Décès de Robert Cadotte, « mouton noir » de l’éducation

Robert Cadotte est décédé le 17 juillet à 68 ans.
Photo: Annik MH De Carufel Le Devoir Robert Cadotte est décédé le 17 juillet à 68 ans.

Pour ses idées parfois à contre-courant, ses luttes contre la discrimination envers les enfants des milieux défavorisés, son franc-parler, la passion dévorante qu’il avait pour le métier d’enseignant et les idéaux de justice et de paix dont il était empreint, Robert Cadotte était certainement parmi les plus appréciés et respectés « moutons noirs » du milieu de l’éducation. Profondément intègre, c’est avec la même dignité que cet intellectuel proche des gens a mené son combat contre le cancer, qu’il a finalement perdu le 17 juillet dernier, à l’âge de 68 ans.

 

« Il est parti de la maison et s’en est allé en avant comme il a fait pour toutes ses causes : la tête haute », relate avec émotion sa femme et sa complice de toujours, Diane Savard. L’homme, formé en psychologie et titulaire d’un doctorat en éducation, s’est d’ailleurs toujours tenu debout, cela ne fait aucun doute dans l’esprit de ses amis qui regrettent son départ précipité.

 

« C’était un homme qui avait le courage de ses opinions, même s’il en a souvent payé le prix », souligne Eddy Dunn, un ex-directeur général adjoint qui a côtoyé Robert Cadotte alors qu’il était commissaire scolaire à la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

 

Pour lui, c’était un des rares à avoir une vraie « pensée pédagogique ». « Il défendait ses idées de pédagogie progressiste même si c’était à contre-courant. Il le faisait visière levée comme tous les chevaliers. Il était admirable ».

 

« C’était un homme entier, intègre, tout d’un bloc mais pas toujours facile. Comme du bois franc : ça cogne dur », confie pour sa part son collègue et ami Charles Caouette, avec qui il a travaillé de près à la mise sur pied de l’école secondaire alternative Le Vitrail. « Il était parfois excessif mais toujours généreux. Il donnait beaucoup de son temps et était très engagé socialement. Je l’admirais et j’ai été content de travailler avec lui ».

 

Son ami de longue date, Jean Hénaire, loue son énergie débordante. « Il avait des projets dans ses cartons pour les 20 prochaines années ».

 

Engagé auprès des plus défavorisés

 

Né à Montréal, mais élevé à Laval-Ouest, Robert Cadotte, auteur de nombreux ouvrages, dont son plus récent, Lettres aux enseignantEs. L’école publique va mal ! Les solutions dont on ne veut pas parler, a fait sa marque dès l’université, où il a fait partie du groupe de recherche « La maîtresse d’école », qui voulait réformer l’enseignement, notamment dans les milieux populaires. Il a très vite pris le parti de l’éducation pour tous et s’est dévoué pour les résidents de Hochelaga-Maisonneuve, où il avait élu domicile au début des années 1980. « Il avait la sincérité la plus profonde envers les démunis et aussi les handicapés. C’était son principal souci quand il était à la CSDM », note M. Dunn.

 

Fondateur et directeur du défunt Centre de formation sur l’enseignement en milieux défavorisés de l’UQAM, il a voulu sensibiliser les enseignants qui oeuvraient dans ces quartiers plus difficiles. « Il voulait que les enseignants soient capables d’aborder les parents de ces familles qui ont parfois vécu de mauvaises expériences avec l’école », explique la veuve de M. Cadotte. « Il voulait leur montrer comment on pouvait amener les enfants plus loin, par-delà leur étiquette ».

 

Son engagement dans la communauté d’Hochelaga-Maisonneuve s’est aussi traduit par son implication comme président du CLSC et administrateur de l’atelier d’histoire de l’arrondissement. Son ami Réjean Charbonneau rappelle qu’ensemble, ils ont mené diverses luttes, notamment pour la sauvegarde de l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, de la vocation du musée Dufresne — où il a notamment contribué à la réalisation d’une exposition mémorable et très complète sur « l’école d’antan » — et plus récemment de l’école Baril, menacée de démolition pour ses problèmes de moisissures.

 

Visionnaire, cultivé, humaniste. Robert Cadotte en savait beaucoup sur la nature, ayant pour bible la Flore laurentienne du frère Marie-Victorin. « C’était un honnête homme de culture universelle au sens où on le définissait au 17e et au XVIIIe siècle », soutient son ami Jean Hénaire. Et un intellectuel, indépendantiste très convaincu, près des préoccupations concrètes des gens. « Il tirait ses réflexions et ses idées du terrain qu’il occupait. Ce n’était pas un homme abstrait, il savait communiquer sa passion ». Un hommage lui sera rendu par ses collègues et ses proches, à la rentrée scolaire en septembre.

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