Droits de scolarité - Ottawa aurait sa part de responsabilité dans la hausse
Le gouvernement fédéral aurait joué un rôle très important dans l’actuel sous-financement des universités. Au fil des ans, son choix de financer presque exclusivement la recherche, au détriment de l’enseignement, a forcé les provinces à aller davantage piger dans les poches des étudiants.
C’est l’analyse que fait l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) dans des travaux où elle a étudié l’impact des transferts fédéraux et ce qu’elle appelle le « mal-financement » universitaire. Le gouvernement fédéral a fait de « l’ingérence dans l’éducation, champ de compétence provinciale », ce qui a des conséquences sur la tendance à l’augmentation des droits de scolarité partout au Canada, concluent les chercheurs.
Ils ont remarqué qu’au fil des ans, le fédéral a cessé tranquillement de financer le fonds de fonctionnement pour l’enseignement. Il lui destinait 13 % de ses ressources en 1980 alors que c’est à peine 1 % aujourd’hui. Parallèlement à cela, il augmentait de beaucoup sa participation au financement de la recherche, auquel il destine aujourd’hui 92 % de tout l’argent qu’il consacre à l’éducation, alors que c’était 85 % en 1980.
Imiter le fédéral
Cette hausse du financement de la recherche a eu pour effet d’encourager les provinces à faire de même, pour ne pas se faire devancer sur ce terrain et garder une certaine influence. « Les provinces canadiennes ne veulent pas se faire distancer par le financement fédéral et, quand celui-ci commence à mettre plus d’argent en recherche, on constate que les provinces font la même chose, note Philippe Hurteau, chercheur à l’IRIS. S’enclenche alors une sorte de course entre le fédéral et le provincial pour le financement dans ce secteur. »
Résultat ? Le gouvernement provincial a tendance à délaisser lui aussi le financement au fonds de fonctionnement (enseignement), ce qui se traduit par une hausse des droits de scolarité, sauf au Québec où le mouvement étudiant, particulièrement combatif, a su y mettre un frein. « Partout au Canada, on a constaté qu’il y a eu une augmentation des frais de scolarité, a indiqué M. Hurteau. Cette augmentation se dessinait déjà au préalable, mais a été accélérée par le choix du fédéral de se retirer et du fait que les provinces l’ont imité pour ne pas se faire distancer. »
Recherche appliquée
Par ailleurs, ce financement accru du gouvernement fédéral en recherche sert bien ses intérêts, selon l’IRIS. « Le financement de la recherche, plus fragmenté et attribuable à des groupes donnés à l’intérieur des universités, permet au gouvernement fédéral de dicter ses priorités en établissant les critères, les objectifs et les conditions à respecter pour se voir octroyer du financement », écrivent les chercheurs.
Et la recherche étant de plus en plus financée si elle a des retombées économiques — le budget 2012 du ministre des Finances au fédéral, Jim Flaherty, démontre bien cette tendance —, l’IRIS analyse que la forte domination du gouvernement canadien dans la recherche aura pour effet d’encourager la recherche appliquée au détriment de la fondamentale.