La FAE revendique plus d’autonomie pour ses membres

Ce texte fait partie du cahier spécial Rentrée scolaire 2017
Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, avait créé beaucoup d’attentes chez les professeurs en lançant une consultation publique sur le système d’éducation, en septembre 2016. Or, la Politique de la réussite éducative, résultat de l’exercice, dévoilée en juin dernier, a grandement déçu la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui revendique depuis des années plus d’autonomie pour ses 32 000 membres. « La politique ne contient aucune mesure concrète à ce sujet, déplore Sylvain Mallette, président de la FAE. On nous annonce un chantier pour discuter de la question. Encore une consultation. »
En devenant ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx avait promis de remettre l’éducation au coeur des priorités du gouvernement Couillard. Or, pour les professeurs, la nouvelle politique n’est pas de bon augure au chapitre de l’autonomie professionnelle des enseignants. Au contraire. « En proposant que l’équipe école [qui comprend la direction, les professeurs, les conseillers pédagogiques, etc.] choississe les meilleures approches pédagogiques, on dilue encore plus l’autonomie des enseignants », affirme M. Mallette. La FAE a donc l’impression de ne pas avoir été écoutée par le ministre et déplore que les professeurs soient les seuls à n’avoir rien obtenu.
Quelques jours après l’annonce de la Politique, le 27 juin dernier, le ministre Proulx a rencontré la FAE pour écouter ses doléances. La Fédération en a alors profité pour répéter ses revendications qu’elle considère comme non satisfaites.
Une profession où il y a trop d’ingérence
Pour la FAE, il y a décidément trop de monde qui interfère dans le travail des professeurs. Les directions d’écoles, les parents (par l’entremise des conseils d’établissement), le ministère et les commissions scolaires. Tous ces gens ont leur mot à dire sur la façon dont est dispensé l’enseignement et les approches pédagogiques. « Il y a trop de gérants d’estrade », déplore M. Mallette.

Pourtant, les professeurs ont une obligation de résultat. « On fait des choix à notre place et, lorsque le personnel enseignant ne réussit pas à atteindre les objectifs souhaités, on nous blâme, déplore Martin Lauzon,enseignant en histoire à la Polyvalente Sainte-Thérèse. On ne donne pas les moyens pour favoriser la réussite des élèves. »
M. Lauzon trouve la tâche enseignante trop encadrée. Il donne des exemples. « Un enseignant pourrait juger nécessaire d’avoir trois périodes de récupération par semaine pour sa classe, mais cela pourrait être refusé par la direction, qui possède le dernier mot sur la question, dénonce-t-il. Il arrive aussi qu’on nous impose une formation qui ne répond pas à nos besoins lors de journées pédagogiques, alors que nous pourrions faire des choses plus utiles pour notre classe. »
L’ingérence provient aussi des conseils d’établissement, selon Sylvain Mallette. Certains des pouvoirs de ces instances nuisent à l’autonomie professionnelle du personnel enseignant, affirme-t-il, notamment au chapitre des enjeux de nature pédagogique (par exemple : projet éducatif, temps alloué à chaque matière).
Les entraves à l’autonomie
Ces ingérences dans la pratique de l’enseignement sont l’une des entraves, recensées par la FAE, à la plus grande autonomie que souhaiterait obtenir le corps professoral. Parmi les autres, mentionnons l’alourdissement de la tâche. Un exemple bien connu: on demande souvent à l’enseignant d’intégrer dans sa classe des élèves en difficulté d’apprentissage sans lui offrir des ressources supplémentaires pour mener à bien l’opération.
Comme autre entrave, il y a le non-respect du jugement professionnel. « Le professeur est le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour ses élèves au chapitre de l’enseignement, affirme M. Mallette. Pourtant, trop de gens qui ne possèdent pas la compétence interfèrent dans le programme. »
La bureaucratisation est un autre problème. Dans un document de la FAE, on mentionne à ce sujet que « l’accroissement de la bureaucratie pédagogique accapare des ressources financières au détriment du soutien direct aux élèves et aux enseignants qui en expriment le besoin ». On ajoute aussi que « les mécanismes de reddition de comptes et de la gestion axée sur les résultats détournent les commissions scolaires et les écoles de leur mission d’instruction ».
L’absence de balises claires nuit aussi au travail des enseignants. Ainsi, la Loi sur l’instruction publique ne définit pas clairement l’autonomie professionnelle des enseignants, déplore le document de la FAE. De plus, elle confond les droits individuels et collectifs de l’enseignant avec ses obligations.
Les propositions de la FAE
Pour corriger ces lacunes, la FAE a déjà fait plusieurs propositions au ministre. Parmi celles-ci, mentionnons la réduction de la bureaucratie pédagogique au sein des commissions scolaires, la reconnaissance du personnel enseignant comme premier expert de la pédagogie et la nécessité de donner au corps professoral une réelle autonomie en lui laissant choisir notamment ses modalités d’intervention, ses approches pédagogiques et son matériel didactique.
Un accent trop prononcé sur les cibles de réussite
Outre le problème de manque d’autonomie, le professeur Lauzon croit aussi que la nouvelle politique du ministre Proulx met trop l’accent sur l’atteinte de cibles de réussite scolaire. « On a haussé ces cibles sans mettre en place des moyens qui permettraient aux enseignants de les atteindre », déplore-t-il.
Un de ces moyens concerne le réinvestissement annoncé dans le secteur de l’éducation, bien inférieur aux compressions des dernières années. En mars 2017, le gouvernement Couillard annonçait une injection de 270 millions de dollars en éducation, alors que des coupes évaluées à un milliard de dollars ont été faites au cours des cinq dernières années.
Un chantier encore flou
En attendant le jour où le personnel enseignant pourra espérer une plus grande autonomie, le ministre Proulx prévoit donc un chantier. « Or, ce chantier, on ne sait toujours pas quand il sera amorcé, ni quelle sera sa composition », déplore Sylvain Mallette.
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