Au tour de l’UQAM de rejeter la charte

Robert Proulx, le recteur de l’UQAM
Photo: - Le Devoir Robert Proulx, le recteur de l’UQAM

Les universités se dirigent vers un rejet massif de la charte sur la laïcité : c’est maintenant au tour de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) de déclarer son malaise à l’endroit du projet de loi 60.

 

« La chose est inapplicable et ça créerait des iniquités », a déclaré au Devoir Robert Proulx, le recteur de l’UQAM.

 

Encore une fois, ce ne sont pas les dispositions réaffirmant notamment le caractère laïque des établissements et le principe de l’égalité hommes-femmes qui posent problème, mais plutôt le fameux article 5 interdisant le port de signes religieux ostentatoires. « Ça va à l’encontre même des universités et des principes de liberté académique sur lesquels elles sont basées, a-t-il ajouté. Et ce n’est pas parce qu’on rejette le principe de laïcité. L’UQAM est, et a toujours été, une université publique laïque et francophone. »

 

Respect absolu de la liberté

 

Le recteur, qui ira présenter sa position en commission parlementaire, entend demander le retrait de ce chapitre, sans quoi ce sera un rejet assuré de la charte.

 

La charte telle qu’elle est ne devrait pas s’appliquer aux universités. « Le rôle de l’université est d’assurer le progrès social, et ça se fait par une pratique d’ouverture, et ça implique […] le respect absolu de la liberté de conscience et de la liberté académique. Les gens doivent être libres de s’exprimer comme ils le veulent, et en ce sens, imposer dans une institution [l’interdiction] du port de signes particuliers serait une atteinte à cette autonomie. »

 

Pour lui, la charte est aussi une « ingérence dans la gestion même des universités ». « L’autonomie universitaire doit être défendue. On la défend partout ailleurs en réitérant le principe que le gouvernement ne doit pas intervenir dans notre façon de diriger, ou dire aux professeurs comment penser et préparer leurs cours », a rappelé Robert Proulx.

 

L’université ne doit pas être vue comme n’importe quelle autre organisation, croit-il. « Elle est complètement différente. Ce n’est pas au sens classique d’une organisation avec des employés au service d’une direction. Elle est caractérisée par une communauté d’enseignement et de recherche, et tout le monde participe à la transmission du savoir en même temps qu’elle assure l’appropriation de ces savoirs. »

 

Des profs disent aussi non

 

Certains professeurs de l’UQAM se sont aussi fait une tête sur la charte : c’est non. Trois professeurs ont écrit une lettre dénonçant la disposition interdisant le port de signes religieux qui a récolté 135 signatures depuis qu’elle a commencé à circuler la semaine dernière. La lettre, qui incite le syndicat et les instances de l’UQAM à s’engager à défendre l’intégrité de l’université, est sans équivoque : étendre aux universités les dispositions empêchant le port de signes religieux remet en cause « le caractère inclusif de la communauté académique, la liberté de conscience des professeurEs, ainsi que lautonomie universitaire », en plus de porter atteinte à la mission de l’université. « Pour ces raisons, nous, professeurEs à l’UQAM, la rejetons », peut-on lire.

 

Selon les signataires, l’application des dispositions restrictives enverrait un « signal négatif » à l’ensemble des personnes de la communauté universitaire qui portent des signes religieux « puisque ce serait leur signifier que des gens comme “ eux ” ne sont pas les bienvenus dans la communauté académique ».

 

La position que le recteur de l’UQAM défendra en commission parlementaire n’a pas fait l’objet d’une résolution ou d’une approbation formelle en instance, mais a été approuvée par le conseil d’administration et la Commission des études. Toutefois, il s’engage à étudier la demande des professeurs qui plaide pour l’adoption d’une position plus officielle des instances qui, dit-il, est compatible avec celle qu’il défend.

 

Cohérence

 

Réagissant à cette opposition de plus en plus importante des universités, le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a souligné l’importance, pour un gouvernement, d’être cohérent. « Dans la mesure où les universités font partie de l’administration publique au sens large, on considère que la charte doit s’appliquer à ces institutions », a-t-il indiqué.

 

Il rappelle qu’il y a déjà une exception prévue à la charte pour les professeurs des facultés de théologie, qui n’y sont pas assujettis. « Mais pour le reste, la proposition telle qu’elle a été formulée est soumise à la consultation, et on invite les institutions à se faire entendre. »

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