

Les universités préfèrent éduquer les étudiants avant de les punir.
Par une journée d’automne grise et pluvieuse, dans une salle de cours de l’Université Laval, une vingtaine d’étudiants assistent à un atelier sur le plagiat. La formatrice, une spécialiste du droit d’auteur, expose aux étudiants une série de cas vécus.
« Afin de vous aider, votre colocataire, qui connaît bien le sujet sur lequel vous travaillez, rédige une partie de votre travail. Celui-ci n’a jamais été évalué dans un travail sur le sujet et vous avez son accord. Êtes-vous coupable de plagiat ? »
Silence dans la salle. Hésitations. On entend des oui. On entend des non.
Le verdict tombe : « Coupable ! Obtention d’une aide non autorisée, selon l’article 34 du règlement disciplinaire de l’université. Si vous avez de la difficulté à rédiger un travail, vous pouvez obtenir de l’aide auprès de votre professeur, de l’assistant du professeur ou du centre d’aide aux étudiants (situations de stress, anxiété de performance, perte de motivation, procrastination, etc.). »
Ce sera comme ça durant plus d’une heure. Sonya Morales, gestionnaire au Bureau du droit d’auteur de l’Université Laval, expliquera le b.a.-ba du plagiat, les règles de la citation, les pièges à éviter et les conséquences de la tricherie — même involontaire. Car les tricheurs en paient le prix (du moins en théorie) : les sanctions vont de la simple réprimande à l’expulsion de l’université, en passant par la note de zéro à un examen ou l’échec au cours.
« C’est tolérance zéro pour le plagiat à l’Université Laval », dit la spécialiste aux étudiants, qui sont venus volontairement passer leur pause du midi dans ce local.
Sonya Morales enfile rapidement les mises en garde : « Le plagiat n’arrive pas qu’aux autres. » « Je ne savais pas, ce n’est pas une excuse. » « Le manque de temps, la procrastination, c’est l’ennemi numéro un, attention ! » « L’enseignant, ce qu’il veut lire, c’est votre pensée originale, pas le texte d’un auteur connu qu’il connaît probablement par coeur ! »
En entrevue, Sonya Morales reprend une formule qu’on entend partout lorsqu’il est question de plagiat dans les universités : les étudiants ignorent les règles du droit d’auteur. Le cas classique de plagiat, selon elle : un étudiant se rend compte, la veille de la remise d’un travail de session, qu’il manque de temps pour y arriver. En panique, il copie des bouts de texte glanés sur le Web sans citer ses sources. « Souvent, les étudiants ne se donneront même pas la peine de changer la police du texte. C’est vraiment facile de repérer le plagiat », dit-elle.
Par contre, il n’est pas toujours aussi simple de respecter l’art de la citation. Un étudiant ne peut reprendre les grandes lignes d’un travail qu’il a déjà remis dans un autre cours. L’autoplagiat est interdit. S’il emprunte une partie d’un de ses anciens textes, il doit se citer entre guillemets.
Il est aussi complexe de détecter — et de sanctionner — le plagiat dans les travaux d’équipe. S’il est démontré qu’un seul membre de l’équipe a plagié à l’insu des autres, il sera généralement le seul puni. Mais tous les membres ont le devoir de s’assurer que personne ne triche dans l’équipe…
Autre écueil dans l’application des règles disciplinaires : dans plusieurs cultures étrangères, le plagiat n’existe pas, souvent parce que le droit d’auteur est peu reconnu ou valorisé. En Asie, les étudiants apprennent à répéter mot à mot les enseignements de leurs maîtres, sans nécessairement les citer. C’est une tradition. « On a énormément d’étudiants étrangers aux 2e et 3e cycles pour qui le plagiat est une faute, oui, mais qui n’est pas sanctionné de la même façon, dit Sonya Morales. J’ai enseigné en Haïti, où on me disait : “C’est un honneur de reprendre vos mots.” J’ai dit : “Ça serait un honneur si vous me citiez.” »
La notion de droit d’auteur est même considérée dans certains milieux comme un concept bourgeois issu du capitalisme, explique Sébastien Béland, professeur à l’Université de Montréal. La propriété intellectuelle — et l’interdiction de s’approprier les idées de ceux qui les « possèdent » — est née au XIXe siècle. Pas étonnant que des sociétés aient des interprétations contradictoires du droit d’auteur.
Comme les étudiants étrangers représentent une proportion importante des effectifs universitaires au Québec — jusqu’à 28 % des étudiants de l’Université McGill —, les comités de discipline hésitent à sanctionner les fautifs issus de l’extérieur du Canada par souci d’équité, rappelle Sébastien Béland.
Cette gradation des sanctions est une bonne chose, estime Catherine Asselin, vice-présidente aux droits étudiants de l’Association des étudiantes et des étudiants de l’Université Laval inscrits aux études supérieures (AELIES). « Il faut tenir compte des circonstances atténuantes, ce n’est jamais noir ou blanc en matière de plagiat », dit-elle.
Les conséquences d’une faute éthique sont beaucoup plus graves aux cycles supérieurs qu’au baccalauréat, note Mme Asselin. Il est d’autant plus important d’éviter de condamner un étudiant qui est de bonne foi. « Si tu coules ton cours, souvent tu es renvoyé du programme. Ça peut entraîner un stress, une anxiété de performance. Tu dois aussi rédiger vite et garder une bonne moyenne. Et il y a beaucoup de parents étudiants aux cycles supérieurs, qui vivent un stress supplémentaire », dit Catherine Asselin.
Les universités préfèrent éduquer les étudiants avant de les punir.
Le cas classique: copier des bouts de texte glanés sur le Web, sans citer ses sources.
Le degré de transparence varie d’un établissement à l’autre.