La CREPUQ pourrait renaître

Constat d’échec au Bureau de coopération interuniversitaire (BCI). Deux ans après avoir fait la peau à la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CREPUQ), les chefs d’établissements seraient sur le point de ressusciter l’organisme, autrefois chargé de faire pression et de parler publiquement en leur nom, a appris Le Devoir.
La CREPUQ a regroupé pendant près de 50 ans tous les établissements universitaires québécois avant d’imploser à la fin de l’année 2013, plusieurs universités, dont Laval et l'Université de Montréal, ayant claqué la porte à la suite de désaccords, au sujet de la modulation des frais de scolarité souhaitée par certains établissements, notamment.
Des guerres intestines minaient alors l’organisme, et ce, depuis le printemps érable. Après avoir songé à carrément mettre fin à leur collaboration, les recteurs s’étaient finalement entendus pour maintenir certaines activités communes — services partagés, échanges étudiants, gestion d’ententes avec le gouvernement — en créant un nouvel organisme, le BCI, mais en lui interdisant toute activité de relations publiques ou de lobbying.
Or, deux ans plus tard, alors que Québec multiplie les vagues de compressions budgétaires imposées aux universités, un constat s’impose : cette décision a affaibli considérablement le pouvoir de négociation des universités. À un point tel que les recteurs sont actuellement en pourparlers pour dissoudre une fois de plus l’organisme qui les regroupe et repartir à neuf, a appris Le Devoir.
Les recteurs ont tenu une rencontre d’urgence, il y a deux semaines, au sujet du BCI. « Le BCI, c’est la foire d’empoigne, actuellement », indique une source au fait du dossier, évoquant un « inconfort » lié, entre autres, aux façons de faire du président actuel du BCI, le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton. « Ça ne fonctionne pas. Son leadership est critiqué. Les universités McGill et Bishop’s, notamment, veulent un porte-parole prestigieux pour s’exprimer au nom de tous les établissements, ce qui est interdit au BCI, qui se veut purement administratif », explique cette source, sous le couvert de l’anonymat.
Façons de faire à revoir
Rectrice de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Johanne Jean reconnaît sans ambages la nécessité de revoir les façons de faire. « Est-ce qu’on se porte mieux depuis la disparition de la CREPUQ ? Non, c’est assez évident. Même si on a de la difficulté, comme bien des organisations, à prendre position commune, il est important que la voix des universités québécoises soit bel et bien entendue. »
« Malgré nos divergences, on a quand même avantage, comme universités, à avoir des points de vue et à les partager, ajoute-t-elle. Actuellement, le BCI, dans sa structure actuelle, ne nous rend pas service. Pas du tout. »
L’état actuel des choses représente une « perte » pour la société québécoise, dit-elle. Rares sont les secteurs d’activité à être dépourvus d’un organisme de lobbyisme : la Fédération des commissions scolaires parle par exemple au nom de ses membres. Idem pour la Fédération des cégeps et ses maisons d’enseignement. Au niveau fédéral, Universités Canada prend la parole au nom des établissements, alors qu’au palier provincial, dix-neuf voix tentent de se faire entendre auprès du gouvernement, avec des messages souvent contradictoires.
Les révélations des dernières semaines voulant que Québec songe à abolir ou à couper les vivres au siège social du réseau de l’Université du Québec, voire à dissoudre la Télé-Université (TÉLUQ) sont venues accentuer la nécessité de discussions sur l’avenir de l’organisme regroupant les établissements universitaires.
Une voix pour dix-huit réalités
Guy Breton reconnaît d’emblée l’existence de ces pourparlers. Mais on est loin de la coupe aux lèvres, assure du même souffle le recteur de l’Université de Montréal, rappelant la très grande diversité des maisons d’enseignement québécoises. L’UdeM compterait environ 65 000 étudiants. L’Université Bishop’s, 3000. Certaines universités sont à charte, d’autres font partie du réseau de l’Université du Québec. Certaines sont francophones, d’autres, anglophones, illustre-t-il.
Il se montre nettement moins enthousiaste que Mme Jean en ce qui a trait à la transformation du BCI. « Je ne pense pas que d’avoir un haut-parleur unique soit la bonne solution. Et on ne retournera pas à ce que me coûtait la CREPUQ pour des services qui étaient discutables. […] Comme porte-parole, la CREPUQ finissait toujours par ne pas dire grand-chose tellement ses membres sont différents. Ça ne voulait rien dire. »
« D’avoir une personne, un porte-parole qui donnait des messages ralliant dix-huit réalités, ça n’avait aucune valeur ajoutée », dit-il en référence à l’ex-p.-d.g. de la CREPUQ, Daniel Zizian.
Celui-ci n’a pas donné suite aux demandes d’entrevue du quotidien de la rue de Bleury, tout comme les recteurs des universités Laval et McGill.