La CREPUQ se fissure

Denis Brière
Photo: Clément Allard Denis Brière

La Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) est dans la tourmente. Après le départ du recteur de l’Université Laval, Denis Brière, celui de l’Université de Montréal, Guy Breton, aurait lui aussi signifié au conseil d’administration qu’il partirait dans les prochains mois, a appris Le Devoir. « Il y a une réflexion à ce propos. Oui, il y a des insatisfactions, mais aucune décision n’a encore été prise », a déclaré Mathieu Filion, porte-parole de l’UdeM.


Après en avoir informé les membres lors d’un conseil d’administration jeudi dernier, le recteur Brière a confirmé lundi par voie de communiqué qu’il quittait bel et bien ce regroupement « qui ne répond plus aux besoins de l’Université Laval en matière de défense et de promotion de ses intérêts et de son identité ». Depuis un certain temps, M. Brière faisait cavalier seul sur certains dossiers, notamment celui des compressions imposées par le gouvernement Marois. Il avait refusé de signer une lettre conjointe de tous les recteurs, préférant mener seul la bataille sur le sujet.


Visant sans le nommer le cas de l’îlot voyageur à l’UQAM, le recteur vit mal avec le fait de devoir faire partie d’un bloc monolithique avec d’autres universités, surtout lorsque certaines d’entre elles connaissent des dérapages. « L’autonomie de nos universités est régulièrement attaquée depuis les dernières années sous le prétexte, entre autres, d’éviter certains déboires financiers isolés vécus par certaines universités », écrit-il dans son communiqué.


Dans ses explications, M. Brière fait également allusion au débat sur le financement des universités privées à chartes et celle du réseau de l’Université du Québec (UQ), qui divise depuis longtemps la CREPUQ et qui a été ravivé lors des rencontres préparatoires du Sommet sur l’enseignement supérieur. Certains recteurs d’universités possédant une faculté de médecine, dont l’Université de Montréal et McGill, avaient plaidé pour des droits de scolarité modulés selon le domaine d’étude. « Nous sommes particulièrement inquiets de voir cette tendance à considérer toutes les universités québécoises comme des institutions publiques et uniformes, ce qui limite, sur le plan stratégique, le potentiel de développement de certaines institutions. »


À ce stade-ci, l’Université Laval se sent plus près des enjeux défendus par une association comme le groupe U-15, qui représente 15 des grandes universités de recherche au Canada. « On a des enjeux de recherche et internationaux qui nous sont très importants », a indiqué au Devoir Éric Bauce, vice-recteur exécutif et au développement de l’Ulaval. « Quand on va s’asseoir et jaser pour déterminer une prise de position des universités qui ont une faculté de médecine, on va pouvoir plus facilement faire ressortir le message que si ça prend un consensus au sein de la CREPUQ, y compris avec des universités qui n’ont pas de facultés de médecine. »


Une journée de réflexion


Le conflit étudiant a éprouvé les recteurs, a reconnu Luce Samoisette, rectrice de l’Université de Sherbrooke et présidente de la CREPUQ. « La dernière n’a pas été facile pour les universités », a-t-elle soutenu. Elle prétend que la nouvelle a été accueillie de façon respectueuse par tous les membres et refuse de croire à un effet d’entraînement. « Il y a une insatisfaction et c’est la sienne et il en a fait part aux collègues. C’est tout. »


Certains dossiers sont « difficiles », convient-elle. « C’est clair que pour le financement, avec des universités à charte et le réseau UQ, on ne s’entendra pas, les réalités sont trop différentes. C’est pour ça que le ministère doit trancher », a-t-elle admis. « De l’autre côté, sur la gouvernance, ça va être beaucoup moins problématique de s’entendre ». Certains recteurs n’avaient pas apprécié le fait que le réseau UQ ait une tribune dans le cadre des différentes rencontres du Sommet sur l’enseignement supérieur, en plus de celle des recteurs de la CREPUQ, a confirmé au Devoir une source du milieu de l’enseignement supérieur. Ils l’avaient pris comme du favoritisme de la part du gouvernement.


La CREPUQ ne se met toutefois pas complètement la tête dans le sable et s’est donné le mandat de tenir une journée de réflexion pour redéfinir sa mission et son mandat d’ici le début des vacances d’été. « Il y en avait déjà eu, il y a quatre ou cinq ans avant que j’arrive, et ça avait entraîné des changements dans la composition du CA, par exemple. C’est normal d’avoir ce genre de réunion. Surtout après l’année qu’on a eue, a dit Mme Samoisette. Mais je n’ai eu aucune menace de partir avant qu’on pense à tenir cette journée de réflexion. »


Le recteur Brière n’a toutefois pas attendu cette journée de réflexion avant d’annoncer son départ. Il s’est toutefois offert pour y participer. Mme Samoisette ne perd pas espoir que l’Université Laval réintègre finalement les rangs de la CREPUQ, si des changements sont apportés. « C’est déjà arrivé par le passé », note-t-elle. Pour l’heure, M. Brière paiera encore pour six mois de cotisation et continuera de bénéficier des services offerts par l’organisation, comme le service d’information et de données et la bibliothèque.


Selon Éric Bauce, l’Université Laval défendra désormais ses propres positions, mais demeurera en interaction avec les autres universités. « On peut facilement travailler avec nos collègues des autres universités sans être sur la même plateforme, a-t-il dit. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. »

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