Le fossé entre l’école d’aujourd’hui et un monde en constante transformation

Etienne Plamondon Emond Collaboration spéciale
Dans l’enquête sur les réalités vécues par les élèves des écoles secondaires privées, le volet axé sur les attentes des élèves révèle que seulement 44,6 % d’entre eux se déclarent motivés dans leurs études, alors que 77,1 % ont donné cette réponse dans un sondage identique réalisé en 2001.
Photo: - Le Devoir Dans l’enquête sur les réalités vécues par les élèves des écoles secondaires privées, le volet axé sur les attentes des élèves révèle que seulement 44,6 % d’entre eux se déclarent motivés dans leurs études, alors que 77,1 % ont donné cette réponse dans un sondage identique réalisé en 2001.

Ce texte fait partie du cahier spécial Éducation septembre 2013

La Fédération des établissements d’enseignement privés du Québec (FEEP) a été secouée par les résultats d’un sondage effectué auprès des élèves de son réseau, au point de revoir de fond en comble les pratiques scolaires. Depuis, elle a mis sur pied un chantier nommé « L’école de demain », qui cherche à repenser et à personnaliser l’école, tant publique que privée, à l’aune des expériences réalisées à l’étranger et des possibilités offertes par les nouvelles technologies.

 

En 10 ans, la motivation des élèves pour leurs études a chuté drastiquement. La FEEP a été confrontée à cette réalité en recevant les résultats du dernier « Portrait des réalités vécues par les élèves du secondaire », qui a questionné, en 2010, des élèves fréquentant les établissements de son réseau à travers tout le Québec.

 

Dans le volet de l’enquête axé sur les attentes des élèves, seulement 44,6 % d’entre eux se sont déclarés motivés dans leurs études, alors que 77,1 % donnaient cette réponse dans un sondage identique réalisé en 2001. Ils ne sont que 37,1 % à affirmer fournir le maximum d’efforts dans leurs études en 2010, contre 74,9 % une décennie plus tôt. Si, au début du millénaire, 87 % des élèves se montraient confiants en ce qui concernait leur réussite dans leurs études, il n’en restait que 53,5 % pour afficher le même optimisme 10 ans plus tard.

 

De plus, ce sondage a révélé que les élèves des écoles privées se montraient désormais beaucoup plus critiques à l’égard de leur établissement scolaire. Seulement 48 % des élèves interrogés en 2010 ont indiqué qu’ils trouvaient le climat de l’école agréable et accueillant, alors que 78 % signalaient l’apprécier en 2001. De plus, 67 % des élèves jugeaient en 2010 que l’horaire de l’école était bien équilibré, contre 79 % en 2001.

 

Moment-charnière

 

Nancy Brousseau, directrice générale de la FEEP, admet que cette étude a été un moment-charnière. La FEEP a interprété l’écart entre les réponses fournies en 2001 et en 2010 comme le symptôme d’un fossé grandissant entre l’école, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, et le monde transformé dans lequel baignent les jeunes. Un monde où les moins de 17 ans sont habitués d’utiliser les technologies de l’information dans leur quotidien, mais aussi où les nouvelles plateformes collaboratives les incitent à davantage découvrir dans une dynamique d’interaction avec leurs pairs. En contrepartie, l’école d’aujourd’hui a encore tendance à « isoler l’élève dans son apprentissage », croit Mme Brousseau.

 

La directrice générale de la FEEP dit constater que le milieu scolaire évolue très lentement et que les gens sont peu enclins à remettre en cause ses règles. « C’est dans nos moeurs. C’est accepté socialement. Les parents cherchent une école qui ressemble à celle où ils sont allés », observe Mme Brousseau. Or elle prévient qu’« il ne faut pas en arriver au point de rupture où l’école va être tellement isolée du monde extérieur qu’elle va perdre sa pertinence, dit-elle. Les élèves acceptent que l’école soit un lieu différent. Mais je pense que c’est [l’importance de] l’écart qu’ils commencent à nous reprocher. »

 

Retard

 

Avant de prendre connaissance des conclusions de l’étude, la FEEP avait déjà commencé à voyager pour voir les nouvelles tendances à l’étranger. « Dès qu’on sort, on s’aperçoit que ça va vite et que le Québec a pris un certain retard », affirme Mme Brousseau. La FEEP a donc lancé un chantier, baptisé « L’école de demain », s’articulant autour de six comités. « On s’est engagé à faire cette réflexion-là pour l’ensemble du monde de l’éducation », tant pour les établissements publics que privés, précise-t-elle.

