Le passage au secondaire peut être ardu, même pour les plus fortunés

Sur certains aspects, le passage du primaire au secondaire semble plus périlleux pour les enfants de familles bien nanties que pour ceux issus de familles à faible revenu.
C’est du moins ce que suggèrent les données extraites de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ), menée entre 1998 et 2015 par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Cette étude a permis de recueillir des données sur 2120 enfants nés au Québec en 1997-1998 et ayant suivi un cheminement scolaire « régulier ». Ces enfants ont fait l’objet d’un suivi annuel de l’âge de cinq mois à huit ans, d’un suivi bisannuel jusqu’à l’âge de 12 ans, ainsi que de trois autres suivis subséquents au moment où ils étaient en 1re, 3e et 5e année du secondaire. Les données concernant ces enfants ont été recueillies auprès des parents de l’enfant, de ses enseignants et de l’enfant lui-même.
Adaptation psychosociale
Il est ainsi apparu que les élèves évoluant dans un milieu « socio-économique relativement plus favorisé » manifestaient davantage de comportements d’inattention et d’agressivité proactive — qui consistaient, par exemple, à menacer de frapper les autres ou à encourager les élèves à s’en prendre à d’autres — que ceux évoluant dans un ménage à faible revenu, à la fin de leur 1re secondaire par rapport à la fin de leur 6e année du primaire.
De plus, les enfants qui ne vivaient qu’avec l’un de leurs deux parents biologiques étaient plus souvent inattentifs et hyperactifs, et présentaient plus de comportements délinquants et d’opposition que ceux qui habitaient avec les deux parents biologiques. Par ailleurs, le passage du primaire au secondaire s’accompagnait d’une hausse significative des symptômes dépressifs chez les filles, lesquelles étaient également plus timides, plus anxieuses et plus émotives en moyenne que les garçons.
Rendement changeant
Les données de l’ELDEQ indiquent aussi que les moyennes en français et en mathématiques baissaient de façon significative de la 6e année à la 1re secondaire, tandis que le rendement scolaire global passait de « très bon ou bon à dans la moyenne » pour la majorité des élèves. Pour 67 % des filles, 50 % des garçons, 69 % des élèves dont la mère est diplômée universitaire et 63 % des élèves vivant avec leurs deux parents biologiques, le rendement scolaire se maintenait « au niveau très bon ou bon ».
Par ailleurs, les élèves, et particulièrement les garçons, voyaient leur sentiment de compétence en mathématiques et leur motivation dans cette matière s’amoindrir en 1re secondaire par rapport à la fin de leur primaire. De plus, cette baisse ne s’observait que chez les élèves de familles bien nanties.
Indiscipline
L’étude montre également que lors du saut au secondaire, l’indiscipline scolaire augmentait chez les filles et, en moyenne, chez tous les élèves dont la mère était relativement moins scolarisée. Au cours de la 1re secondaire, l’engagement scolaire des élèves — qui se traduisait par le fait que les élèves espéraient obtenir de bonnes notes —, qui avaient obtenu des résultats en deçà de la moyenne en lecture, en écriture et en mathématiques au primaire, augmentait, tandis que celui des élèves qui étaient classés parmi les premiers en lecture en 6e année baissait.
Les chercheurs font de plus remarquer que les enfants vivant avec leurs deux parents biologiques, tout comme ceux dont la mère est diplômée universitaire, s’adaptaient beaucoup mieux au secondaire. Ils obtenaient de meilleures notes en français et en mathématiques, ils étaient moins indisciplinés et ils faisaient preuve de meilleures attitudes d’apprentissage.
Décrochage scolaire
Parmi les enfants de l’ELDEQ, environ 12 % étaient considérés à risque de décrochage scolaire en 1re secondaire. Or, 53 % de cette population de potentiels décrocheurs sont issus d’un milieu socio-économique moyen, 39 % d’un milieu défavorisé et 8 % d’un milieu bien nanti.
Certains facteurs, comme le fait de vivre avec ses deux parents biologiques ou d’être exposé à une autre langue à la maison que celle d’enseignement, semblent aussi prévenir le décrochage scolaire.
De plus, les élèves qui fréquentent une école publique située dans un environnement socio-économique défavorisé ou moyen sont significativement plus enclins au décrochage scolaire que ceux qui étudient dans une école privée ou une école publique localisée dans un quartier favorisé.
Par ailleurs, l’étude démontre que certaines caractéristiques permettent de prédire le risque de décrochage d’un élève dès la maternelle. On encourage donc les intervenants à surveiller de plus près les élèves appartenant à une famille de faible statut socio-économique, les enfants présentant un niveau élevé d’anxiété à la maternelle, ceux dont le rendement en lecture en 1re année du primaire est moyen ou faible, ainsi que les élèves qui manifestent un faible attachement à l’école durant tout le primaire.