Obtenir un premier succès scolaire et y prendre goût

Ce texte fait partie du cahier spécial Éducation - Troubles d'apprentissage
Écouter en classe, étudier, faire ses devoirs et s’appliquer pour les examens nécessite des efforts pour tous les jeunes, mais, pour ceux qui sont atteints d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), l’énergie à investir pour réussir doit être décuplée. Mais certains y arrivent et prennent goût au succès.
Le passage de Julie Bouliane à l’école primaire a été difficile. Le secondaire a été encore pire, avec des notes toujours près de la limite de passage, une violente crise d’adolescence et une dépression sévère en 4e secondaire. Si ses parents l’avaient laissée décrocher à 16 ans, elle l’aurait fait. Mais, au cégep, elle a eu une illumination : elle aimait l’école ! Pour la première fois de sa vie et non la dernière. Aujourd’hui, âgée de 25 ans, Julie Bouliane est étudiante à la maîtrise en ressources humaines à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Elle envisage le doctorat.
Que s’est-il passé au cégep pour vivre un tel revirement de situation ? D’abord, Julie Bouliane avait accès à peu de programmes en raison de son dossier scolaire. Mais, coup de chance, elle adorait la musique et jouait du piano. Puis, ses parents étaient en mesure de lui offrir un soutien financier. Elle s’est donc tournée vers le cégep privé Vincent-d’Indy spécialisé en musique.
« C’est un petit collège où on était environ 20 étudiants par classe, et j’avais besoin d’un encadrement, raconte-t-elle. J’avais les mêmes professeurs tout au long de mon parcours et celle chargée de la mise à niveau en français, Muriel Buisson, a vraiment travaillé fort avec moi : elle déconstruisait les règles de grammaire pour me les faire comprendre, elle m’a montré le français de manière ultrasystématique et je me suis vraiment améliorée. »
Autre coup de chance, elle s’est fait une amie, Vanessa, qui l’a pratiquement forcée à lire.
« J’ai lu Le goût du bonheur, de Marie Laberge, et ça m’a fait aimer la lecture, confie-t-elle, émue. Je lis plus lentement que les autres et ça m’oblige à faire des efforts, mais la lecture m’a beaucoup aidée dans mon français écrit. »
Avec des bases plus solides en lecture et en écriture, les études deviennent soudainement plus accessibles pour Julie.
Elle a ensuite obtenu un autre diplôme d’études collégiales pour faire augmenter sa moyenne en vue d’entrer à l’université en communications et politique. Le résultat de son premier travail universitaire : A + !
Surprise et efforts
Lorsque Julie raconte son parcours, on voit de vives émotions traverser les yeux de sa maman, Monique Brodeur. Elle est orthopédagogue de formation et doyenne de la Faculté d’éducation de l’UQAM. Lorsqu’elle a commencé ses études en orthopédagogie, elle était loin de se douter qu’elle aurait un jour une enfant ayant des difficultés d’apprentissage.
« Son père et moi avons fait des études universitaires, nous avons grandi dans des milieux où l’éducation était très importante et où il y avait beaucoup de livres, raconte-t-elle. Nous pensions qu’elle allait réussir à l’école comme nous, mais, très rapidement, nous avons vu qu’elle était différente. »
Déjà, en 2e année, il devenait évident que Julie avait de la difficulté en lecture. Puis, elle a eu un premier échec en mathématiques à une étape, en 4e année. Tout de suite, elle a commencé des séances d’orthopédagogie privées.
Puis, à 11 ans, Julie Bouliane a rencontré un neurologue. Le diagnostic : trouble déficitaire de l’attention. Elle a commencé à prendre du Ritalin.
Au secondaire, toutefois, alors qu’elle était dans une école où les élèves étaient généralement très performants, Julie a décidé d’arrêter la médication, par crainte d’être la cible de moqueries. Chaque année, elle subissait une série d’échecs dans les premières étapes, puis, grâce à d’énormes efforts, elle réalisait une grande remontée à la dernière étape pour réussir ses matières de justesse.
« J’étais écrasée par la honte, et c’était très frustrant d’être confrontée à l’incompréhension de mes amis qui me disaient que c’était facile, affirme Julie Bouliane. Les examens me rendaient malade. Je travaillais trois ou quatre heures de plus que les autres chaque semaine, avec mes cours privés en mathématiques et en français donnés par des orthopédagogues. Je n’avais plus beaucoup de temps libre et l’école était devenue un écoeurement. »
Ses parents avaient eux aussi des moments de découragement.
« Nous vivions une grande inquiétude, parce que nous savions à quel point la réussite scolaire est importante pour se débrouiller dans la vie, indique Monique Brodeur. Nous regardions les différents programmes de formation et nous voyions toujours les portes se fermer. Nous avions l’impression qu’il n’y avait pas d’issue. »
Des améliorations sur le terrain
Julie et ses parents ont traversé toutes sortes d’épreuves et investi énormément d’énergie pour que Julie réussisse à l’école. Ils sont conscients qu’ils étaient privilégiés par la formation d’orthopédagogue et les contacts de Monique Brodeur, puis par leur situation financière.
Mais Mme Brodeur, aujourd’hui chercheuse en adaptation scolaire, précise que la recherche des dernières années a permis des améliorations importantes sur le terrain, notamment en ce qui concerne la formation des enseignants, afin qu’ils puissent mieux aider les personnes atteintes d’un TDAH.
Julie remarque aussi que les services offerts à l’université pour soutenir les gens ayant un trouble d’apprentissage sont vraiment utiles. Alors qu’elle a très bien réussi son baccalauréat sans aide ni médication, elle a décidé d’aller chercher tout le soutien possible lorsqu’elle a dû faire une propédeutique pour être acceptée à la maîtrise en ressources humaines, même si elle n’avait pas étudié ce domaine au premier cycle. Elle appréhendait particulièrement un cours de comptabilité.
« J’ai droit à une heure de plus pour terminer mes examens, que je peux faire dans un petit local fermé, raconte-t-elle. Je suis aussi retournée voir le médecin pour recommencer une médication. Tout ça m’aide vraiment beaucoup. »
Maintenant, elle hésite entre le travail sur le terrain après sa maîtrise, pour aider les personnes atteintes d’un TDAH à s’intégrer dans les milieux de travail, et la poursuite de ses études au doctorat pour devenir professeure d’université.
« Je pourrais enseigner à d’autres ce qu’il m’a été si difficile d’apprendre ; ce serait comme un retour du balancier », dit-elle, encore étonnée de voir que différentes portes sont ouvertes maintenant pour elle et que, finalement, elle peut faire un choix.
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