 

La nouvelle façon d’aborder l’enseignement passe entre autres par les nouvelles technologies, qui sont devenues des outils naturels chez les nouvelles générations. Mais, surtout, elle croit que cette petite révolution passe par « une personnalisation de l’apprentissage ».

 

« Il y a des élèves qui ont besoin d’un peu plus de soutien, parce qu’ils ont des difficultés, et il y en a d’autres qui, au contraire, s’ennuient dans la classe et ont besoin d’être stimulés. » Dans le débat connaissance-compétence qui déchire le monde de l’éducation, Mme Brousseau se range parmi les adeptes du socioconstructivisme.

 

Elle donne des conférences, qui déstabilisent parfois son auditoire, en présentant des modèles scolaires explorés dans d’autres pays, mais surtout aux États-Unis, loin des canevas auxquels nous sommes habitués. Elle y évoque sans détour les écoles complètement en ligne, celles avec des classes inversées, les autres regroupant les élèves selon leurs habiletés plutôt que leur âge, certaines consacrant la moitié du temps en classe et l’autre moitié à un apprentissage individualisé dans des laboratoires informatiques, ainsi que les établissements sans case horaire.

 

« Ces modèles ne sont pas pour tout le monde. C’est une clientèle d’élèves qui dit qu’elle a besoin de plus de soutien ou, complètement à l’inverse, qu’elle est capable de fonctionner seule. […] Ce sont des modèles d’école plus personnalisée. Je ne dis pas que demain matin on pourrait faire ça, parce que, de toute façon, en ce moment les lois nous empêcheraient de le faire. La présence scolaire est très réglementée au Québec. Mais je pense qu’on doit être ouvert à d’autres modèles d’école. »

 

Actions

 

Une démarche politique est aussi enclenchée. Bien sûr, les établissements privés jouissent d’une plus grande autonomie que les établissements publics pour se lancer dans de nouvelles avenues. Mais la FEEP a, par exemple, approché le ministère de l’Éducation aux côtés de la Société de formation à distance des commissions scolaires du Québec (SOFAD) dans le but d’inciter le gouvernement à revoir les lois entravant la formation à distance. « Ce n’est pas sur la table, au ministère, un sujet comme celui-là. Et pourtant, il y a beaucoup de situations où les gens en auraient besoin », juge Mme Brousseau. Elle ajoute que l’entreprise privée, et non l’école, commence à fournir, pendant ce temps, des cours en ligne. Le site Étude secours en est un exemple. « C’est ça qui arrive quand on prend trop de retard. Il y en a d’autres qui ont l’idée. Pourquoi ? Parce qu’il y a un besoin. »

 

Parfois, lors de ses conférences, elle rencontre des enseignants fermés aux idées, soulignant qu’ils ne doivent pas être remplacés par des ordinateurs. « Le plus important à l’école, c’est la relation entre l’élève et l’enseignant, rassure Mme Brousseau. C’est l’élément qui amène le plus l’élève vers la réussite. Donc, il n’est pas question de changer les professeurs pour des ordinateurs. On ne veut pas fermer les écoles non plus. Mais on veut qu’elles évoluent avec leur temps. » Elle suggère au personnel scolaire, devant toutes les nouvelles approches mises de l’avant à l’étranger qu’elle rapporte, de « trouver leur place, leur niche », mais d’« oublier le statu quo ».

 


Collaborateur

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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