Pas que le rôle de l'employeur
Pierre Vallée
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Formation continue
Il y a belle lurette que la formation continue des travailleurs est dans la mire de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Et aujourd’hui, elle demeure une priorité, et à certains égards, toujours un défi à relever.«Nous étions parmi les partenaires québécois qui réclamaient au début des années 90 que le gouvernement du Québec soit le seul maître d’œuvre sur son territoire de la formation des travailleurs, ce que nous avons obtenu », souligne Denise Boucher, 3e vice-présidente à la CSN. Et c’est la raison pour laquelle la CSN voit d’un mauvais œil la récente intention du gouvernement Harper de vouloir modifier les règles du jeu.
« Nous avons mis en place ici un modèle québécois qui fonctionne et qui répond bien à nos besoins. Le gouvernement fédéral n’a pas à s’en mêler, poursuit-elle. Nous pouvons compter sur la Commission des partenaires du marché du travail, à laquelle siègent les syndicats, les organismes communautaires, les commissions scolaires, le patronat ; bref, tous les acteurs sont présents pour bien connaître nos besoins et cibler nos actions. De plus, nous travaillons en étroite collaboration avec Emploi-Québec, ce qui nous permet de rejoindre l’ensemble des travailleurs, syndiqués ou non, sur le marché du travail ou en chômage. »
Une culture à développer
L’idée de confier davantage aux entreprises la formation des travailleurs, comme le propose le gouvernement conservateur, ne trouve évidemment pas grâce à ses yeux. « Si ce sont les entreprises qui sont responsables, qui va en profiter ? Ce sont les grandes entreprises, car ce sont elles qui ont des directions des ressources humaines capables de mettre en place des programmes de formation. D’ailleurs, la plupart le font déjà. Le problème, ce ne sont pas les grandes entreprises, ce sont les PME. Auront-elles les moyens et les outils pour mettre en place ces formations ? Je n’en suis pas convaincue. Tandis que présentement, elles le peuvent. »
Bien qu’il se soit fait des progrès notables en matière de formation des travailleurs depuis une quinzaine d’années, cela demeure toujours un défi, croit Denise Boucher, surtout en ce a trait à la création d’une véritable culture de la formation continue au sein des entreprises québécoises.
« Trop souvent, dans les entreprises, surtout les PME, tant que le travail est bien fait et que les profits sont aux rendez-vous, la question de la formation continue ne se pose pas beaucoup. C’est lorsqu’il y a un changement dans la façon de faire, par exemple, l’arrivée d’une nouvelle machine ou de l’informatique dans l’entreprise, que le problème surgit et que l’on doit alors agir. »
Ainsi, les entreprises agissent souvent sur le tard. « Elles font les changements nécessaires afin d’éviter la fermeture et n’ont d’autre choix que d’offrir une formation à leurs employés. Il faudrait être en mesure d’agir beaucoup plus tôt. » C’est la raison pour laquelle elle croit que la formation continue des travailleurs devrait faire partie des négociations menant à la signature d’une convention collective. Et la même règle devrait s’appliquer aux entreprises non syndiquées. « La formation continue ne doit pas être uniquement dictée par l’employeur. Là où il y a un partenariat entre l’employeur et les employés, il y a une meilleure adhésion au projet de formation continue et, par conséquent, plus de chances de réussite. »
Dans certains cas, la fermeture d’une entreprise est inévitable, et la formation continue de travailleurs sert ici à les requalifier pour le marché du travail. « C’est pourquoi la reconnaissance des acquis est si importante. Il n’est pas vrai qu’un travailleur qui occupe le même emploi depuis plusieurs années devient soudainement sans compétences parce qu’il perd son emploi et n’a pas en poche le diplôme requis pour trouver un autre travail. Il faut mettre en place une formation pour ce travailleur qui reconnaîtra ses acquis et l’amènera à se qualifier. »
La formation continue des travailleurs n’a pas uniquement pour mission la mise à jour des connaissances et des compétences des travailleurs. « Nous avons au Québec un problème de littératie, et la formation continue doit aussi se préoccuper d’alphabétisation. À cela s’ajoute, surtout dans la grande région de Montréal, la question de la francisation des travailleurs immigrés. Ça aussi, ça fait partie de la formation continue. D’ailleurs, c’est l’approche que nous avons à la Commission des partenaires du marché du travail. »
Le fameux 1 %
Actuellement, au Québec, toute entreprise ayant une masse salariale d’un million de dollars ou plus doit investir 1 % de cette masse salariale dans des projets de formation continue pour ses employés. Ces entreprises sont donc assujetties à ce que l’on appelle communément la loi du 1 %.
C’est le gouvernement Charest qui a modifié cette loi en 2003 ; auparavant, la masse salariale assujettie était de 250 000 $. Devrions-nous y revenir ? « Toutes les entreprises québécoises, peu importe leur masse salariale, devraient être assujetties à la loi du 1 %. Même si l’entreprise a une petite masse salariale, et qu’elle ne peut par conséquent que consacrer une petite somme à la formation continue, l’obligation de le faire constitue un début et favorise ainsi la création d’une culture de la formation continue au sein de cette entreprise. Et les employeurs qui assimilent ce 1 % à une taxe se trompent et envoient un bien mauvais message quant à l’importance de la formation continue des travailleurs. Parce qu’en fin de compte, des travailleurs bien formés sont toujours un bénéfice pour une entreprise. »
Collaborateur
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