L’UQAM expulse neuf étudiants «militants»

La direction de l’UQAM a refusé de faire quelque commentaire que ce soit sur cette controverse.
Photo: Michaël Monnier Le Devoir La direction de l’UQAM a refusé de faire quelque commentaire que ce soit sur cette controverse.

Dans un geste sans précédent, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a entrepris les démarches pour expulser neuf étudiants ayant pris part à des manifestations ou à des grèves au cours des deux dernières années.

Ces étudiants, dont au moins une siège au conseil d’administration de l’établissement, risquent l’expulsion pour avoir commis « du vandalisme et des actes illégaux » lors d’activités de perturbation à l’université, fait valoir la direction de l’UQAM. Six de ces étudiants font face à une suspension d’une année. Les trois autres, dont Justine Boulanger qui siège au conseil d’administration et au comité exécutif de l’UQAM, risquent l’expulsion définitive de l’établissement.

Les associations étudiantes considèrent ces manoeuvres comme des tentatives d’intimidation, au moment où 60 000 étudiants d’un peu partout au Québec déclenchent des mouvements de grève pour protester contre le gouvernement Couillard. La tension est à son comble à l’UQAM, réputée pour le militantisme de ses étudiants.

Les neuf étudiants ont été avisés vendredi dernier — à quelques heures d’une grève étudiante — qu’ils devraient comparaître dans les jours suivants devant le comité exécutif de l’université, qui cherche à les expulser. Le comité exécutif les a convoqués les 27 et 30 mars, ainsi que les 1er et 2 avril. Une pétition lancée lundi par un groupe d’étudiants de l’UQAM vise à mobiliser professeurs et étudiants contre cette offensive qualifiée « d’antidémocratique ».

« C’est la première fois que l’Université émet des avis de sanctions disciplinaires pour des activités politiques. Nous demandons à ce que ces rencontres-là [entre le comité exécutif de l’UQAM et les étudiants] n’aient pas lieu », a indiqué au Devoir Justine Boulanger, menacée d’expulsion définitive de l’UQAM.

Ironie du sort, elle siège elle-même au comité exécutif qui doit entendre les étudiants jugés trop « militants », et les sanctionner. Les neuf étudiants ciblés par l’UQAM se sont rencontrés lundi soir et ont convenu de mobiliser la communauté universitaire contre ces sanctions, les plus sévères que l’établissement puisse imposer.

« La conjoncture actuelle porte à croire que ces convocations sont purement politiques et minutieusement calculées. Peu importe nos allégeances politiques ou nos sentiments quant à la grève naissante, nous devons impérativement nous rassembler pour défendre notre liberté d’expression et notre liberté académique », indique la pétition diffusée en ligne lundi.

« L’administration profite de façon tout à fait ouverte de la situation pour retirer un maximum de représentant-e-s étudiant-e-s des instances décisionnelles, des représentant-e-s pourtant dûment élu-e-s par l’ensemble des étudiant-e-s. Il s’agit d’une purge antidémocratique tout à fait inacceptable, qui touche l’ensemble de la communauté de l’Université : qui sait jusqu’où ira l’UQAM dans l’avenir pour retirer nos voix de ses instances et empêcher l’action politique au sein de la communauté, si ces premières expulsions ont lieu ? »

Manifestations et perturbations

 

Selon les étudiants, l’Université affirme que les faits reprochés aux manifestants sont survenus lors des événements suivants :

manifestation à l’UQAM contre la vidéosurveillance le 30 janvier 2013 ;

levée de cours lors des journées de grève les 2 et 3 avril 2014, et le 8 octobre 2014 ;

manifestation organisée par le syndicat des étudiants et employés (SETUE) le 2 avril 2014 ;

dérangement de la conférence de Frank Des Rosiers, sous-ministre adjoint au gouvernement fédéral, le 20 janvier 2015.

La direction de l’UQAM a refusé de faire quelque commentaire que ce soit sur cette controverse, en plaidant que les renseignements personnels des étudiants sont confidentiels. Jenny Desrochers, porte-parole de l’UQAM, a dit ignorer si des accusations criminelles ont été déposées ou sont sur le point de l’être contre les étudiants visés.

Faire taire la dissidence

 

Selon les étudiants, l’Université tente par tous les moyens de faire taire la dissidence au sein de l’établissement. Les neuf convocations au comité exécutif sont arrivées toutes en même temps, vendredi dernier, même si les événements sont survenus à plusieurs mois d’intervalle. De plus, les étudiants visés ne posent aucune menace à la communauté universitaire, souligne la pétition.

L’expulsion de l’université, définitive ou pour une année, aurait des conséquences désastreuses pour les étudiants visés, note la pétition. « […] les étudiant-e-s concerné-e-s ont continué leurs études avec acharnement, y investissant des centaines d’heures et des milliers de dollars, pour voir aujourd’hui leurs efforts réduits à néant, certain-e-s à quelques semaines de l’obtention de leur diplôme, d’autres de leur entrée à la maîtrise », indique le document.

« En plus de potentiellement mettre à mal les études de plusieurs étudiant-e-s motivé-e-s, en empêchant l’obtention de leur diplôme ou leur accession aux cycles supérieurs, en plus de faire perdre leur emploi à d’autres étudiant-e-s présentement employé-e-s à l’UQAM, cette attaque concertée de l’administration de l’UQAM remet en question le droit de l’ensemble de la communauté universitaire, autant professeur-e-s qu’employé-e-s, autant étudiant-e-s que chargé-e-s de cours, de se faire entendre au sein de l’Université. »

C’est la première fois que l’Université donne des avis de sanctions disciplinaires pour des activités politiques. Nous demandons à ce que ces rencontres-là [entre le comité exécutif de l’UQAM et les étudiants] n’aient pas lieu.



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