La sexualité, une «vraie» matière

«Si je pensais que le cours éthique et culture religieuse était parfait, je n’y toucherais pas, nuance le ministre Roberge. Je ne parle pas de l’abolir, mais je suis prêt à en faire une révision en profondeur.»
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir «Si je pensais que le cours éthique et culture religieuse était parfait, je n’y toucherais pas, nuance le ministre Roberge. Je ne parle pas de l’abolir, mais je suis prêt à en faire une révision en profondeur.»

Le ministre Jean-François Roberge envisage d’intégrer l’éducation à la sexualité dans le cours d’éthique et culture religieuse (ECR), qui fera l’objet d’une importante réforme au cours des prochains mois.

En entrevue avec Le Devoir, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a dit que cette hypothèse fera partie du vaste chantier sur la révision du cours ECR qu’il compte lancer prochainement.

« Il y a déjà des gens qui m’ont dit : “Vous allez revoir ce cours-là [ECR] qui traite du savoir-être, des valeurs, du respect de soi, de l’acceptation de l’autre. Est-ce qu’on pourrait intégrer ça [l’éducation à la sexualité] au contenu ?” Je suis très ouvert à ça. L’éducation à la sexualité pourrait en faire partie. Ce n’est pas réglé, je lance un chantier sur la réforme du cours éthique et culture religieuse dans les prochains mois. On va le faire pour vrai », a dit le ministre, rencontré à son bureau de Montréal.

L’éducation à la sexualité est obligatoire pour une deuxième année dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec. L’implantation du programme s’est faite de façon inégale d’une école à l’autre, selon les syndicats d’enseignants.

Il ne s’agit pas d’un cours en bonne et due forme, mais plutôt de « contenus » qui doivent être livrés dans l’enseignement d’autres disciplines. La matière doit être enseignée entre cinq et quinze heures par année, selon le niveau scolaire. Chaque école doit trouver — ou désigner — des volontaires pour enseigner l’éducation à la sexualité. Les profs sont souvent mal à l’aise de parler de sexualité aux élèves.

« L’idée d’avoir des contenus [d’éducation à la sexualité] qui appartiennent à un vrai cursus, avec des professeurs dont le mandat est de donner des notions spécifiques et qui sont formés pour ça, je pense que c’est porteur. Ça va faire partie des choses sur lesquelles on voudra consulter », dit Jean-François Roberge.

Cri d’alarme

Quand on demande au ministre de faire un bilan de la première année du programme d’éducation sexuelle, il répond : « Il y en a dans toutes les écoles, il y a de plus en plus de profs qui sont formés et le programme est bon. J’y tiens. »

La Coalition pour l’éducation à la sexualité a critiqué cette semaine le peu de ressources consacrées au programme. Cette sortie faisait suite à l’agression présumée homophobe subie dans Charlevoix par le designer Markantoine Lynch-Boisvert et son conjoint, qui ont reçu des coups à la sortie d’un bar. Le nombre de crimes haineux homophobes rapportés au Québec a bondi de 12 à 42 entre les années 2015 et 2017, selon la Coalition.

L’idée d’avoir des contenus [d’éducation à la sexualité] qui appartiennent à un vrai cursus, avec des professeurs dont le mandat est de donner des notions spécifiques [...], je pense que c’est porteur 

Les maladies transmissibles sexuellement sont aussi en hausse. Les cas déclarés d’infection à la chlamydia ont doublé chez les 15 à 24 ans depuis 2008. Ça témoigne de l’importance de l’éducation à la sexualité à l’école, fait valoir la Coalition.

Combien d’élèves ont été exemptés de cette formation à la demande de leurs parents ? « Aucune demande d’exemption n’a été portée à mon attention », répond le ministre Roberge. Plus tard, son cabinet a précisé que les demandes d’exemption se règlent dans chaque école. Le Ministère ne serait informé qu’en cas de désaccord entre l’école (ou la commission scolaire) et les parents. Cela n’est pas arrivé, selon le ministre.

Encore la religion

 

Le cours éthique et culture religieuse a été introduit en 2007 par le gouvernement libéral de Jean Charest. Il vise notamment à faire aux élèves un portrait des grandes religions, après la déconfessionnalisation des écoles publiques du Québec. Le cours a été critiqué par les tenants de la laïcité comme une plateforme de promotion des religions, ce que conteste le ministère de l’Éducation.

« Si je pensais que le cours éthique et culture religieuse était parfait, je n’y toucherais pas, nuance le ministre Roberge. Je ne parle pas de l’abolir, mais je suis prêt à en faire une révision en profondeur. »

La consultation portera sur ce qu’il faut garder du cours ECR, ce qu’il faut exclure et ce qu’il faut ajouter, précise le ministre. « Éthique, je le garde. Citoyenneté, il va y avoir des éléments de connaissance de l’autre, dont la religion de l’autre, ça fait partie de ça, je ne veux pas l’évacuer au complet. »

Le ministre de l’Éducation exclut que la nouvelle mouture du cours ECR soit prête pour la prochaine rentrée scolaire, en septembre 2020. Il prévient que le processus prendra plusieurs mois.

« On parle d’élaborer un cours qui part du primaire et qui se rend jusqu’à la fin du secondaire. Quand tu changes un cours, il faut que tu le testes, tu ne peux pas faire ça tout seul dans ton bureau. Il faut former les gens. On ne peut pas demander à des gens qui ne savent pas ce qu’est le cours de l’enseigner. Ça va prendre un certain temps. C’est un chantier important. Ça touche les valeurs, ça touche des choses qui sont sensibles, alors on va prendre le temps de bien le faire. »

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