Cri du coeur des recteurs des universités québécoises

Pour le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, c’est précisément la crise sociale de 2012, dans la foulée de laquelle des élections ont été déclenchées, qui explique que les partis n’ont pas envie d’aborder le sujet.
Photo: - Archives Le Devoir Pour le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, c’est précisément la crise sociale de 2012, dans la foulée de laquelle des élections ont été déclenchées, qui explique que les partis n’ont pas envie d’aborder le sujet.

Les recteurs des universités en ont assez du silence autour de l’éducation supérieure dans la campagne électorale. Parlant d’une seule voix, les chefs de 16 établissements universitaires et écoles affiliées — sauf l’Université du Québec en Outaouais et l’ENAP — ont acheté une publicité dans laquelle ils déplorent que l’enseignement universitaire soit un « enjeu crucial dont aucun parti ne parle ».

 

« Lors du sommet sur l’éducation, ça concernait tout le monde, c’était une situation qu’il fallait examiner et là, on n’en a plus de nouvelles. C’est comme s’il y avait un silence radio de tous les partis. Nous, on souhaite que la question soit remise sur la table », a dit Robert Proulx, le recteur de l’UQAM.

 

Pour le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, c’est précisément la crise sociale de 2012, dans la foulée de laquelle des élections ont été déclenchées, qui explique que les partis n’ont pas envie d’aborder le sujet. « Ils ont tellement peur », croit-il.

 

Les recteurs ont une demande qui est récurrente depuis plusieurs années : ils réclament un financement qui leur permettra de rattraper la moyenne des universités canadiennes. Actuellement, les administrations disposent de 10 844 $ pour former un étudiant québécois, soit environ 5000 $ de moins que pour un étudiant canadien (15 798 $). Ce sous-financement correspond à celui pour lequel plaident les recteurs québécois depuis des années, soit environ 850 millions.

 

La principale de l’Université McGill déplore que le Québec ne voie pas à quel point il perd en compétitivité. « On va devoir se rendre compte à quel point on vit dans un contexte qui est à l’échelle mondiale et que l’enseignement et la recherche sont la clé de la prospérité future. Les autres pays, eux, s’en rendent compte », a dit Suzanne Fortier. « Par exemple, j’entends tous les jours qu’on n’est pas du tout compétitifs aux 2e et 3e cycles. On s’est déjà fait dépasser. »

 

Diminution de qualité

 

Si rien n’est fait, la qualité de l’enseignement va diminuer, clament les recteurs depuis belle lurette. L’Université de Montréal craint de perdre l’agrément pour certains programmes, comme ce fut presque le cas pour la médecine vétérinaire. « À l’Université de Toronto, le recteur disait qu’il avait 135 millions en bourses à mettre sur la table. Moi, je n’ai même pas 10 millions à mettre là-dessus », a déploré Guy Breton. « On veut juste un petit signe d’espoir que, dans six ans, on va avoir des moyens comparables au reste du Canada ».

 

L’Université de Sherbrooke craint quant à elle que ses étudiants ne reçoivent plus une formation à la fine pointe, faute d’avoir pu bénéficier de laboratoires suffisamment équipés. « On a créé le centre de microélectronique avec nos partenaires à Bromont, grâce à notre faculté de génie. Si on n’avait pas eu l’expertise, le centre aurait quitté le Québec pour s’installer à New York », a fait remarquer Luce Samoisette, la rectrice de l’UdeS. Les recteurs interrogés se sont toutefois bien gardés de préciser où le gouvernement devrait aller puiser l’argent.

 

Promesses des partis

 

La Coalition avenir Québec se dit toujours en faveur de la modulation des droits de scolarité, soit laisser aux universités avec faculté de médecine qui font beaucoup de recherche le pouvoir d’augmenter les droits de scolarité. Deux nouveautés s’ajoutent, dans le cadre du projet Saint-Laurent : l’investissement d’un milliard pour aider les campus satellites d’universités et des centres collégiaux de transferts de technologie et la réforme du crédit d’impôt à la recherche et développement (R D), où les entreprises qui voudront le plein remboursement devront faire au moins 25 % de leur R D en collaboration avec les universités, a expliqué le député caquiste Stéphane Le Bouyonnec.

 

Pour les libéraux, l’époque où ils ont tenté d’augmenter les droits de scolarité de 82 %, ce qui avait déclenché une grève étudiante sans précédent en 2012, est révolue : l’indexation actuelle continuera d’être la règle. « Quand on va reprendre le pouvoir, on va regarder le portrait de ce que nous avons comme legs […] et peut-être revenir à des propositions qui avaient été présentées avant. […] Il y avait un plan avant qu’arrivent les questions des droits de scolarité », a dit Hélène David, ex-vice-rectrice aux relations internationales et nouvelle candidate pour le PLQ. Elle souhaite également relancer la philanthropie.

 

Quant au Parti québécois, il maintient qu’il fera un réinvestissement de 1,8 milliard dans les universités d’ici 2019, mais soutient que les administrations universitaires devront se plier à des redditions de comptes. « C’est ce que nous demande la population », a dit Pierre Duchesne, ministre sortant de l’Enseignement supérieur et candidat dans Borduas.

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