Une autre étape franchie vers un cours d’histoire

C’est officiel, un nouveau cours d’histoire du Québec au collégial prendra la place d’un cours complémentaire dès la prochaine année, mais les enseignants continuent de contester la façon dont il sera implanté. Certains d’entre eux estiment que le gouvernement va inutilement trop vite, d’autres demandent à ce que la perte d’un cours complémentaire fasse l’objet d’une compensation salariale.
Ils réagissent ainsi au projet de règlement modifiant le Régime d’études collégiales publié mercredi dans la Gazette officielle, qui ajoute un 5e élément à la formation générale obligatoire, soit deux unités en « histoire du Québec », tout en enlevant un cours complémentaire. « Ça nous inquiète. Ça va prendre des mesures de soutien pour les enseignants précaires », a indiqué Mario Beauchemin, le président de la Fédération des enseignants de cégep (FEC-CSQ).
Son syndicat souhaite l’ouverture d’une table de négociation avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour discuter de mesures qui sont déjà dans la convention collective, notamment la clause qui assure aux enseignants qui voient leur tâche diminuer le versement d’une partie de leur salaire pendant trois ans. « On voudrait élargir la clause de protection salariale aux enseignants touchés par la disparition d’un cours complémentaire. »
Une décision politique ?
La Fédération nationale des enseignants (FNEEQ-CSN) s’inquiète aussi de la précarité d’emploi, mais critique davantage la rapidité avec laquelle Québec implante le cours, soit dès l’année prochaine (2014-2015). La présidente, Caroline Senneville, croit que l’implantation du cours au cégep doit attendre celle des cours au secondaire, actuellement en processus de révision, pour éviter les dédoublements et le travail inutile. « C’est mettre la charrue devant les boeufs, a-t-elle soutenu. Ce n’est pas procéder à l’endroit. Ça force tout le monde à travailler à double vitesse pour éventuellement changer quelque chose dans un avenir pas si éloigné, car c’est sûr que ça va bouger quand les cours au secondaire vont sortir. »
Elle déplore les décisions par « à-coups politiques » qui ne permettent pas d’être cohérent et d’avoir une bonne vision d’ensemble. « Je ne pense pas qu’il y a un péril pédagogique à attendre et consulter. Le gouvernement pourrait continuer à maintenir le cap politiquement, mais on sait qu’il a un calendrier… »
Qui donnera le cours ?
Les enseignants d’histoire sont de plus en plus persuadés d’être les titulaires du cours, mais les changements effectués par le ministre de l’Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, laissent encore planer le doute. « Le projet de règlement dit bien qu’on ajoute un nouvel élément appelé “ histoire du Québec ”, alors ça m’étonnerait qu’il y ait encore un flou sur qui va donner le cours », a dit, confiant, le président de l’Association des professeurs d’histoire des collèges du Québec, Vincent Duhaime. Il se dit heureux mais néanmoins surpris de constater que le gouvernement va de l’avant avec les procédures légales alors que la consultation des cégeps ne se termine que le 21 février prochain. « Certains pourraient penser qu’ils vont avoir travaillé pour rien ».
Pour la Fédération des cégeps, rien n’assure encore que ce seront des enseignants d’histoire qui donneront le cours tant attendu. « Mais si ce sont des profs d’histoire qui l’enseignent, c’est de 250 équivalents à temps complet dont nous aurons besoin. […] Il faut les recruter. Tous les diplômés d’histoire ne travaillent peut-être pas dans leur domaine et voudront le cours, mais ils ne sont peut-être pas disponibles demain matin », a dit le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Jean Beauchesne. Il répète que le fait d’ouvrir l’enseignement de ce cours à des profs d’autres disciplines simplifierait de beaucoup le casse-tête administratif.
Quant à la Fédération étudiante collégiale (FECQ), elle déplore, à l’instar des deux syndicats d’enseignants, la quasi-disparition des cours complémentaires, qui au cours des dernières décennies seront finalement passés de quatre à un. « On pense, jusqu’à preuve du contraire, qu’elle a une utilité et qu’elle aide les étudiants à savoir ce qu’ils veulent faire, a noté Éliane Laberge, la présidente de la FECQ. Le Conseil supérieur de l’éducation l’avait démontré, le cégep c’est une période où on complète notre maturité vocationnelle, où on décide [dans quel domaine nous allons] étudier. L’idée de la formation complémentaire, c’était de les aider là-dedans. »
Au cabinet du ministre Duchesne, on dit attendre que la consultation des cégeps soit finie avant de préciser toutes les modalités du cours.