La fébrilité des premiers pas

« C’est ma première vraie classe. C’est moi qui vais la diriger, de A à Z », se réjouit Jessica.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir « C’est ma première vraie classe. C’est moi qui vais la diriger, de A à Z », se réjouit Jessica.

L’idée qu’on se fait de l’école correspond-elle à la réalité ? C’est à cette question que Le Devoir s’arrête en suivant pas à pas l’évolution de quatre nouveaux venus dans l’univers scolaire. Une enseignante qui n’a jamais enseigné, une directrice fraîchement débarquée, des parents qui découvriront l’école avec un premier enfant à la maternelle et un jeune immigrant sur le point de commencer le secondaire. Nous les suivrons sur leur lancée de la rentrée jusqu’à la fin de l’année. Aujourd’hui, Jessica l’enseignante - et Marie-Claude la directrice - fait ses débuts dans le métier.

 

Alors que certains ont passé un été de farniente, fait de voyages et de bords de mer, Jessica, elle, a passé la belle saison… à découper des cartons de couleur. «J’ai fait des soupers d’amis et je les ai fait découper avec moi», rigole la jeune femme de 24 ans, qui fait ces jours-ci ses premiers pas dans le métier d’enseignante.

 

Un été de préparatifs, donc, qui s’est prolongé jusqu’à mardi, dernier jour avant la rentrée scolaire. «J’ai l’impression que je ne sais pas où donner de la tête. C’est la panique, le stress, l’anxiété… J’essaie de penser à tout, mais je sais que j’oublie plein de choses», a-t-elle confié au Devoir.

 

Normal, pour un prof, d’avoir les papillons au ventre la veille de la première journée d’école. Et surtout lorsqu’on commence dans le métier. Fraîchement diplômée en enseignement au primaire, la jeune femme originaire de Châteauguay s’est vu confier un remplacement de deux mois à la fin de l’année dernière. La voilà maintenant à la tête d’une classe de 15 petits bouts de choux - le parfait ratio profs-élèves, selon elle - de première année dans une petite école de Verdun, qui a un indice de défavorisation élevé. «C’est ma première vraie classe. C’est moi qui vais la diriger, de A à Z», constate-t-elle, accusant le coup.

 

La gestion de classe ne l’effraie pas, c’est sa force. Mais elle admet que songer à tous ces petits visages inconnus qui la regarderont les yeux écarquillés l’effraie un peu. Et que dire de ceux de leurs parents, certainement plus âgés qu’elle, qui tenteront peut-être de mettre son autorité à l’épreuve. «Il m’est arrivé quelques situations avec des parents où j’ai failli craquer. Mais il faut apprendre à se maîtriser, à ne pas le «prendre personnel» si on se sent attaqué. À l’université, on ne nous prépare pas à ça.»

 

Pas plus qu’à enseigner, paraît-il. «J’ai plus appris dans mes quatre stages que dans mes quatre années à l’université. C’est incroyable, le nombre de fois où je me suis demandé ce que je faisais là», lance Jessica. « Il n’y avait rien de concret. Là, je me retrouve devant une classe. Je commence par quoi ? C’est dommage qu’on ne nous ait pas donné plus d’outils pour s’organiser.» En Ontario, les futurs enseignants sont mieux préparés, remarque-t-elle.

 

Expériences multiples

 

En plus des précieux conseils de ses collègues qu’elle n’hésite pas à consulter, la jolie brunette n’aura d’autre choix que de puiser dans ses expériences professionnelles et son «vécu». Son adolescence passée en Alberta dans une petite école francophone dont elle est devenue présidente, ses stages en milieux défavorisés et ceux en milieux très aisés, son emploi dans un centre communautaire multiethnique de Côte-des-Neiges mais surtout son expérience comme aide-élève d’un enfant autiste, qui fut le déclic pour sa vocation d’enseignante. «J’étais passionnée par l’enfant, j’adorais le voir cheminer et me sentir utile auprès de lui.»

 

Jessica se réjouit d’ailleurs d’avoir un enfant autiste dans sa classe cette année. Elle sera épaulée par une psychoéducatrice à raison de 15 heures par semaine et la direction de l’école lui a assuré son soutien. «Ce n’est pas comme ça dans toutes les écoles», reconnaît-elle, se disant choyée. Toutefois, bien que son armoire à bricolage soit bien remplie, elle admet qu’elle ne pourra peut-être pas toujours compter sur l’aide de l’école pour l’achat de matériel supplémentaire. «Il y a plusieurs choses que je vais payer de ma poche».

 

Pour l’heure, c’est le moindre de ses soucis. Ses élèves sont sa priorité. «Je veux avoir une belle relation avec mes élèves. Je veux créer un sentiment d’appartenance pour qu’ils aient le goût de venir à l’école.»

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