L’apport des technologies de l’information

Etienne Plamondon Emond Collaboration spéciale
Depuis une dizaine d’années, une grande évolution s’est produite dans l’univers des logiciels spécialisés pour les élèves aux prises avec des obstacles neurologiques ou avec des surcharges cognitives dans un contexte d’apprentissage.
Photo: Jon Austria Associated Press Depuis une dizaine d’années, une grande évolution s’est produite dans l’univers des logiciels spécialisés pour les élèves aux prises avec des obstacles neurologiques ou avec des surcharges cognitives dans un contexte d’apprentissage.

Ce texte fait partie du cahier spécial Éducation - Troubles d'apprentissage

Sans être une panacée, les technologies de l’information et des communications (TIC) transforment le parcours scolaire des élèves ayant un trouble d’apprentissage. Si ces technologies ont pris un véritable essor dans les écoles au cours des dernières années, l’accompagnement entourant leur utilisation s’avère fondamental.

Jean Chouinard, conseiller pédagogique à la Commission scolaire de Montréal (CSDM) et personne-ressource du RÉCIT en adaptation scolaire, n’aime pas utiliser le mot « béquille » pour décrire les aides technologiques fournies aux élèves ayant un trouble d’apprentissage. Il lui préfère le terme d’« orthèse pédagogique ». Il compare ainsi ces outils informatiques à une paire de lunettes. « Ce n’est pas que je suis un moins bon lecteur : mes yeux font en sorte que je ne suis plus capable de lire un texte. Les aides technologiques vont servir de la même façon pour compenser une difficulté à décoder un texte », explique-t-il.

Depuis une dizaine d’années, une grande évolution s’est produite dans l’univers des logiciels spécialisés pour les élèves aux prises avec des obstacles neurologiques ou avec des surcharges cognitives dans un contexte d’apprentissage. Lorsque les interventions humaines ne suffisent plus, que l’élève n’arrive pas à développer ses propres stratégies pour atteindre des objectifs et qu’il est sur le point de prendre du retard dans son cheminement, des programmes informatiques sont appelés en renfort.

Il s’agit souvent d’aides technologiques à la rédaction, à la révision-correction ou à la lecture. Par exemple, des idéateurs permettent de structurer des textes ou des exposés oraux grâce à des graphiques. Des prédicteurs orthographiques ou à correspondance phonologique proposent des choix pour trouver plus facilement la bonne orthographe d’un mot. Des logiciels de synthèse vocale produisent une lecture auditive afin de mieux faire comprendre un texte ou de réviser un mot rédigé.

En 2008, une directive de la Direction de la sanction des études a autorisé les élèves ayant un trouble d’apprentissage à utiliser les aides technologiques en contexte d’évaluation. Mais ces logiciels, rappelle M. Chouinard, ne doivent pas faire la tâche à la place de l’élève, mais plutôt le soutenir dans son exécution. L’outil alerte, questionne ou incite à la réflexion.

« Certains croient que c’est un avantage que les autres n’ont pas. Ce n’est pas vrai, affirme M. Chouinard. Si un bon lecteur utilise un outil de synthèse vocale, ça va l’amuser pendant les cinq premières minutes. Mais, après, cela va le déranger ou lui nuire. »

Marc Tremblay, conseiller en service adapté au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu, réalise en ce moment une recherche exploratoire avec un nombre restreint d’adultes ayant un trouble d’apprentissage. Il souhaite ainsi observer l’effet des aides technologiques. Jusqu’à maintenant, l’un de ses constats les plus étonnants concerne le traitement de texte. « Seulement de faire le passage de l’écriture à la main à l’écriture sur l’ordinateur, il y a un effet très positif, note-t-il. On pense souvent à des logiciels très complexes, mais le seul fait d’écrire avec un ordinateur, ça les amène à travailler des stratégies de correction ou d’écriture très différentes. » En revanche, d’autres logiciels, comme le dictionnaire électronique ou la synthèse vocale, peuvent aider certaines personnes, mais avoir un effet négatif sur d’autres. « Auprès d’un étudiant ayant un trouble d’apprentissage, on a encore souvent tendance à donner l’ensemble complet, mais il se peut qu’une de ses fonctions ait un effet négatif sur lui », prévient-il.

