Des stages payés pour contrer la pénurie de suppléants à la CSDM

Voilà enfin une piste de solution pour venir à bout de la pénurie d’enseignants : dès la rentrée de l’automne prochain, des finissants en éducation de l’Université de Montréal (UdeM) viendront en renfort à la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Pour la première fois, leur stage final sera même rémunéré.
Le Devoir a appris que la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM a accepté de modifier l’horaire de ses cours pour libérer du temps aux étudiants de quatrième année qui veulent travailler à la CSDM durant la journée. Il y aura davantage de cours d’été ainsi qu’en soirée, l’automne prochain, pour permettre aux stagiaires de travailler le jour sans nuire à leurs études.
« C’est une entente qui va résoudre bien des problèmes », dit Pascale Lefrançois, vice-doyenne aux études de premier cycle et directrice du Centre de formation initiale des maîtres à l’UdeM.
Les étudiants en dernière année au programme d’éducation auront du temps pour travailler pendant leurs études. Ils seront payés au taux prévu à la convention collective de la CSDM pour faire de la suppléance. La commission scolaire, elle, aura de la main-d’oeuvre de qualité pour enseigner à ses élèves.
C’est une entente fort attendue, parce que la pénurie de suppléants cause des maux de tête aux dirigeants de la CSDM et d’autres commissions scolaires. Il n’est pas rare que sept, huit ou neuf remplaçants se succèdent dans une classe dont la titulaire est en congé de maladie ou de maternité.
Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM, a confié au Devoir, cette semaine, qu’une des pistes de solution à la pénurie de suppléants passe par les étudiants en éducation. Elle avait dit travailler avec au moins une université pour que les horaires des cours permettent aux étudiants de travailler le jour en tant que suppléants.
« Le gros problème, c’est que les cours sont de jour, du lundi au vendredi » — au moment même où les suppléants doivent être en poste, avait-elle déploré. Le message a été reçu à l’UdeM.
Les finissants d’abord
La CSDM trouve son compte dans ce partenariat, mais les étudiants de l’UdeM y gagnent aussi, explique Pascale Lefrançois : certains seront payés pour leur stage — une vieille revendication du mouvement étudiant — et auront davantage de responsabilités en classe, étant donné qu’ils auront le statut de suppléants en bonne et due forme.
L’entente, réservée aux étudiants de quatrième et dernière année du baccalauréat, vise aussi à limiter l’embauche d’étudiants des trois premières années, selon la vice-doyenne. Elle est d’accord pour que ceux-ci remplissent des mandats occasionnels en tant que suppléants, mais les contrats de plus longue durée doivent être réservés aux finissants, selon elle.
« Donner un contrat d’enseignement à un étudiant qui n’a pas fini sa formation, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée », dit Pascale Lefrançois.
« On dit à nos étudiants : faites trois ans chez nous, travaillez fort, soyez sérieux et ensuite, vous pourrez travailler durant votre dernière année de formation », ajoute-t-elle.
Méthode contestée
Devant la pénurie criante de suppléants, la CSDM cherche pourtant à embaucher davantage d’enseignants non légalement qualifiés — comme des étudiants en éducation ou des diplômés qui n’ont aucune formation en enseignement, a rapporté mardi Le Devoir.
Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), est d’accord pour favoriser le travail des finissants en éducation. Elle estime toutefois que le recrutement de candidats n’ayant aucune formation en pédagogie est une méthode « très préoccupante ». Elle comprend l’urgence de trouver des suppléants dans les classes dites « orphelines », mais pas au détriment de la qualité de l’enseignement.
« C’est comme si on considérait que n’importe qui peut enseigner. Imaginez quelqu’un qui dirait : je peux travailler comme cuisinier parce que je connais les aliments ! » dit-elle.
« C’est vraiment manquer de respect aux enseignants et à la formation qui est donnée. S’il y a une profession qui est exigeante, c’est celle-là ! Ça prend des enseignants dûment formés », fait valoir la spécialiste en éducation.
Monique Brodeur est ouverte à une collaboration avec les commissions scolaires pour favoriser l’emploi des étudiants en dernière année, comme à l’UdeM. Non seulement ce genre d’entente permet de fournir des enseignants de qualité pour les enfants, mais il favorise aussi l’assiduité des étudiants en éducation sur les bancs d’école, souligne-t-elle.
Pascale Lefrançois, de l’UdeM, est du même avis : « Tant qu’à travailler, c’est mieux de donner des cours que de travailler dans un supermarché, dit-elle. Là où ça commence à nous déranger, c’est quand quelqu’un manque des cours universitaires pour aller faire de la suppléance. »
Pas pour tout le monde
La Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM fera une sélection parmi les étudiants souhaitant prendre part au stage final rémunéré, explique Mme Lefrançois. Les responsables tiendront compte notamment des notes et de la motivation des étudiants. Le nombre de participants dépendra à la fois du nombre de volontaires et des besoins de la CSDM, selon la vice-doyenne. Environ 150 diplômés en éducation préscolaire et primaire sortent chaque année de l’UdeM.
L’Association générale des étudiants et étudiantes en éducation (AGEEE) considère cette entente comme un pas dans la bonne direction. « Malheureusement, seuls les étudiants qui ont les meilleures notes auront un stage rémunéré. On demande que tous les étudiants aient droit à une compensation pour leurs stages », dit Léa Murat-Ingles, déléguée aux affaires externes à l’AGEEE.
Plusieurs étudiants doivent renoncer à un emploi à temps partiel pour faire un stage sans aucune compensation financière, rappelle-t-elle.