#MoiAussi chez les tout-petits

Le mouvement #MoiAussi a des répercussions jusqu’à la maternelle et dans les garderies. Parce que même des enfants d’âge préscolaire sont victimes de violences sexuelles, un nouveau programme vise à former les éducatrices et les enseignantes à détecter les signes montrant qu’un tout-petit a subi une agression.
Le programme Lanterne, lancé mercredi par la Fondation Marie-Vincent, mise sur l’éducation à la sexualité des enfants de 0 à 5 ans — et des adultes qui gravitent autour d’eux — pour prévenir ces toutes jeunes victimes contre la violence sexuelle.
La fondation est prête à faire essaimer le programme dans tous les services de garde, les maternelles et les organismes communautaires qui offrent des services aux enfants d’âge préscolaire. Un projet pilote mené dans trois quartiers de Montréal, à Longueuil, à Saint-Rémi (en Montérégie) ainsi que dans quatre communautés autochtones, a déjà permis de former 500 personnes qui interviennent auprès des jeunes.
Ce programme sans précédent comporte une forme de protocole visant à accompagner les jeunes qui dévoilent une agression, explique Jean-Pierre Aubin, directeur général de la Fondation Marie-Vincent. « C’est certain que ça va être aidant pour ça. Si une éducatrice de CPE fait une activité, il est possible qu’un enfant dévoile qu’il a subi une agression, et il faut être capable d’intervenir de la bonne façon », dit-il.
Des victimes désemparées
Les jeunes de moins de 18 ans représentent 53 % des victimes d’agression sexuelle au Québec, selon des données compilées en 2016 par le ministère de la Sécurité publique. Parmi celles-ci, 13 % ont moins de 5 ans. Une fille sur 5 et un garçon sur 10 subiront une agression sexuelle, rappelle la Fondation Marie-Vincent.
Ces chiffres sont sans doute inférieurs à la prévalence réelle, car de nombreux cas demeurent inconnus, non signalés ou difficiles à documenter, souligne la fondation. Une enquête du Devoir publiée l’an dernier avait mis en lumière l’ampleur des agressions sexuelles dans les écoles et le peu de ressources à leur disposition pour accueillir les plaintes des élèves et mener des enquêtes.
Les organismes qui aident les victimes d’agression insistent pour que les écoles primaires et secondaires aient aussi un protocole qui encadre la façon dont les plaintes de nature sexuelle sont traitées. La précédente ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, a obligé les cégeps et les universités à se doter d’un tel plan, mais les commissions scolaires ont peu de moyens, a souligné mardi la députée Christine Labrie, de Québec solidaire.
« Les dernières années nous ont démontré que nos écoles ne sont pas à l’abri des violences sexuelles », a-t-elle dit au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, lors de l’étude des crédits budgétaires en commission parlementaire.?Elle?lui?a?demandé d’implanter?un?protocole?pour?les écoles primaires et secondaires, inspiré de ceux en place dans les établissements d’enseignement supérieur.
« Je pense qu’il pourrait y avoir assurément une orientation qui serait donnée pour s’assurer que les écoles ou les commissions scolaires ont cette obligation de prendre soin des jeunes. Il y a des embauches massives de professionnels qui s’en viennent, dont des psychoéducateurs, des psychologues et des sexologues qui pourront grandement contribuer à aider des jeunes et les intervenants », a répondu le ministre. Il compte aussi réviser les pouvoirs du protecteur de l’élève, ce qui augmentera la confiance envers le mécanisme de plainte, selon lui.
Appel à l’aide
La présidente de la plus grande commission scolaire du Québec, celle de Montréal (CSDM), a écrit au ministre Roberge, le 22 mars 2019, pour réclamer davantage de moyens pour prévenir et contrer les violences sexuelles dans les écoles. Les commissions scolaires ne sont considérées que « marginalement » dans la stratégie du gouvernement pour prévenir les agressions sexuelles, souligne la CSDM. Les écoles devraient être associées de plus près à cette lutte, par l’embauche de sexologues et d’autres intervenants capables de former le personnel et d’intervenir auprès des jeunes.
« On en fait, de la formation, on a une sexologue et une conseillère pédagogique qui ont ce mandat, mais il faudrait avoir un financement pour déployer [l’aide aux victimes] encore mieux et soutenir les organismes comme la Fondation Marie-Vincent », dit Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM. La fondation offre de la formation au personnel d’une douzaine de commissions scolaires, dont celle de Montréal.