La Conférence des recteurs est tout près de l’éclatement. Après le départ de l’Université Laval et celui annoncé de l’Université de Montréal, au tour du réseau UQ de vouloir se retirer de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ). En parallèle, une association jusqu’ici informelle réunissant les universités à chartes privées — une sorte de U8 — s’organise, a appris Le Devoir.
Le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, reconnaît qu’il y a des discussions sans toutefois confirmer qu’un U8 est sur le point de voir le jour. « Il n’y a pas de U8 ni d’association, mais il y a eu une circonstance commune où les universités à chartes ont convenu de se regrouper. On s’est dit : est-ce qu’on peut avoir des assises communes sur comment on voit la loi-cadre ? On a des choses à mettre en commun et c’est ce qu’on a fait », a-t-il dit au Devoir. Un regroupement formel des universités à charte n’est pas à son programme pour le moment, a-t-il indiqué.
Le recteur ne cache pas qu’il a pris contact avec les présidents des chantiers gouvernementaux, notamment sur la loi-cadre et le Conseil des universités, pour faire valoir ses propres idées. Et le chantier sur le financement des universités ? Il est encore tôt, croit le recteur, soulignant qu’il est prévu pour 2014.
Chose certaine, l’Université de Montréal larguera officiellement les amarres de la CREPUQ « telle qu’elle existe aujourd’hui au plus tard le 30 octobre 2013 », comme le recteur l’écrit dans sa lettre signifiant son départ à ses collègues de la CREPUQ vendredi dernier. Il y déplore le « manque d’homogénéité des établissements membres » et la difficulté de concilier les intérêts, tout comme l’a fait le recteur de l’Université Laval il y a deux semaines. « Notre appartenance à la CREPUQ freine la défense des intérêts propres à notre institution », lit-on.
M. Breton confirme qu’il prend dorénavant l’exercice de son plein droit de parole et que plus personne, autre que l’établissement lui-même, ne pourra parler en son nom. « Je n’aime pas l’ambiguïté de rester dans une organisation qui est supposément porte-parole de 18 universités et, en même temps, parler pour moi. Je n’ai pas besoin de porte-parole », a-t-il soutenu. Selon lui, l’outil qu’est la CREPUQ a « mal vieilli » et lui coûte cher (un million) en cette période de compressions.
Retrait de l’UQ
Le réseau de l’Université du Québec a emboîté le pas de l’UdeM, signifiant aussi mardi dernier son intention de se retirer du regroupement à la même date fin octobre. « Le départ annoncé d’un membre majeur et l’intention confirmée d’une autre université importante d’aller dans le même sens obligent les établissements de l’UQ à quitter la CREPUQ », peut-on lire dans une lettre signée par les chefs des dix (sur 11) constituantes de l’UQ obtenue par Le Devoir. Seule constituante de l’UQ à ne pas avoir signifié son intention de partir, l’UQAM se dit en réflexion.
« On n’a rien à reprocher à personne, mais on constate qu’avec le départ de deux joueurs majeurs, il serait imprudent et inquiétant de rester dans la CREPUQ dans la forme qu’elle a actuellement », a expliqué la présidente du réseau UQ, Sylvie Beauchamp, calquant sa position sur celle de l’UdeM. « On constate qu’il y a un effritement de ce côté-là. Si on définit une nouvelle CREPUQ, on décidera si ça nous convient ou pas. »
Cette « nouvelle » CREPUQ, les 18 chefs d’établissements du réseau universitaire auront l’occasion d’en discuter lors d’une journée de réflexion, qui se tiendra le 6 juin prochain et à laquelle ils ont tous convenu de participer, y compris les insatisfaits. Les recteurs discuteront des services que permet la CREPUQ grâce à la cotisation de ses membres, notamment le partage de données — particulièrement utile pour répartir les étudiants des programmes contingentés —, la bibliothèque, les assurances.
Y a-t-il un réel espoir de recoller les pots cassés ? « Je suis réaliste, dit Guy Breton. Si on est capables de trouver des choses qu’on est capables de faire ensemble, tant mieux. […] Je suis convaincu qu’il y aura des services dont on va vouloir encore. » Mais chose certaine, une majorité de chefs d’établissements, qui ont signifié qu’ils quitteraient la CREPUQ si elle ne changeait pas ses mandats, s’attendent à des changements profonds. « On va se questionner sur les services et on verra si à la fin on va être 8, 12 ou même 18. Mais moi, je ne me sortirai pas de la CREPUQ pour me rembarquer dans un U8 et me ramasser avec le même problème, a insisté le recteur. On verra quel sera le meilleur regroupement. »
Depuis un certain temps, les tensions sont vives entre les 18 chefs d’établissements universitaires membres de la CREPUQ. Elles se sont particulièrement exacerbées avec la grève étudiante et ont culminé avec le Sommet sur l’éducation de février dernier sur fond de compressions dans le réseau, comme le laisse entendre la lettre de Guy Breton à ses collègues recteurs. « Les événements du printemps 2012, la tenue des rencontres thématiques, le Sommet sur l’enseignement supérieur au Québec et notre participation aux divers chantiers mis de l’avant par le gouvernement du Québec ont amené la direction de notre université à remettre en question notre appartenance à la CREPUQ. »
La CREPUQ a indiqué qu’elle ne ferait aucun commentaire sur les décisions prises par ses membres.
À voir en vidéo