Payés pour «se tourner les pouces»

Depuis des semaines, ils sont là, à attendre. Cinquante conseillers pédagogiques retirés des écoles au printemps par la Commission scolaire de Montréal (CSDM), dans la foulée des compressions budgétaires, qui attendent toujours, des mois plus tard, de savoir ce qu’on fera d’eux. À « se tourner les pouces » ou presque, a appris Le Devoir.
Alors que la frénésie de la rentrée scolaire bat son plein dans les écoles de la plus importante commission scolaire du Québec, les professionnels chargés d’appuyer les enseignants dans leurs démarches pédagogiques attendent patiemment qu’on leur révèle leur sort. Rapatriés au siège social de la commission scolaire depuis la mi-août, ils entrent au boulot du lundi au vendredi, font leurs heures, sans véritablement avoir de travail.
« On est une cinquantaine de personnes à attendre. On fait des lectures, on se documente, mais on n’est pas sur le terrain et on ne sait pas ce que la direction va vouloir faire de nous », a indiqué l’une d’elles, sous le couvert de l’anonymat, excédée par ce « flottement » qui s’éternise.
Chaque école comptait, jusqu’en juin, sur l’appui de ces spécialistes de l’éducation, dont le travail consiste à fournir outils et conseils aux enseignants du primaire et du secondaire en ce qui a trait aux différentes méthodes d’enseignement. À raison de deux jours par semaine, ils accompagnaient les profs dans la transmission du programme.
Or, la CSDM a annoncé à la fin de l’année scolaire qu’elle reverrait son « modèle de conseillance pédagogique », dans le cadre de la réorganisation de plusieurs de ses services. De nombreux mois plus tard, le travail n’est toujours pas effectué. « La CSDM a été obligée de couper à la va-vite, on a réorganisé le service sur papier, sans s’asseoir avec les conseillers pédagogiques et se demander quelles seraient leurs définitions de tâches, ce qu’ils vont faire, quelles écoles pourront les contacter et comment », expose un membre de cette équipe.
Plusieurs jours, voire des semaines pourraient encore s’écouler avant que chaque employé sache exactement ce qu’il sera appelé à faire, a confirmé jeudi le président du Syndicat des professionnelles et professionnels du milieu de l’éducation de Montréal (SPPMEM), Michel Mayrand.
La CSDM soutient quant à elle qu’elle est à finaliser les derniers détails de son « modèle de conseillance ». « Dire qu’ils ne font rien, c’est une lecture trop simple. Il y a un travail d’élaboration du nouveau modèle qui doit être fait », a soutenu le directeur général adjoint à la gestion des services éducatifs et de l’organisation scolaire, Maurice Lachance.
De nombreuses rencontres ont été tenues au cours des derniers jours pour préciser le travail de certains, a-t-il précisé.
La nouvelle formule privilégiée par la CSDM permettra des actions plus intensives et plus ciblées dans les écoles, selon lui. Les maisons d’enseignement ayant les plus grands besoins pourraient par exemple compter sur la présence d’une équipe complète de conseillers pendant quelques jours ou quelques semaines afin de développer des stratégies concrètes permettant d’améliorer les résultats des élèves en littératie ou en mathématique, par exemple.
« C’est sûr que ce n’est pas un modèle qui est facile à changer. » « Ce sera plus équitable » pour les établissements où les besoins se font le plus sentir, ajoute-t-il.
Présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, Hélène Bourdages déplore pour sa part que les directions d’école soient exclues de la présente discussion sur la réorganisation du travail des conseillers pédagogiques. Alors que la réforme de la gouvernance scolaire pilotée par le ministre de l’Éducation François Blais doit consacrer la décentralisation, vers l’école, des services et de la prise de décision, elle juge étrange que celles-ci n’aient pas été impliquées dans la discussion. « Ça aurait juste du sens qu’on puisse dire comment on souhaite que ça se passe », dit-elle, ajoutant être « inquiète » des répercussions des compressions.
Ces 50 employés ne sont pas les seuls à ignorer précisément ce qui est attendu d’eux. À la suite de la suppression de nombreux postes de professionnels au cours des derniers mois, une quinzaine d’employés permanents dont le poste a été aboli se sont eux aussi retrouvés « en flottement ». Si certains d’entre eux ont trouvé un emploi dans une autre commission scolaire ou sont retournés à l’enseignement, d’autres se retrouvent dans une situation plus incertaine, explique M. Mayrand, qui doit rencontrer la haute direction de la CSDM vendredi pour faire le bilan de la situation. « Ça a assez duré. Le milieu de l’éducation ne peut pas se permettre d’avoir du personnel rémunéré qui est là et qui ne rend pas de services à l’organisation et par conséquent aux élèves », dit-il.