La confusion règne dans les écoles sur les frais imposés aux parents

Les commissions scolaires et les directions d’établissement parviennent mal à déterminer ce qui doit être gratuit et ce qui doit être payé par les parents en vue de la prochaine année scolaire.
Photo: iStock Les commissions scolaires et les directions d’établissement parviennent mal à déterminer ce qui doit être gratuit et ce qui doit être payé par les parents en vue de la prochaine année scolaire.

Les parents d’élèves ont payé durant des années pour du matériel scolaire qui devait être gratuit. Cette époque est finie. Visées par une action collective de centaines de millions de dollars et semoncées par Québec, les commissions scolaires ont entrepris un grand ménage dans les frais imposés aux parents. Mais la confusion règne dans les écoles.

Selon ce qu’a appris Le Devoir, les commissions scolaires et les directions d’établissement parviennent mal à déterminer ce qui doit être gratuit et ce qui doit être payé par les parents en vue de la prochaine année scolaire.

Des gestionnaires de l’éducation anticipent une « perte appréciable » de revenus dès la rentrée scolaire, dans un peu plus de deux mois, à cause des limites aux frais payés par les parents. Ils se demandent s’il faudra limiter le nombre de sorties d’élèves au théâtre ou au musée, reporter des achats ou de l’entretien d’instruments de musique ou encore des activités sportives, faute de financement.

« C’est le bordel au moment où on prépare la prochaine année scolaire. La directive ministérielle n’a pas permis de clarifier ce qui est facturé ou non aux parents. Il y a encore des zones grises », dit une source qui a requis l’anonymat.

Cette incertitude autour de la gratuité — ou non — du matériel et des sorties scolaires émane d’une directive donnée la semaine dernière par le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx. Il a ordonné aux écoles et aux commissions scolaires de limiter les frais imposés aux parents, pour respecter la Loi sur l’instruction publique.

Cette mise en garde du ministre a été faite dans la foulée d’une action collective de près de 300 millions de dollars lancée par des parents contre 68 commissions scolaires du Québec pour des frais abusifs exigés aux parents. Une entente à l’amiable a été signée le mois dernier et doit être entérinée par un juge.

Au cours des derniers jours, des commissions scolaires ont obtenu des avis juridiques conseillant la plus grande prudence dans les frais exigés aux parents, indiquent nos sources. Les gestionnaires marchent sur des oeufs : les commissions scolaires s’apprêtent à verser aux parents des dizaines de millions de dollars (la somme reste à confirmer) pour des frais exigés en trop dans le passé.

Questions sans réponse

 

Au cabinet du ministre Proulx, on souligne que la directive donnée la semaine dernière est limpide : elle vient simplement réaffirmer les principes de la Loi sur l’instruction publique. « Les commissions scolaires devront prendre les moyens nécessaires pour s’assurer qu’aucun parent ne se voit imposer des frais qui, normalement, ne devraient pas être imposés », a indiqué le ministre la semaine dernière.

« Au Québec, dans nos écoles primaires et secondaires, les services éducatifs ont toujours été gratuits et ils le demeureront. Et cette gratuité doit s’étendre à tout ce qui y est accessoire. Je veux être bien clair : toute exception à ce principe de la gratuité scolaire doit être interprétée de manière restrictive », a-t-il poursuivi.

Dans les commissions scolaires jointes par Le Devoir, on indique bien comprendre les principes généraux : les sorties prévues au régime pédagogique seront gratuites pour les parents. Les sorties de loisirs, comme un camp de fin d’année ou une visite à New York, seront facturées aux parents.

Mais il y a une zone grise, soulignent plusieurs sources : qui paiera pour une pièce de théâtre ou une sortie au musée pour laquelle il n’y a pas d’évaluation ? Les parents ? L’école ? « Le milieu culturel est inquiet. On craint que les sorties culturelles ne fassent plus partie du cursus normal. On craint des désinscriptions massives », dit David Lavoie, coprésident du Conseil québécois du théâtre et codirecteur du FTA.

À Québec, on se fait rassurant. La nouvelle politique culturelle du gouvernement, annoncée cette semaine, viendra ajouter 7 millions par année pour financer des sorties éducatives d’élèves (ce qui portera à 10 millions par an le financement de l’État). Il faut ajouter à cela le programme de soutien à l’école montréalaise, qui finance depuis une vingtaine d’années des activités culturelles pour les écoles défavorisées de l’île de Montréal.

Projets particuliers

 

Le financement des écoles à projet particulier — programme international, arts/études, sports/études, etc. — provoque aussi des questionnements. Ces écoles publiques, et donc gratuites, facturent quelques centaines de dollars par année aux parents. Dans certains cas, la facture s’élève même à plusieurs centaines de dollars.

Pourquoi ? Pour l’achat et l’entretien de milliers d’instruments de musique. Pour l’adhésion au programme d’éducation internationale. Ou encore pour l’adhésion à des fédérations sportives qui offrent des cours de gymnastique, de ski, de tennis ou d’autres sports.

La directive ministérielle est pourtant claire au sujet des écoles à programme particulier, indique-t-on à Québec : l’admission à la commission scolaire et l’inscription à l’école doivent être gratuites pour les parents. Le ministère de l’Éducation a répondu à toutes les questions de la Fédération des commissions scolaires. Une conférence téléphonique supplémentaire est prévue lundi avec l’Association des directions générales des commissions scolaires. Il faut que l’information se rende dans les écoles, insiste-t-on.

La Fédération des comités de parents du Québec estime aussi que les commissions scolaires connaissent bien les règles encadrant les frais imposés aux parents. « Ce qu’on sait et ce qu’on veut faire, ce sont deux choses différentes. Nos enfants savent qu’ils doivent mettre deux fruits dans leur boîte à lunch, mais ils ne le font pas nécessairement », dit Corinne Payne, présidente de la Fédération.

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