Des enfants privés de collations à l'école

Les collations sont constituées de produits céréaliers, de fruits ou encore de yogourt, qui font parfois office de petits-déjeuners pour les enfants qui ne mangent pas à leur faim et qui sont encore nombreux dans ces écoles.  
Photo: John Moore Getty Images / AFP Les collations sont constituées de produits céréaliers, de fruits ou encore de yogourt, qui font parfois office de petits-déjeuners pour les enfants qui ne mangent pas à leur faim et qui sont encore nombreux dans ces écoles.  

La révision de la carte de la défavorisation de l’île de Montréal aura pour effet de priver les élèves de quinze écoles primaires de collations lors de la prochaine rentrée scolaire. Et parmi celles-ci, cinq font partie des écoles qui perdront également les repas subventionnés à 1 $ pour leurs élèves défavorisés.

Les collations sont constituées de produits céréaliers, de fruits ou encore de yogourt, qui font parfois office de petits-déjeuners pour les enfants qui ne mangent pas à leur faim et qui sont encore nombreux dans ces écoles.

« C’est le pire des scénarios » lorsque les écoles perdent à la fois les repas à 1 $ et les collations, convient Catherine Harel Bourdon, présidente de la Commission scolaire de Montréal. À la CSDM, dès la prochaine rentrée scolaire, ce sont quatre écoles qui perdront ces deux volets de la mesure alimentaire. La cinquième école fait partie de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.

Une décision qui découle de la révision de la carte de la défavorisation de l’île de Montréal effectuée par le Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal.

Plusieurs quartiers, où vivent des familles à revenus modestes, se sont embourgeoisés au cours de la dernière décennie. Or, ce ne sont que les écoles de la tranche de défavorisation 0-20 % qui ont droit aux repas chauds du midi à 1 $, une mesure réservée aux élèves dont le revenu familial se situe sous le seuil de faible revenu.

Quant aux collations, elles sont offertes cinq jours par semaine à l’ensemble des élèves des écoles comprises dans les tranches de défavorisation 0-20 % et 20-30 %.

Sur l’île de Montréal, cinq écoles (Saint-Grégoire-le-Grand, Notre-Dame-de-l’Assomption, Saint-Anselme, Maisonneuve et Lévis-Sauvé) ont effectué, d’un coup, le bond de la tranche 0-20 % à la tranche 30-100 %.

1$
Cinq des quinze écoles qui n’auront plus droit aux collations perdront également les repas subventionnés qui coûtent seulement 1 $ aux élèves défavorisés.

Pour atténuer ce choc, le club des petits-déjeuners pourrait être appelé en renfort. « On va voir si c’est possible de conclure un partenariat », mentionne Mme Harel Bourdon. Mais pour ce faire, un réseau de bénévoles doit être déployé dans les écoles, explique-t-elle.

Une proposition qui est loin de convaincre Violaine Cousineau, commissaire indépendante à la CSDM. « Il y a des perles de dévouement dans certaines écoles qui font ce travail-là, mais se dire qu’une politique alimentaire va être fondée au Québec, dans l’une des régions les plus riches du monde, sur le travail bénévole de parents, ça n’a pas de bon sens. »

Au moment où quinze écoles de l’île de Montréal cesseront de recevoir des collations à la prochaine rentrée scolaire, treize écoles, désormais classées défavorisées, commenceront à bénéficier de cette mesure. À la CSDM, ce sont 2828 élèves qui perdront la collation et 1446 élèves qui la gagneront. Pour l’année scolaire en cours, le budget total servant à offrir des collations à 20 000 élèves sur l’île de Montréal est de 1,3 million de dollars, ce qui représente 0,45$ par collation.

La perte des repas à 1 $, vertement dénoncée depuis mars dernier, touche environ un millier d’élèves issus de familles à faible revenu répartis dans 14 écoles de l’île de Montréal.

Révision en profondeur

 

En vertu du système actuel, « on peut seulement desservir les élèves pauvres dans les écoles classées pauvres », déplore Catherine Harel Bourdon. « Un enfant qui ne mange pas, peu importe s’il est dans une école défavorisée ou favorisée, c’est difficile pour son apprentissage. »

Pour que tous les élèves issus de familles à faible revenu bénéficient d’un soutien alimentaire — un programme financé par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et par le Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal —, « il faudrait que ce soit l’élève qui reçoive la mesure alimentaire et non l’école », avance la présidente de la CSDM.

Violaine Cousineau remet en question quant à elle la pertinence de poursuivre le programme de distribution de berlingots de lait dans toutes les écoles — qu’elles soient défavorisées ou non. Un programme qui coûte à lui seul plus d’un million de dollars par année pour l’île de Montréal, une somme qui pourrait plutôt servir à nourrir des élèves dans le besoin, selon elle. « Est-ce que les enfants qui ont bien déjeuné et dîné ont besoin d’avoir du lait le matin à l’école ? Posons-nous la question à l’heure où on est en train d’enlever des repas et des collations à des enfants qui eux n’auront ni déjeuné, ni dîné, ni soupé adéquatement. »

Le ministre de l’Éducation n’a pas répondu à notre appel.

La carte de la défavorisation

La carte de la défavorisation de l’île de Montréal, autrefois basée sur les données du recensement de 2006, a été mise à jour en fonction des données colligées lors du recensement de 2016. Quatre variables sont prises en compte dans l’indice de défavorisation socio-économique : le revenu familial, la scolarité de la mère, la monoparentalité féminine et l’activité des parents.

Les écoles touchées par la perte de la mesure alimentaire se situent dans des quartiers — Hochelaga-Maisonneuve, Centre-Sud, Sud-Ouest, Saint-Michel, Villeray et Verdun — où des familles mieux nanties et plus scolarisées se sont installées aux côtés de familles plus modestes.

La directrice générale du Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal, Hélène Meagher, explique que la carte cherche à établir là où se trouvent les plus fortes densités de défavorisation.

Pour l’instant, aucune réflexion n’a été entamée sur la pertinence des outils de mesure utilisés. « Les indices fonctionnent et disent ce qu’on leur demande », soutient Mme Meagher.

La carte sert à déterminer le montant global des allocations octroyées à chaque commission scolaire pour le soutien alimentaire, rappelle-telle. «Ensuite, les commissions scolaires peuvent décider ce qu’elles font avec cet argent-là, de l’utiliser en fonction de la carte ou pas.»



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