Pensionnats en mutation

Alice Mariette Collaboration spéciale
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Ce texte fait partie du cahier spécial Écoles privées

Si les pensionnats séduisent de moins en moins les Québécois, ils attirent toutefois une nouvelle clientèle à l’international. Un engouement qui pourrait bien sauver les résidences scolaires.

Le Québec est devenu une destination populaire pour les élèves internationaux. Originaires d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Amérique centrale, ils sont près de 250 à fréquenter les écoles privées de la province, selon la Fédération des établissements d’enseignement privés (FEEP). « Nous accueillons 40 élèves étrangers sur 100 pensionnaires », détaille Jean-Marc St-Jacques, président de la FEEP et directeur général du collège Bourget à Rigaud, dont la résidence scolaire est fréquentée par des jeunes originaires de Chine, du Mexique, de Russie, d’Allemagne, d’Haïti, des Antilles françaises et de plusieurs pays d’Afrique. D’autres exemples dans la province : le collège Saint-Bernard, à Drummondville, et celui de Notre-Dame de l’Assomption, à Nicolet, qui offrent tous deux des résidences. En 2016-2017, 25 des 115 résidents de Saint-Bernard venaient de l’international et à Notre-Dame-de-l’Assomption, ils étaient 30 sur un effectif de 84.

Un système réputé

 

Pour M. St-Jacques, c’est avant tout la qualité de l’enseignement et la bonne réputation de l’éducation québécoise qui les attirent. « Je trouve le niveau scolaire bien meilleur ici, et les professeurs sont vraiment là pour t’aider », lance Emmanuel Kandassamy, élève de 4e secondaire au collège Bourget. Originaire de Saint-Martin, il entame sa deuxième année sur le sol québécois. « Au Québec, on trouve souvent que notre système d’éducation n’est pas bon. Pourtant, à travers le monde, il a une excellente réputation », pense M. St-Jacques. Pour la FEEP, cet intérêt peut aussi s’expliquer par les bons résultats obtenus aux tests internationaux PISA, que fait passer l’OCDE, notamment en mathématiques et en sciences.

Photo: iStock Le collège Bourget accueille 40 élèves étrangers sur 100 pensionnaires.

À cela s’ajoute un atout de taille : celui de la langue française. « Apprendre le français tout en étant sur le continent américain attire beaucoup, de même que le bilinguisme », développe M. St-Jacques. C’est d’ailleurs ce qui a poussé les parents de Georgii Lobko, âgé aujourd’hui de 16 ans et originaire de Russie, à inscrire leur fils au collège Bourget il y a quatre ans. Il est maintenant en 4e secondaire et s’exprime dans un français impeccable. « Je voulais étudier en français, mais aller en France était trop compliqué par rapport aux papiers d’immigration, alors je suis venu ici », explique-t-il.

Le pensionnat pour s’intégrer

Si l’intégration s’est bien passée pour Emmanuel et Georgii, ils s’entendent pour avouer que l’adaptation, elle, a été plus difficile. « Quand je suis arrivé ici, j’étais vraiment tout seul. Il fallait que je règle tous mes problèmes moi-même et je ne parlais pas très bien français non plus », raconte Georgii. Il avait alors 12 ans et confie que sa famille d’accueil, chez qui il se rend chaque fin de semaine depuis son arrivée, l’a beaucoup soutenu. « Les familles d’accueil sont d’une grande d’aide, et nous mettons les parents des élèves en relation avec elles, pour qu’ils sachent qu’une famille va s’occuper de leurs enfants les week-ends », dit M. St-Jacques. Le reste du temps, la vie en résidence leur permet d’être bien encadrés. Au collège Bourget, deux professionnels s’occupent des élèves internationaux. Un supervise et organise les groupes, l’autre reste dans l’établissement pour accompagner les élèves en tout temps. « On a aussi des animateurs pour l’école, de même qu’à la résidence », rappelle le directeur. Pour les deux élèves, la vie en résidence a plusieurs avantages. « La résidence, j’aime beaucoup ça, car je suis avec mes amis pendant la semaine, je ne suis jamais tout seul et j’ai toujours une activité à faire », dit Georgii. Même son de cloche du côté d’Emmanuel, qui apprécie particulièrement la bonne ambiance au « pensio ».

En outre, l’expérience en résidence scolaire peut faciliter l’intégration dans la société québécoise. « C’est une contribution à former des immigrants qui pourraient rester ici par la suite. On sait bien qu’on en a besoin pour maintenir tous les emplois disponibles au Québec », estime M. St-Jacques. Si certains pensionnaires ne viennent que pour une année — souvent dans l’unique but d’apprendre le français —, d’autres souhaitent poursuivre leurs études ici. « La grande majorité vient dans les résidences au secondaire pour obtenir un bon diplôme et aller au cégep et à l’université québécoise ensuite », constate le président de la FEEP, notant au passage que le système universitaire québécois est un autre facteur de séduction. « J’aimerais étudier le design et je pense que cela sera plus facile ici », explique pour sa part Emmanuel. De son côté, Georgii aimerait lui aussi rester au Québec après le secondaire, mais ne sait pas s’il en sera capable à cause du service militaire obligatoire en Russie.

Sauver les résidences

 

Les résidences scolaires attirent moins de Québécois qu’avant, et plusieurs ont d’ailleurs fermé leurs portes, faute de fréquentation. « L’essentiel des fermetures au cours des dernières années est dû au changement de mentalité, estime M. St-Jacques. Certains pensent que, si on envoie son enfant en résidence, c’est parce que l’on a un problème. » À cela s’ajoute l’image négative des pensionnats. « On parle maintenant de résidences et de moins en moins de pensionnats », précise-t-il. Selon lui, la venue d’élèves étrangers pourrait redonner une seconde chance aux résidences scolaires. « Accueillir des élèves internationaux fait partie de la stratégie de maintien des résidences, croit-il. Moi-même, sans eux, je devrais me poser des questions sur ce que je peux offrir. » Il estime même que certains collèges pourraient rouvrir leurs résidences dans un avenir plus ou moins proche.

Forte de ses partenariats avec l’étranger, la FEEP souhaite aussi ouvrir des écoles québécoises à l’étranger. Toutefois, si le ministre semble sensible à la question, la législation actuelle l’interdit.

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