La CSDM échoue à son propre test

Photo: Annik MH De Carufel Le Devoir

Constat d’échec à la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Le plus important réseau d’écoles du Québec a raté la quasi-totalité des cibles qu’il s’était fixées, il y a cinq ans, afin d’améliorer les résultats scolaires de ses élèves et de lutter contre le décrochage, a constaté Le Devoir.

Créé en 2009, le plan Réussir se voulait « vaste et ambitieux ». Peut-être un peu trop, même. Ce plan chiffré comportait 32 cibles claires à atteindre d’ici 2015. Présentés mercredi soir à la communauté scolaire, les résultats sont sans appel : des 32 objectifs fixés, seulement 3 ont été atteints par la CSDM.

Cinq autres indicateurs ont carrément été abandonnés en cours de route, soit parce qu’ils semblaient inaccessibles, soit parce que leur suivi nécessitait trop de ressources pour les résultats escomptés.

Les élus et les administrateurs scolaires se félicitaient pourtant, mercredi soir au conseil des commissaires, de l’amélioration substantielle des résultats des élèves de la CSDM. Ils ont toutefois omis de mentionner leur propre taux de succès relativement aux objectifs du plan Réussir, qui frôle les 10 %. Les documents rendus publics mercredi se gardaient bien de mentionner dans quelle proportion on avait atteint les visées du plan.

Problèmes en lecture et en écriture

 

En lecture et en écriture, particulièrement, la situation est préoccupante. Sur 18 indicateurs, 1 seul a été atteint. Les taux de réussite en écriture en 4e secondaire ont ainsi dépassé de 1,3 % la cible de 75 %. À l’inverse, les élèves de 1re et de 3e secondaire, dont l’objectif de réussite était de 80 %, ont plutôt obtenu un taux de succès de 73 %.

On est également loin du compte pour l’épreuve unique d’écriture, administrée à l’ensemble des élèves de la province. Tandis que la CSDM espérait obtenir un taux de réussite de 80 % en 2015, elle a dû se contenter d’un maigre 68,9 %, l’an dernier.

La présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, nuance toutefois l’importance de ces objectifs. Les résultats obtenus sont souvent « très près » des cibles, « parfois à quelques centièmes près ».

« Au départ, lorsque nous avons présenté nos objectifs au gouvernement du Québec, ils voulaient qu’on les retravaille à la baisse. Et on a refusé, parce qu’on voulait vraiment tirer notre réseau vers le haut. Sommes-nous étonnés ? Non. On ne voulait pas se donner des cibles trop faciles à atteindre », dit-elle.

En entrevue plus tôt dans la journée, un porte-parole de la CSDM, Alain Perron, a également tenté de minimiser l’impact des cibles du plan Réussir. « Les cibles, ce n’est pas un but qu’on s’est fixé. C’était un horizon. Il n’y avait pas d’obligation à atteindre la cible. […] L’essentiel, ce n’est pas qu’on l’atteigne, c’est qu’on note une progression. »

 

Des améliorations malgré les compressions

Après cinq années de mise en oeuvre, le plan Réussir a mené à plusieurs améliorations, dont l’augmentation du taux de réussite en lecture au 1er cycle, de la moyenne en lecture aux 1er, 2e et 3e cycles, de la moyenne en écriture au 3e cycle, les progrès en français des garçons au 3e cycle et des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) au 3e cycle, rappelle la CSDM.

Les taux de diplomation sont également les plus élevés jamais enregistrés. Après 5 ans, le taux de 50,7 % dépasse la cible de 0,7 point. Après 6 ans, le taux de 62,2 % dépasse la cible fixée à 60. Après 7 ans, même si le taux de 66,6 % n’atteint pas la cible établie à 70, on note une constante amélioration depuis 2003-2004.

La présidente de l’Alliance des professeurs de Montréal, Catherine Renaud, présente lors du conseil des commissaires de mercredi, s’est montrée étonnée par l’écart entre le ton congratulatoire employé mercredi soir et le bilan réel du plan Réussir. Elle croit par ailleurs que les résultats moins élevés qu’espéré s’expliquent par les transformations subies par les écoles de la métropole au cours des dernières années en raison des compressions budgétaires. « On doit tenir compte du contexte d’enseignement présentement, dit-elle. La CSDM a subi compression après compression après compression. Elle est sous-financée, notamment pour les élèves en difficulté. On nous enlève les moyens pour atteindre ces cibles. »

Le cabinet du ministre de l’Éducation n’a pas voulu commenter les résultats obtenus par la CSDM dans le cadre de cet exercice, rappelant que ces cibles lui appartiennent.

Fixer la barre haut

 

Le gouvernement du Québec a établi en 2009 un objectif de hausser le taux de diplomation ou de qualification à 80 % chez les élèves de moins de 20 ans d’ici 2020. « Ce taux progresse généralement bien. Il s’établit actuellement à 77,7 % dans l’ensemble du Québec. Nous nous attendons à ce que la CSDM poursuive ses efforts et contribue à l’atteinte de cet objectif », a toutefois précisé Julie White, attachée de presse de François Blais.

Malgré ces résultats irréfutables, la CSDM projette de lancer un nouvel ensemble d’indicateurs, cette fois pour la période s’échelonnant de 2016 à 2020. « C’est sûr qu’on va continuer. J’ai tendance, avec mes propres enfants, à leur dire d’aller le plus loin possible. Si je leur donne un objectif facile à atteindre, il n’y a pas autant de satisfaction à la fin. On va poursuivre notre travail », dit Mme Harel Bourdon.

L'essentiel, ce n'est pas qu'on l'atteigne, c'est qu'on note une progression



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