Des écoles non conformes obtiennent encore le feu vert

Le ministère de l’Éducation a discrètement renouvelé le financement d’une école dérogeant aux « exigences minimales » du Régime pédagogique, en dépit d’un nouvel « avis défavorable » de la Commission consultative de l’enseignement privé (CCEP).
L’école Yeshiva Gedola Merkaz Hatorah de Montréal a failli à sa promesse de se conformer aux exigences fixées par le ministère de l’Éducation — et rappelées à maintes reprises au fil des dernières années —, selon la CCEP. « [L’]établissement a apporté certaines améliorations à son organisation, mais présente des manquements récurrents », souligne-t-elle dans son rapport annuel 2014-2015.
Le « nombre d’heures total attribué aux services éducatifs » par les membres du personnel de l’école juive « ne répond pas aux exigences minimales » du Régime pédagogique, indique l’organisme consultatif, tout en jetant le doute sur la qualification de certains enseignants.
Par ailleurs, la CCEP soupçonne l’établissement d’enseignement de défier le ministère de l’Éducation en continuant d’offrir des services d’enseignement aux élèves de langue française, et ce, malgré la suspension de son autorisation en 2014.
En février 2015, la CCEP a suggéré « au ministre » de retirer le permis en plus de couper les vivres à l’école fondée il y a 75 ans par un groupe de rabbins. « [B]ien qu’elle soit sensible au sort des élèves qui fréquentent cette école, [la Commission] estime que les manquements déjà soulignés devraient maintenant être corrigés. »
Les écoles illégales qui ne veulent pas se conformer ne seront pas tolérées. La difficulté, c’est de les trouver. Parce qu’actuellement, c’est difficile de savoir où sont les écoles illégales.
Le ministère de l’Éducation a fait fi de l’avis de la CCEP. Il a donné sa bénédiction à l’école Yeshiva Gedola Merkaz Hatorah afin qu’elle poursuive ses activités. La décision a été prise par la Direction de l’enseignement privé et non le ministre, a précisé le porte-parole du ministère de l’Éducation, Bryan St-Louis.
En 2009, l’école Yeshiva Gedola Merkaz Hatorah avait promis à la ministre Michelle Courchesne d’apporter tous les « correctifs nécessaires » afin d’être conforme aux exigences gouvernementales, et ce, en moins de quatre ans.
Infractions
Quatre autres écoles avaient pris un tel engagement, dont les écoles communautaires Skver et Belz. Celles-ci poursuivent leurs activités avec l’assentiment du ministère. Toutes deux continuaient pourtant de bouder le cours Éthique et culture religieuse en 2014-2015. L’école Belz se refusait également à enseigner le programme d’éducation physique et à la santé.
L’excellente nouvelle, c’est que les enfants dans ces écoles seront des enfants qui auront exactement le même contenu pédagogique que l’ensemble des enfants québécois
Les écoles communautaires Skver ont recours de « manière générale » au matériel didactique approuvé par le ministère, note la CCEP. La Commission a cependant trouvé « étonnant » que le matériel didactique mis à la disposition des élèves « ne semblait pas avoir été utilisé » au printemps 2015.
Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont respectivement appelé le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx à « arrêter de se traîner les pieds » et à « mettre son poing sur la table » afin que toutes les écoles québécoises respectent à la lettre la législation en vigueur. « Tous les enfants québécois devraient avoir accès à une éducation qui respecte le régime pédagogique du Québec », a affirmé le député péquiste Alexandre Cloutier. « On ne peut pas laisser des jeunes, peu importe leur nationalité, religion ou culture, ne pas se voir enseigner le cursus scolaire officiel du Québec », a poursuivi le député caquiste Jean-François Roberge.
Académie Beth Esther
Le ministère de l’Éducation a refusé de délivrer un permis d’enseignement primaire et secondaire à l’Académie Beth Esther. L’organisme à but non lucratif (OBNL) offre des services éducatifs depuis 60 ans, dont 55 ans sans permis. Il a détenu un permis seulement cinq ans, entre 2007 et 2012. L’Académie « sans permis » accueillerait bon an mal an environ 300 enfants.
Il y a maintenant 30 ans que tous les gouvernements subventionnent ces écoles, ces écoles qui sont d’abord et avant tout profondément religieuses
Lors de la visite de la CCEP, l’établissement ne disposait toujours pas de laboratoire de sciences ni de gymnase ni de bibliothèque convenables. Qui plus est, à peine 2 des 24 membres du corps enseignant de l’OBNL possédaient la « qualification légale pour enseigner ».
École illégale ? Le ministère ne répertorie à l’heure actuelle « aucune école illégale » sur le territoire québécois. « S’il y avait des écoles illégales, on s’en occuperait en ce moment », a soutenu M. St-Louis. Le député caquiste Jean-François Roberge ose croire que « les jeunes qui fréquentent [ce type d’]établissement sont [aussi] scolarisés dans le système régulier ». Il demande au ministre de s’en « assurer ».