L’importance de l’encadrement

Les retombées positives ne sont pas seulement dues à la technologie. « Sans accompagnement pédagogique, il y a peu ou pas de résultats », assure M. Tremblay. Même constat pour les plus jeunes. « Il faut des intervenants qui montrent à l’élève comment s’en servir de façon technique et pédagogique, pour s’assurer qu’il s’approprie bien les outils et maîtrise leurs possibilités », dit Jean Chouinard. En 2007, celui-ci avait cosigné une enquête dans la Revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie, dans laquelle il constatait que l’utilisation des TIC par les orthopédagogues était peu soutenue ou peu généralisée. « Aujourd’hui, je pense qu’on a atteint une masse critique d’orthopédagogues qui maîtrisent les TIC, mais ce n’est pas encore assez. »

Dans un contexte d’enseignement, Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les TIC en éducation, observe que les nouvelles technologies permettent à un élève de travailler d’une manière individuelle. « Ce qui semble difficile pour les jeunes, c’est d’exposer leur faiblesse devant toute la classe. Les technologies permettent parfois de s’exercer, tout en étant évalué, sans être jugé publiquement. L’élève fait des exercices et, s’il se trompe, c’est son logiciel ou son application qui lui demande de se reprendre. » Par contre, s’il juge que « les technologies peuvent donner une rétroaction plus fréquente que le meilleur des enseignants sur Terre », M. Karsenti considère aussi que le rôle de l’accompagnateur est central. « La technologie permet à l’élève d’être plus autonome. Le danger avec cette perception, c’est qu’on s’imagine qu’il va apprendre tout seul. Il lui faut tout de même un cadre. Il n’aura pas besoin d’une intervention toutes les deux minutes, mais il en aura besoin d’une façon régulière. »

À ses yeux, il faut aussi prendre en considération le rôle crucial des parents. « Ce qui m’embête avec les logiciels très spécialisés que certains orthopédagogues défendent, c’est qu’on ne se pose pas la question de savoir si le logiciel est disponible à la maison, commente-t-il. Quand c’est une famille bien nantie, elle aura les moyens d’acheter un logiciel à 300 $. Mais pour les autres familles ? Je prône l’usage de logiciels ou de technologies qu’on va retrouver aussi dans les foyers à revenu défavorisé. Selon moi, ce sera beaucoup plus important que l’intervention de l’intervenant à l’école. »

Or la tablette et l’infonuagique tendent aujourd’hui à rendre accessibles, parfois gratuitement ou à faible coût, certaines fonctions. « Auparavant, la prédiction de mots ou la synthèse vocale étaient assurées par des logiciels spécialisés. Maintenant, on les retrouve sur nos portables ou sur Internet, ou encore intégrés aux caractéristiques générales d’une tablette », se réjouit Jean Chouinard.

Au collégial, le rôle de l’accompagnateur se transforme. Depuis l’acceptation de certains logiciels dans les classes du primaire et du secondaire, de plus en plus d’élèves ayant un trouble d’apprentissage arrivent au cégep déjà équipés et formés. « Ça modifie notre accompagnement, admet Marc Tremblay. On part moins à la base et on peut pousser plus loin l’utilisation du logiciel lorsque la transition au collégial est difficile. Les stratégies acquises avec ces technologies au secondaire ne fonctionnent parfois plus avec l’exigence du niveau collégial. »

À ce stade, montrer une utilisation autonome des TIC devient important. Jean Chouinard rappelle que ces technologies ne sont « jamais une pilule miracle. Il y en a qui vont apprendre de ces outils, qui vont acquérir une compétence et les délaisser tranquillement. D’autres auront toujours besoin de l’apport technologique tout au long de leur vie scolaire ou socioprofessionnelle. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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