Cégeps - Moins d’histoire dans le cours d’histoire, craignent des enseignants

Des enseignants d’histoire craignent que le contenu du nouveau cours obligatoire soit trop teinté par les disciplines des sciences humaines et que cela en dilue le caractère historique.
Photo: - Le Devoir Des enseignants d’histoire craignent que le contenu du nouveau cours obligatoire soit trop teinté par les disciplines des sciences humaines et que cela en dilue le caractère historique.
Le cours d’histoire obligatoire que souhaite implanter le gouvernement dans les cégeps en 2014 suscite de nouvelles inquiétudes. Des enseignants d’histoire craignent que son contenu soit trop teinté par les disciplines des sciences humaines et que cela en dilue le caractère historique.

C’est un appel de candidatures pour former le groupe de travail qui élaborera le cours qui a été à l’origine de leur questionnement. Diffusé par le ministère de l’Enseignement supérieur, ce document qui a circulé dans les cégeps, et dont Le Devoir a obtenu copie, vise à recruter sept enseignants provenant de disciplines aussi diverses que « histoire, politique, sociologie, géographie, anthropologie, économie et “humanities”» pour élaborer une proposition de cours sur l’histoire du Québec contemporain.

On y indique que le groupe de travail devra réfléchir à certaines orientations selon « une perspective multidisciplinaire » et tenir compte d’éléments de formation allant des « origines et [des] caractéristiques de la société québécoise contemporaine » jusqu’à « la place du Québec dans le monde », pour ne nommer que ceux-ci.

Déception

Kurt Vignola, enseignant d’histoire au cégep de Rimouski, confie avoir été très déçu à la lecture de l’appel de candidatures. « Le cours d’histoire ? Quel cours d’histoire ? ironise-t-il. Le mot « histoire » n’apparaît même pas dans les mandats du comité. On parle d’institutions démocratiques, de la vie économique et des régions… Quelques points sur les autochtones et la communauté anglophone pour être politically correct, mais je ne vois pas comment, avec de tels paramètres, on peut accoucher d’un cours d’histoire. »

Le président de la Fédération des enseignants de cégep (FEC-CSQ), Mario Beauchemin, tire les mêmes conclusions. « D’après les comptes rendus que je vois, c’est la lecture que j’en fais. Ça deviendra un cours multidisciplinaire », a dit M. Beauchemin, indiquant qu’il s’est fait confirmer la chose par des conseillers du ministère lors d’une rencontre en juin dernier. « On peut comprendre qu’on songe maintenant à un cours hybride, mais on ne peut pas appeler ça un cours d’histoire. » Il ne croit pas non plus que de faire donner le cours par des enseignants autres que des enseignants en histoire serait une « bonne avenue ».

Même si la volonté du ministre d’implanter un cours d’histoire est ferme, M. Vignola craint que les fonctionnaires du ministère le rappellent à l’ordre, lui faisant valoir des difficultés budgétaires. Mais selon lui, il ne faut pas lésiner sur les moyens pour donner ce cours d’histoire du Québec, qui perd en popularité. « On est 2600 au cégep de Rimouski et 6 personnes seulement suivent le cours d’histoire du Québec. C’est un cours optionnel », a-t-il illustré.

Pas d’inquiétude à avoir

Le président de l’Association des professeurs d’histoire des collèges du Québec, Vincent Duhaime, confirme que certains membres ont exprimé leur inquiétude devant la tendance multidisciplinaire que semble prendre le cours. Mais ce n’est pas une raison pour s’en faire, a-t-il soutenu. « C’est un processus très bureaucratique. Que le ministère ait décidé de parler à des experts d’autres disciplines, en soi, ce n’est pas un problème. » Il voit mal comment le ministre Duchesne a pu parler d’un cours d’histoire nationale et élaborer tout autre chose. « On descendrait dans la rue », a-t-il dit.

M. Duhaime dit néanmoins espérer voir beaucoup d’historiens dans ce groupe de travail. Son organisation entend participer activement à la consultation publique qui sera lancée l’hiver prochain après le dépôt d’une proposition de cours.

L’enseignant en histoire au cégep et président du Mouvement national des Québécois, Gilles Laporte, préfère ne pas tirer la sonnette d’alarme trop rapidement. « Je n’ai pas l’impression que les dés sont déjà jetés », a-t-il dit, en convenant toutefois que cet appel de candidatures a pu causer une certaine surprise. Celui-ci aurait été rédigé par des gens qui ne semblent pas nécessairement bien connaître les enjeux, croit-il.

Au cabinet du ministre Duchesne, on soutient que le cap est maintenu sur l’implantation du cours d’histoire nationale et que le groupe de travail sera constitué « majoritairement de professeurs d’histoire ». Le ministre prendra d’abord connaissance des objectifs et standards, prévus pour la fin de l’automne 2013, avant d’annoncer les modalités du cours.

À voir en vidéo