La quantité d’évaluations freine l’apprentissage

Les enfants passent trop de temps à se préparer aux examens et pas assez à apprendre, estime le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, qui envisage de diminuer le nombre d’évaluations au primaire et au secondaire.
« [Sur la question des évaluations], je fais certains constats, a soutenu le ministre Proulx, lors des consultations publiques sur la réussite éducative qui se tenaient à Montréal vendredi. Je remarque que, pas très loin de nous, en Ontario, le taux de diplomation est plus élevé. Et on se retrouve dans la situation où ils ont beaucoup, beaucoup moins d’évaluations qu’il y en a à l’école québécoise. On a 83 évaluations au primaire et au secondaire à l’école québécoise, et ils en ont 18. Est-ce que vous êtes de mon avis — je vais déclarer ma perception — qu’on pourrait peut-être évaluer moins, évaluer mieux, au bon moment, et arrêter de se préparer à un examen plutôt qu’en situation d’apprentissage ? »
Les enseignants de Montréal, dont les syndicats s’étaient regroupés pour faire une présentation commune au ministre, se sont montrés favorables à l’idée. « Je vais être très honnête, Monsieur le Ministre, les professeurs qu’on représente, souvent, on les entend dire : “On passe notre temps à évaluer les enfants, on passe notre temps à les préparer à l’évaluation, vient un temps où on se demande quand est-ce qu’on a du temps pour enseigner” », a répondu Mélanie Hubert, présidente du Syndicat de l’enseignement de l’ouest de Montréal (SEOM), qui témoignait avec le Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île (SEPI) et l’Alliance des professeurs de Montréal, et dont les membres manifestaient devant l’hôtel Zéro 1, où se tenait la rencontre.
Cette dernière émet toutefois des mises en garde bien senties. « Évaluer moins ? Possiblement. Mais si on évalue mieux. Ça va ensemble. Parce que si l’évaluation n’est pas signifiante, ce n’est pas plus utile. Et, surtout, il faudrait que l’évaluation soit prise en compte, parce qu’en ce moment, bien qu’il y ait un seuil de réussite fixé à 60 %, il y a constamment des pressions sur cette note. Il y a continuellement des élèves qui n’atteignent pas ce seuil de réussite et qui sont promus au niveau supérieur. Et on ment aux parents ouvertement en leur disant que leur enfant réussit, alors que ce n’est pas le cas. La difficulté, pour nous, elle est là. L’évaluation doit servir de repère pour dire si ça va ou si ça ne va pas. Et si ça ne va pas, il va falloir mettre en place des choses, on ne peut pas continuer de faire semblant que ça va, parce qu’en ce moment, notre système diplôme des analphabètes fonctionnels. »
Redoublement
Le ministre a pris la balle au bond pour ramener le sujet sur la question du redoublement et sonder la position des enseignants de Montréal. « Rapidement, dans le parcours scolaire, il faudra être en mesure de faire l’évaluation des aptitudes en littératie,a soutenu le ministre. Et manifestement, on fait des examens, des évaluations, en lecture et en écriture. Mais peut-être qu’on devrait avoir, à un moment ou un autre, un constat qui se fait pour l’ensemble des élèves du Québec sur les aptitudes pour être capable de poursuivre. Et je ne me trompe pas si je dis que vous avez comme position, dans certaines occasions, de revoir le redoublement ? Ce qui n’est pas le cas actuellement pour la majorité des cas. »
La présidente du Syndicat de l’ouest de Montréal abonde dans le même sens. « Oui, il faudra repenser le système de redoublement, mais si le redoublement, à l’origine, n’était pas la solution, l’autopromotion actuelle ne l’est pas non plus. »
Inégalités sociales
La compétition entre les écoles, et plus particulièrement avec les écoles à vocation particulière, qui accentuent les inégalités au détriment des élèves issus de milieux défavorisés, comme le révélait le Conseil supérieur de l’éducation cette semaine, a également été relevée par plusieurs intervenants qui ont défilé devant le ministre vendredi. « Le problème, ce n’est pas les programmes particuliers et les projets de certaines écoles, lance Pascale Grignon, porte-parole du mouvement Je protège mon école publique. C’est le fait que les autres écoles et les autres élèves n’aient pas cette même chance. Il y a ici un réel enjeu d’accessibilité et d’équité. Ne nivelons pas vers le bas, côté stimulation. Au contraire ! Inspirons-nous de ce qui motive et plaît et offrons-le à tous les élèves, qu’ils réussissent très bien ou non, dans toutes les régions. »