L’Université St-Paul lance la première École d’innovation sociale

Claude Lafleur Collaboration spéciale
Dans les années 1970, les femmes ont eu besoin de faire garder leurs enfants puisqu’elles désiraient s’intégrer au marché du travail. Elles ont donc mis sur pied des garderies populaires qui se sont transformées progressivement en CPE. « On voit là l’évolution d’une idée sortie de la communauté pour être ensuite structurée et institutionnalisée », assure Simon Tremblay-Pépin.
Photo: Annik MH De Carufel Le devoir Dans les années 1970, les femmes ont eu besoin de faire garder leurs enfants puisqu’elles désiraient s’intégrer au marché du travail. Elles ont donc mis sur pied des garderies populaires qui se sont transformées progressivement en CPE. « On voit là l’évolution d’une idée sortie de la communauté pour être ensuite structurée et institutionnalisée », assure Simon Tremblay-Pépin.

Ce texte fait partie du cahier spécial Innovation sociale

L’automne prochain, l’Université Saint-Paul, à Ottawa, inaugurera l’École d’innovation sociale, une première au Canada et peut-être en Amérique du Nord.

« Pour nous, l’innovation sociale, c’est très simple : ce sont des communautés de citoyens qui cherchent à régler un problème par leurs propres moyens — donc, sans faire appel ni au secteur privé ni à l’État —, des communautés qui s’organisent elles-mêmes », explique Simon Tremblay-Pépin, l’un des quatre professeurs de l’Université Saint-Paul qui s’activent à mettre en place la nouvelle École.

« Nous sommes en train d’élaborer les programmes et de créer notre espace de cocréation de projets d’innovation sociale », ajoute son collègue Jonathan Durand Folco.

L’innovation sociale, poursuit-il, c’est l’ensemble des interventions menées par différents acteurs afin de répondre à des besoins sociaux qui ne sont pas comblés par le marché ou par le gouvernement. « Ce sont de nouvelles façons d’aborder des enjeux et de répondre à des besoins, mais aussi d’aspirer à de nouvelles formes d’organisation ou de mode de vie », précise-t-il.

Des expériences socialement innovantes

 

M. Durand Folco rappelle que le Mouvement Desjardins est un formidable exemple d’innovation sociale, « permettant aux Canadiens français [du début du XXe siècle], qui n’avaient pas accès au crédit bancaire, de se donner les moyens de se développer économiquement ».

Pour sa part, Simon Tremblay-Pépin cite l’exemple des garderies populaires. Dans les années 1970, rappelle-t-il, les femmes ont eu besoin de faire garder leurs enfants puisqu’elles désiraient s’intégrer au marché du travail. Elles ont donc mis sur pied des garderies populaires. Puis celles-ci se sont progressivement transformées en un réseau de garderies structurées pour finalement donner lieu aux CPE. « On voit là l’évolution d’une idée sortie de la communauté pour être ensuite structurée et institutionnalisée », résume-t-il.

L'innovation sociale, c'est très simple : ce sont des communautés de citoyens qui cherchent à régler un problème par leurs propres moyens — donc, sans faire appel ni au secteur privé ni à l'État —, des communautés qui s'organisent elles-mêmes

 

Ces deux professeurs, ainsi que leurs collègues Anahi Morales-Hudon et Philippe Dufort, présenteront le projet d’École d’innovation sociale lors du 5e colloque international du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) qui se tiendra les 6 et 7 avril à l’UQAM. Ce colloque se veut une occasion de partager les expériences socialement innovantes et de favoriser une reconnaissance de l’innovation sociale comme moteur de changement.

« Nous en profiterons pour présenter notre vision de l’innovation sociale aux spécialistes réunis, rapporte M. Tremblay-Pépin, une vision qui diffère un peu d’autres visions de l’innovation sociale. Nous voulons discuter avec nos collègues professeurs et praticiens pour leur demander : pensez-vous que notre idée est bonne ? Voyez-vous des écueils dans ce qu’on projette de faire ? On veut voir les réactions de nos collègues. »

Gérer les situations « pas évidentes »

C’est ainsi que, dans le cadre de sa présentation intitulée « Trajectoires des innovations sociales : une perspective historique », Jonathan Durand Folco exposera les différentes interprétations et pratiques d’innovations sociales. « Je vais essayer de distinguer trois formes d’innovations sociales, trois façons d’aborder ce concept », résume-t-il.

« C’est un concept extrêmement large qui définit en gros toute forme d’innovation centrée sur des rapports humains, explique-t-il. Il s’agit de citoyens qui se prennent en main, mais l’innovation sociale peut aussi venir d’entrepreneurs de l’économie sociale et prendre aussi forme dans des institutions publiques et parfois même dans des entreprises privées. C’est donc un concept qui inclut beaucoup de choses… »

Les futurs étudiants de la nouvelle École apprendront donc comment s’organiser pour qu’une bonne idée d’innovation sociale devienne réalité. Y a-t-il des façons de s’organiser pour que la communauté mène à bien son projet, donne en exemple M. Tremblay-Pépin. Comment fait-on pour que ça fonctionne et pour que ça porte ses fruits ? « Ça peut avoir l’air simple, mais ce ne l’est pas ! » déclare-t-il.

L’un des gros écueils souvent rencontrés est la durée dans le temps. « Les organisations d’innovation sociale ont des caps à franchir, indique-t-il, en particulier celui des trois ans puis des cinq ans. » En plus, les organisations communautaires et démocratiques sont à risque de tomber un jour sous le joug d’un individu qui accapare des pouvoirs et cherche à tout mener à sa guise, « ce qui arrive fréquemment », souligne M. Tremblay-Pépin

Il faut par conséquent apprendre à voir venir ce type de personnalité. « Il y a des individus qui sont des poisons pour l’organisation et il ne faut pas sacrifier celle-ci à ces personnes-là, dit-il. C’est exactement le genre de choses contre lesquelles on préparera nos étudiants, des situations pas évidentes… »

De plus, l’École offrira un mélange de sciences sociales — qui confèrent une vision critique de la société — et de gestion bien concrète d’entreprise, c’est-à-dire des cours de comptabilité, de gestion de projets, de ressources humaines, etc.

L’École accueillera en outre de jeunes entrepreneurs sociaux qui désirent lancer leurs projets. Ceux-ci disposeront d’un espace de cocréation où mettre en oeuvre leur projet. « Notre but, c’est de former des gens qui vont démarrer des projets qui leur permettront d’en vivre dès leur sortie de l’école », explique Simon Tremblay-Pépin.

En outre, les diplômés de l’École pourront aussi bien travailler dans n’importe quelle organisation sociale — notamment comme coordonnateur —, que ce soit dans le monde syndical, dans le secteur communautaire, les mouvements féministes ou écologistes, etc.

« Nous sommes convaincus que nos finissants auront énormément de débouchés, indique Jonathan Durand Folco, surtout qu’on les aura dotés d’une solide vision de la société — ce qu’on ne développe pas normalement durant une formation en gestion. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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