Se former pour devenir plus employable

Ce texte fait partie du cahier spécial Formation continue
S’il y a une population en forte demande de formation, ce sont bien les nouveaux arrivants. S’ils débarquent le plus souvent avec des diplômes d’études supérieures obtenus dans leur pays d’origine, ceux-ci ne sont pas forcément reconnus ici ou, tout simplement, les employeurs ne savent pas les évaluer. Sauf que l’offre de formation n’est pas forcément adaptée aux besoins et qu’elle ne brise pas les barrières liées à la discrimination. La solution, selon les acteurs du milieu ? Des formations plus personnalisées et de l’accompagnement.
À l’association Petites-Mains, on se concentre sur les femmes. Au départ, l’organisation n’était qu’une banque alimentaire, mais elle s’est vite rendu compte que, pour que les familles deviennent autonomes, mieux valait les aider à trouver un travail.
« Nous avions affaire à des femmes qui n’avaient souvent jamais travaillé, même dans leur pays, raconte Nahid Aboumansour, cofondatrice et directrice générale de Petites-Mains. Elles vivent un isolement et n’ont pas les outils pour accéder au marché du travail. Elles se sentent exclues. Elles ne savent pas quoi faire. »
Il y a une vingtaine d’années, l’organisation a donc réfléchi avec ces femmes à ce qu’elles pourraient mettre en oeuvre pour remédier à la situation. Elles ont également sondé le monde du travail pour définir les secteurs qui pourraient les embaucher. C’est comme cela que, de banque alimentaire, l’association est devenue une entreprise d’insertion proposant trois types de formation, en bureautique, en cuisine, mais surtout en couture industrielle.
« Nous leur proposons une formation de six mois pour devenir opératrices en couture industrielle, précise Mme Aboumansour. Nous avons signé des partenariats avec les grands industriels du secteur à Montréal. Et à la suite de leur formation, nous les plaçons. »
Une cinquantaine de femmes profitent de ce service chaque année, et le taux de placement a été l’an dernier de 88 %. L’organisation dispose d’une longue liste d’attente, mais ne peut faire plus avec les moyens qui lui sont alloués.
Différences culturelles
En plus de leur apprendre un métier, cette formation leur explique comment fonctionne le monde de l’entreprise ici, au Québec. Car les différences culturelles sont l’un des plus gros freins à l’accès au travail, mais aussi au fait de parvenir à préserver son emploi.
Le Service d’orientation et d’intégration des immigrants au travail (SOIT) oeuvre justement tout particulièrement avec ceux qui ont le plus de mal à conserver leur emploi ; soit que leurs compétences sont difficilement transférables, soit que les différences culturelles sont trop importantes.
« Dans certaines régions du monde, arriver en retard, ce n’est pas un problème, illustre Jean-Luc Gélinas, directeur général du Service. Au Québec, on arrive une fois, deux fois, trois fois en retard… et on vous montre la porte. D’autres ont de fortes réticences à être supervisés par des femmes, alors qu’ici, elles sont nombreuses à des postes de gestionnaire. Nous travaillons également tout ce qui a trait à l’entrevue. Dans certaines cultures, regarder une personne dans les yeux, ça ne se fait pas. Ici, on va trouver que la personne est fuyante ou qu’elle n’a pas assez confiance en elle. »
Si remettre ses connaissances à jour en retournant sur les bancs d’école pour aller chercher des contenus peut être une bonne solution, parfois, l’inemployabilité d’une personne passe avant tout par son comportement. Il est donc important que les formations proposées aux immigrants touchent également à cet aspect des choses.
L’association Petites-Mains a elle aussi mis sur pied une formation à destination des femmes immigrantes diplômées du collégial ou de l’université.
« On leur apprend des choses comme comment concilier le travail et la famille, note Mme Aboumansour, comment s’habiller pour une entrevue, etc. On invite des gens de divers domaines qui viennent leur parler, leur expliquer comment ça fonctionne ici. »
Mentorat
M. Gélinas rappelle que 70 % des immigrants qui arrivent au Québec ont des diplômes d’études supérieures. Cela est plus que la moyenne québécoise. Malgré cela, ils ont du mal à se trouver un travail. Un problème culturel, mais pas seulement. La discrimination à l’embauche fait aussi partie de l’équation.
« Les employeurs vont être enclins à embaucher parmi la population immigrante lorsqu’il y a une carence des compétences recherchées parmi les Québécois de souche, explique-t-il. Ça fait, par exemple, des années qu’on embauche des personnes immigrantes dans le secteur de l’informatique, parce qu’on n’en trouve pas. D’où l’importance du réseau professionnel. Lorsqu’un immigrant est présenté, recommandé, c’est tout de suite plus facile. »
Raison pour laquelle le SOIT a mis en place un service de mentorat. « Le mentor amène la personne dans son cercle, raconte Jean-Luc Gélinas. Il l’informe sur les manières de faire dans son métier, sur la culture inhérente à sa région également, il le conseille. C’est une forme de réseautage social et professionnel. »
Plus de « sur mesure »
Car souvent, cela suffit pour leur mettre le pied à l’étrier. Pascale Chanoux est coordonnatrice des volets employabilité et régionalisation de l’immigration à la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). Elle regrette que les formations proposées aux nouveaux arrivants ne soient pas assez personnalisées.
« Ces gens arrivent avec des diplômes, ils n’ont souvent besoin que de les adapter, affirme-t-elle. Nous gagnerions tous à systématiser les bilans de compétences. Ce serait intéressant à la fois pour les personnes concernées et pour les fonds publics. Au lieu de cela, tout le monde ne pense qu’à ce qui concerne la reprise d’études. Cela signifie tout simplement que le système de reconnaissance des acquis ne fonctionne pas. Nous aurions besoin de formations plus courtes. De “sur mesure”. Et pourquoi pas aussi de formations en ligne. »
Mme Chanoux souligne notamment qu’aller chercher un diplôme d’ici n’est pas la panacée, car, comme pour le reste des finissants, il existe un écart entre les connaissances ingérées durant les études et les exigences des employeurs. Et si elle applaudit l’annonce la semaine dernière de la création d’un guichet unique censé faciliter la reconnaissance des compétences des immigrants oeuvrant dans une profession régie par un ordre, elle rappelle que cela ne concerne pas plus de 20 % de la population immigrante.
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