Les coupes font mal

Martine Letarte Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Alphabétisation 2014

Les organisations actives en éducation des adultes vivent une année difficile. Des coupes majeures dans les budgets viennent du gouvernement fédéral, mais aussi du provincial.

Le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF) a appris, à la fin mai, qu’il allait perdre son financement du gouvernemental fédéral le mois suivant. Le montant annuel de cette enveloppe s’élevait à 450 000 $. Cela correspondait à environ la moitié du financement total de l’organisme.

 

« Pour préserver la chaîne de documentation, de l’acquisition à la mise en ligne, nous avons seulement coupé trois postes alors que, normalement, nous aurions dû en couper cinq », indique Geneviève Dorais-Beauregard, directrice générale du CDEACF.

 

Tous les employés ont accepté une semaine de travail de 32 heures au lieu de 35 et l’organisme a réduit ses jours d’accueil à quatre par semaine au lieu de cinq. Des réserves permettent de garder ces deux personnes jusqu’en avril.

 

« Nous déposons des projets auprès de plusieurs organismes et fondations pour trouver le manque à gagner, sinon, nous devrons couper deux autres postes en avril », précise Mme Dorais-Beauregard.

 

Les 360 membres du CDEACF sont principalement des organisations québécoises, d’autres sont canadiennes et on retrouve aussi des chercheurs et des professeurs actifs en alphabétisation et en condition féminine.

 

« Par exemple, un formateur d’un organisme d’alphabétisation peut nous demander de l’aide pour monter une nouvelle formation pour un groupe d’apprenants d’un niveau donné et nous lui montons une trousse », explique Geneviève Dorais-Beauregard.

 

Le CDEACF diffuse aussi, via son site, du matériel prêt à utiliser et a une bibliothèque virtuelle de 7000 titres. Son mandat est pancanadien et ses membres actifs dans la francophonie canadienne hors Québec subissent déjà fortement les contrecoups des coupes.

 

« Nous devons maintenant leur faire payer l’envoi et le retour des documents que nous leur prêtons, indique la directrice générale. Nous avons un groupe membre dans les Territoires du Nord-Ouest et c’est 160 $ pour l’aller-retour, alors il n’en commande plus ! Dans la plupart des communautés francophones hors Québec au Canada, à part en Ontario, il n’y a plus de librairie francophone et les organisations manquent d’accès à du matériel en français. »

 

Le CDEACF étudie différentes avenues pour retrouver du financement d’Ottawa.

 

« Le gouvernement fédéral considère maintenant que l’alphabétisation est une responsabilité des provinces, affirme Mme Dorais-Beauregard. Il a décidé d’investir plutôt dans des programmes de développement des compétences ciblés pour certaines industries. Pour obtenir des sous, on nous a conseillé de trouver des partenaires dans le secteur privé pour proposer des projets de formation qui se donneraient chez eux. Ce n’est pas facile. Plusieurs entreprises ont peur de former leurs employés et de les perdre par la suite. »

 

Contrairement à d’autres organismes canadiens actifs en éducation des adultes qui sont presque uniquement financés par le gouvernement fédéral et qui songent maintenant à fermer leurs portes, le CDEACF peut toujours compter sur la moitié de son budget qui provient de Québec. Il obtient un financement annuel de base de 170 000 $ du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Geneviève Dorais-Beauregard est optimiste quant au maintien de cette enveloppe, mais, dans le contexte budgétaire actuel, elle est préoccupée par le sort des montants non récurrents.

 

« On reçoit 300 000 $ par année pour financer des projets grâce à une entente triennale qui prendra fin en juin prochain, précise-t-elle. Il faudra renégocier. »

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

Plus de Semaine québécoise des adultes en formation

Le couperet est tombé au printemps sur la Semaine québécoise des adultes en formation (SQAF). Pour l’organiser, l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICEA) recevait environ 800 000 $ chaque année du MELS. L’organisme qui travaille à favoriser et à développer des activités de reconnaissance et de valorisation de l’éducation des adultes reçoit toujours de Québec environ 400 000 $ par année comme financement de base.

« On n’a pas coupé là, mais, en coupant le financement de la SQAF, notre campagne majeure pour le grand public, c’est comme si on nous coupait un peu notre raison d’être », affirme Ronald Cameron, directeur général de l’ICEA. Il s’inquiète du message envoyé à la population.

« L’éducation des adultes mange une claque, déplore-t-il. Investir dans la valorisation de l’éducation des adultes, c’est l’équivalent d’investir dans la persévérance scolaire chez les jeunes : c’est important !  Il faut faire plus en alphabétisation, lever les obstacles pour que ces personnes puissent participer à des activités de formation. Pour y arriver, une mobilisation des acteurs est nécessaire. »
 


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