Le savoir avant le savoir-faire
Ce texte fait partie du cahier spécial Formation continue
Fondée en 2006, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) représente quelque 32 000 enseignants québécois francophones. Persuadée que le Québec doit miser sur une formation scolaire solide visant davantage l’épanouissement de citoyens que le développement de travailleurs, elle estime que sous prétexte de satisfaire aux impératifs du marché du travail, la formation continue actuellement dispensée ne répond que trop peu aux besoins des personnes.
Pouvant se définir comme les apprentissages réalisés par un individu une fois qu’il est sorti de son parcours initial au sein du système scolaire, la formation continue, vu les mutations importantes que connaît le marché du travail, constitue un impératif des sociétés modernes.
Prodiguée en milieu scolaire ou en milieu de travail, au Québec, elle relève principalement du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) et de la Commission des partenaires du marché du travail.
Pour leur part, les entreprises sont responsables de la compétence de leur main-d’oeuvre et doivent respecter diverses exigences ou obligations visant leurs employés. Certaines d’entre elles, celles versant annuellement plus d’un million de dollars en salaires, sont assujetties à la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’oeuvre. Elles doivent par conséquent investir l’équivalent d’au moins 1 % de leur masse salariale dans la réalisation d’activités de formation qui touchent le développement des compétences de son personnel. Si elles ne le font pas, elles doivent verser la somme non investie au Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’oeuvre, lequel sert à subventionner des projets liés à la formation de la main-d’oeuvre.
Diverses lacunes
Bien qu’elle soit tout à fait pour la formation continue, Mme Nathalie Morel, vice-présidente de la vie professionnelle de la FAE, constate plusieurs lacunes dans les façons de la gérer et de la dispenser au Québec. Elle signale notamment l’implication croissante du MESS au détriment de celle du MELS.
« Ce qu’on observe,dit-elle, c’est que le MESS prend beaucoup de place sur le plan de la formation continue. D’après nous, puisqu’on parle d’éducation, le MELS devrait en être le principal maître d’oeuvre. Or, il n’est pas rare que le MESS prenne toute la place. C’est quelque chose qui nous trouble beaucoup. »
Si la FAE s’inquiète de l’implication du MESS dans l’orchestration de l’offre de formation continue, c’est surtout qu’elle remarque que celle-ci s’articule de plus en plus autour de besoins spécifiques d’entreprises données.
« L’objectif de la formation continue, c’est le rehaussement des compétences après l’obtention d’une solide formation de base. Elle devrait permettre à une personne de combler certaines aspirations personnelles, de se mettre à jour et d’assurer sa mobilité sur le marché du travail. Or, elle répond de plus en plus à des besoins utilitaires. Pour nous, le problème, c’est que le besoin utilitaire est celui de l’entreprise et pas celui de la personne. Dans certains cas, les employés n’ont droit qu’à des formations à l’acte. On fait fi de la mobilité des travailleurs et de leur besoin de développer leurs capacités. On ne fait que former des gens pour accomplir une tâche particulière, peu importent leurs compétences. Pour nous, ça constitue une dérive, et ça ne correspond pas du tout à notre vision de l’éducation et de la formation continue », explique Mme Morel.
Jumelages souhaités
Dans le même esprit, la FAE estime que le MELS devrait être plus impliqué dans la gestion des personnes qui dispensent la formation continue. Elle croit que ce dernier aurait tout intérêt à explorer davantage les possibilités de jumelage entre l’entreprise, les commissions scolaires, les centres d’éducation aux adultes et les centres de formation professionnelle.
« Prenons par exemple les centres d’éducation aux adultes,indique Mme Morel. On y trouve des gens déjà formés, des enseignants légalement qualifiés, qui pourraient contribuer davantage à la formation continue. Il y a déjà certaines ententes qui existent entre ces centres et les entreprises, mais dans plusieurs cas, les formateurs en entreprise n’ont pas de qualifications légales. On pense que le MELS devrait s’assurer de la qualification des formateurs pour qu’elle soit de qualité. »
Un autre problème que note la FAE relativement aux dispositifs d’enseignement de la formation continue est celui de leur rigidité. Conçus dans nombre de cas pour une fréquentation à temps plein, ils s’avèrent souvent trop rigides à plusieurs égards. Aussi, les individus désireux d’étudier à temps partiel, selon des horaires atypiques pour compléter une formation manquante, se butent bien souvent à ces rigidités.
« Par exemple, pensons à une mère de famille qui désire suivre une formation. Dans bien des cas, il n’est pas rare qu’elle doive continuer à travailler en même temps, mais que l’entreprise qui l’emploie n’offre aucune plage de travail qui lui permette de concilier ses études et sa vie familiale. Si on était dans une dynamique de réponse aux besoins des personnes, on s’ajusterait à leurs conditions de vie, pas le contraire. »
Si elle considère que la formation continue devrait davantage répondre aux aspirations personnelles des individus et leur permettre d’assurer une progression constante de leurs acquis, la FAE ne juge pas pour autant qu’elle devrait être dissociée des impératifs du marché du travail.
« C’est important de faire la nuance,note Mme Morel. On ne dit pas que la formation continue ne devrait pas être liée à l’emploi, ce serait une aberration. Il faut prendre en considération les transformations qui s’opèrent aujourd’hui sur le marché du travail. Il est certain que la formation initiale, même si elle est de grande qualité, ne peut assurer à elle seule la capacité d’une personne à répondre aux exigences du marché du travail tout au long de sa vie active. Mais on aimerait que la formation continue commence par répondre aux besoins des individus avant de répondre à ceux de l’entreprise !
Collaboratrice
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