L’état des bibliothèques scolaires laisse à désirer

«On retrouve souvent trop de fiction par rapport au documentaire, trop de livres s’adressent aux filles plutôt qu’aux garçons, ou encore des livres qui ne sont pas adaptés à l’âge de la clientèle», a fait savoir une bibliothécaire scolaire de Rimouski.
Photo: John Bazemore Associated Press «On retrouve souvent trop de fiction par rapport au documentaire, trop de livres s’adressent aux filles plutôt qu’aux garçons, ou encore des livres qui ne sont pas adaptés à l’âge de la clientèle», a fait savoir une bibliothécaire scolaire de Rimouski.

Elles ne sont pas au goût du jour, difficilement accessibles même et parfois carrément inexistantes. Les bibliothèques des écoles du Québec sont dans un état qui laisse à désirer, révèle une enquête qualitative de la Fédération des professionnels de l’éducation (FPPE-CSQ) menée auprès de 75 bibliothécaires en milieu scolaire membres. « Il y en a qui vont bien et d’autres moins bien. La qualité est vraiment inégale », déplore Sophie Massé, vice-présidente à la FPPE.

 

Le problème ? Les collections sont désuètes, endommagées et peu attrayantes. Les livres achetés ne correspondent pas au Programme de formation de l’école québécoise et, dans bien des cas, ne sont pas du tout appropriés. « On retrouve souvent trop de fiction par rapport au documentaire, trop de livres s’adressent aux filles plutôt qu’aux garçons, ou encore des livres qui ne sont pas adaptés à l’âge de la clientèle, a fait savoir Suzie Pelletier, une bibliothécaire scolaire de Rimouski. On a vu des exemplaires de Fifty shades of Grey et des mangas plutôt osés circuler dans des bibliothèques du secondaire. »

 

L’enquête montre aussi l’ampleur du retard des bibliothèques des milieux scolaires francophones, qui semble avoir raté le virage numérique. Plusieurs bibliothèques n’ont pas accès aux ressources numériques comme Repère, Eureka, Universalis junior, etc., alors que dans certaines commissions scolaires anglophones, on se met aux prêts de liseuses électroniques pour les enseignants et élèves.

 

Dans certains milieux, surtout en milieu rural, il n’y a pas de bibliothèque dans l’école, et celle-ci doit conclure des ententes avec la municipalité pour en offrir l’accès aux élèves. « On se rend compte que beaucoup de bibliothèques servent de salles de cours, de laboratoires informatiques, de salles de retrait pour les élèves et de service de garde », a aussi constaté Sophie Massé.

 

Bibliothécaires toujours recherchés

 

Après que l’espèce eut été en voie d’extinction - ils n’étaient que 21 en 2007 -, les bibliothécaires (une profession féminine à 87 %) reprennent tranquillement leur place dans les écoles et sont aujourd’hui 107. Si la FPPE reconnaît l’apport du ministère de l’Éducation pour renverser la vapeur, il y a encore beaucoup à faire pour atteindre la promesse du gouvernement d’employer 200 bibliothécaires, rappelle-t-elle. « On n’est qu’à la moitié de l’objectif », souligne Sophie Massé. Et l’argent promis par le ministère sera-t-il toujours au rendez-vous ? C’est peut-être, croit-elle, ce que craignent certaines commissions scolaires qui n’ont pas embauché de bibliothécaires, dûment formés en bibliothéconomie à l’université, avec une spécialité en milieu scolaire.

 

Selon l’enquête maison de la FPPE, en juin dernier, des 65commissions scolaires membres, 19, dont 14 sont situées en région, n’ont pas de bibliothécaires, et se rabattent souvent sur des parents bénévoles. Elles auraient pourtant accès à une subvention du ministère, rappelle Mme Massé. « On ne sait pas pourquoi elles n’en profitent pas. Ont-elles du mal à recruter ? On est en train d’investiguer ça, a-t-elle ajouté. On pense qu’il y a une méconnaissance générale de tout le travail qui peut être fait par des professionnels. »

 

Au plus fort de la pénurie, les cours de la spécialité en bibliothéconomie scolaire avaient même cessé d’être dispensés tellement il y avait peu de débouchés sur le marché du travail. Ils ont repris aujourd’hui. À l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, on diplôme annuellement environ une dizaine de bibliothécaires scolaires, confirme le directeur Clément Arsenault. « Ça fait vraiment la différence d’avoir des professionnels. Les bibliothécaires en milieu scolaire, ce n’est pas seulement le dépôt de livres, ils ont un rôle à jouer au niveau de la pédagogie et de l’éducation. »

 

La FPPE s’inquiète de la modification par le ministère de la mesure budgétaire du Plan d’action sur la lecture à l’école (PALE) : dans les commissions scolaires qui ont déjà un bibliothécaire, il sera désormais permis d’embaucher un technicien en documentation.

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Ce texte a été modifié après publication

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