

Les comportements sexuels problématiques sont très présents au primaire, favorisés par l’accès à la pornographie.
Chez les ados, la violence sexuelle prend plusieurs visages. Chantage, manipulation, jeux sexuels et attouchements non consentis sont monnaie courante dans les corridors de la polyvalente, dénoncent plusieurs adolescentes. Mais le principal problème reste l’échange de photos intimes, une nouvelle forme de violence sexuelle qui fait des ravages dans les écoles secondaires.
« Salut. Veux-tu me sucer ? Je vais te la fourrer dans le cul. » C’est le type de messages « complètement inappropriés » envoyés par des jeunes de 14 ans à des copines d’école, que la sexologue Stéphanie Houle voit passer régulièrement dans son bureau à la Commission scolaire des Affluents, dans Lanaudière.
« On parle ici de jeunes garçons super gentils, qui se comportent super bien et qui, souvent, n’ont jamais même embrassé une fille. Et quand on leur demande pourquoi ils ont écrit ça, ils répondent timidement : ben, c’est parce que j’aimerais ça que ce soit ma blonde… Le message d’approche, pour aborder une fille, c’est ça. »
Selon elle, les adolescents, qui ont commencé à écouter de la pornographie à la fin du primaire (voir autre texte), ont le cerveau « complètement contaminé » par la pornographie.
« Certains ados posent des gestes inappropriés, de l’ordre de l’agression sexuelle, et certains sont même judiciarisés, mais ce n’était pas là leur intention. C’est une croyance qu’ils ont développée dans leur cerveau. C’est très triste, parce qu’ils n’ont même pas un profil d’agresseur. »
Souvent, les gars vont faire des menaces pour que tu leur envoies un "nude". J’ai une amie qui voulait se suicider à cause de ça.
La disponibilité du matériel sexuel explicite pousse également les jeunes à banaliser l’échange des photos intimes. Un sondage, mené auprès des 12 à 18 ans par la Fondation Marie-Vincent, révèle qu’un jeune sur quatre ayant été en relation de couple a déjà partagé des images intimes avec son ou sa partenaire.
Ils partagent ces images intimes en toute confiance avec leurs amoureux ou amoureuses. Le problème, c’est quand la relation prend fin. Des adolescents se servent de ces images compromettantes pour demander des faveurs sexuelles ou d’autres formes d’avantages, explique Myriam Leblanc, chargée de projet à la Fondation Marie-Vincent. « Des cas comme ceux-là, les équipes scolaires doivent en gérer chaque semaine », précise-t-elle.
Même sans être dans une relation amoureuse, plusieurs adolescentes ont raconté au Devoir qu’elles se font harceler par les garçons de leur école pour qu’elles envoient des photos intimes. « Les gars disent : “S’il te plaît, fais ça, je ne vais pas l’envoyer” », relate Sarah (nom fictif) en imitant le ton mielleux des gars. « Moi, j’ai jamais fait ça, mais il y a des filles qui disent oui parce qu’elles aiment le gars ou qu’elles ont été droguées. »
Certains font du chantage. « Souvent, les gars vont faire des menaces pour que tu leur envoies un nude. Ou bien ils vont te mettre au défi en disant : t’es pas game. » Certains vont jusqu’à proposer de l’argent en échange d’une photo, expliquent les adolescentes.
Il y a aussi les groupes fermés sur lesquels, moyennant quelques dollars, ils peuvent avoir accès à des photos de plusieurs filles de l’école. « Après, les filles se font traiter de salopes, déplore Cassandra. C’est vraiment dégueulasse. Ça détruit des vies. J’ai une amie qui voulait se suicider à cause de ça. Il faut vraiment que ça arrête, les nudes. »
Plusieurs adolescentes ont raconté avoir été la cible d’attouchements non désirés dans les corridors. Cela s’inscrit souvent dans le cadre de « jeux » inventés par les garçons, tels que la « tag fesse » et la « tag seins », où un garçon a 10 secondes pour toucher une fille, à défaut de quoi il se fait frapper par les autres.
D’autres jeux encore consistent à mettre un prix sur une fille. « C’est comme [au jeu de] la bouteille. Un gars pointe une fille et il doit faire des choses avec elle. Plus il va loin, plus il gagne d’argent. S’il couche avec elle, c’est vraiment plus [d’argent]. »
Les adolescentes racontent la difficulté de dénoncer de tels comportements aux autorités de l’école. Elles disent qu’on ne les prend pas au sérieux, que rien n’est fait auprès des garçons. Mais lorsque des actions sont prises — que ce soit pour renforcer la sécurité autour d’un lieu ou lorsque des accusations sont portées contre le présumé agresseur —, les adolescentes sont souvent stigmatisées par leurs pairs, raconte Cassandra.
« Dans mon école, ils ont fermé l’accès [à un local dont la sécurité était déficiente] après qu’une fille eut été agressée. Ensuite, il y avait des gars qui écrivaient [sur les réseaux sociaux] : “On ne peut plus y aller à cause de cette salope.” »
Les comportements sexuels problématiques sont très présents au primaire, favorisés par l’accès à la pornographie.
L’exposition à la sexualité explicite peut créer des traumatismes ou une dépendance chez les enfants.
Échanges de photos et harcèlements sont devenus des problèmes quotidiens à gérer dans les écoles secondaires.
Démunies, les écoles ne savent que faire devant les cas d’agressions portés à leur connaissance.