab-École. Sa construction sera amorcée dans moins d’un an. Il accueillera 700 élèves : quatre classes par niveau, soit une vingtaine de groupes.

Le budget est estimé à quelque 20 millions de dollars. Il doit rester raisonnable, selon M. Cavenaghi, afin de créer un précédent viable. Deux professeurs travaillent à temps plein sur le projet. « Est-ce que les enfants doivent avoir une case ? Est-ce qu’il y aura un uniforme ? Est-ce que les jeunes doivent commencer à 9 h ? On remet tout le système en question », lance le directeur.

L’agilité de l’école privée

Pour Ugo Cavenaghi, il semble clair que le projet n’aurait pu voir le jour aussi rapidement dans le secteur public. Mais l’enjeu va bien au-delà de l’enveloppe budgétaire. C’est plutôt la marge de manoeuvre en matière de ressources humaines qui favorise l’agilité de l’école privée, comme dans une entreprise, croit-il. « Je peux embaucher qui je veux, et quand j’ai besoin. » Dans le secteur public, ce sont les commissions scolaires et non les directeurs d’école qui se chargent d’embaucher les architectes ou les entrepreneurs, et ce sont elles qui établissent les budgets. À l’instar de tous les établissements d’enseignement du Québec, le nouveau collège Sainte-Anne sera soumis à la Loi sur l’enseignement privé. Les comptes sont rendus au conseil d’administration qui « est très ouvert au changement », fait valoir M. Cavenaghi, et au ministère de l’Éducation. Le collège Saint-Anne a ainsi presque carte blanche en pédagogie et en architecture.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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